Brahms : Symphonie No. 2
La Symphonie No. 2 de Brahms, dont la création à Vienne remonte à fin 1877, figure parmi les pièces symphoniques assez présentes au concert. Il est alors difficile pour un chef d'imposer avec succès son approche personnelle dans un contexte de rude concurrence. Pourtant, dès l'attaque toute en douceur du premier mouvement Allegro non troppo, Mariss Jansons nous envoûte par sa gestuelle ample et ronde, ainsi que par le plaisir, peut-être même le bonheur, qu'il sait immédiatement communiquer aux musiciens du Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks. La direction qu'il imprime à la formation pourrait se résumer ainsi : maîtrise, énergie, vigueur, mais aussi bienveillance, et même une certaine tendresse. Le travail qu'il réalise dès ce premier mouvement, notamment avec les cordes et les bois, est remarquable. De même, la cohésion obtenue au sein de l'orchestre se montre exemplaire et permet de délivrer un véritable message d'amour. Chose rare, on constatera également la perfection constante des sonorités des cuivres par lesquels Mariss Jansons gère avec art la montée de la tension. La coda sera particulièrement soignée, rapide, mais sans précipitation.Pour le second mouvement Adagio non troppo, l'optique du chef demeure, mais il arrondit davantage sa battue, ce qui ne manque pas d'apporter plus de douceur aux sonorités. L'équilibre des différents pupitres instrumentaux est parfaitement géré, en particulier dans leur rapport aux cuivres. Les cordes, très soyeuses, font un peu penser à celles de l'Orchestre Philharmonique de Vienne, et magnifient la sublime coda.
Pour le troisième mouvement Allegretto grazioso - Presto ma non assai, Jansons privilégie les bois et les cordes avec sensibilité et grâce. On remarquera avec quel doigté le chef façonne les petites "fusées" partant à toute allure de ces pupitres. Une grande précision qualifiera la fin de ce mouvement.
Enfin, dans le quatrième mouvement Allegro con spirito, Mariss Jansons fait montre de toute l'énergie dont il est capable. Pourtant, il n'y a dans sa direction aucune exagération à même de trahir le sens romantique, mais toujours encore un peu classique, de l'univers brahmsien. Son Brahms montre parfaitement ici la différence avec la musique dite "de l'avenir", celle de Wagner et Liszt. Dans ce dernier mouvement, Jansons accorde toujours autant d'attention aux détails, et c'est avec une précision d'horloger qu'il donne le départ aux cuivres, puis initie le tutti orchestral. Son dynamisme est en outre si rayonnant qu'il termine cette Symphonie No. 2 en élevant pour ainsi dire la température de l'orchestre au niveau de la lave en fusion, ce qui n'est pas peu représentatif de l'art de Jansons !
Janacek : Messe Glagolitique
La Messe Glagolitique de Janacek a été créée en juin 1926 à Prague, mais c'est dans la version finale de 1928 que nous l’entendons ici. Le texte de cette messe est écrit, non en latin, mais en vieux slavon, et compte huit parties. Quatre chanteurs solistes et l'organiste Iveta Apkalna rejoignent l'orchestre et le Chœur de la Radio Bavaroise : Tatiana Monogarova (soprano), Marina Prudenskaja (mezzo-soprano), Ludovit Ludha (ténor) et Peter Mikulas (basse).
Mariss Jansons, dès l'Introduction, nous plonge avec autant d'efficacité dans un univers totalement différent de celui de Brahms, et apporte une ampleur remarquable à la partition.
Une belle autorité, de la précision et un véritable sens de la sculpture président au Kyrie. L'entrée du chœur mixte est parfaitement intégrée, puis la soprano russe Tatiana Monogarova montre une tessiture en bonne adéquation à la partie chantée et un vibrato relativement bien géré.
Dans le Gloria, la précision des attaques de l'orchestre est assez stupéfiante, puis Mariss Jansons parvient à mettre en place l'équilibre le plus parfait entre formation orchestrale, chœur et soprano. Malheureusement, le ténor slovaque Ludovit Ludha, dès les premières mesures de son intervention, projette un timbre bien peu agréable, avec de nettes limites dans les aigus et les forte.
Puis, c'est le Credo, lequel permet tout d'abord au chœur de montrer un parfait unisson et une remarquable homogénéité par pupitre. Le ténor apparaît ici sous un jour un peu meilleur dans la mesure où sa puissance est moins sollicitée dans ce mouvement. Les choristes féminines, sous la direction de Jansons, parviennent à concurrencer des voix enfantines en distillant une atmosphère véritablement séraphique… L'orgue entre alors, après un superbe solo de flûte relayé par les violoncelles. Puis, le ténor expose à nouveau des limites vite atteintes avant de céder la place à la basse d'origine slovaque, elle aussi. Celle-ci - Peter Mikulas - prouve dans ce mouvement la fiabilité de son chant sur toute l'étendue du registre. Enfin, la coda de cette partie, avec basse et chœur, est merveilleusement amenée.
Dans le Sanctus, moment crucial de la partition de par sa complexité d'écriture, Mariss Jansons ne rencontre aucun problème à maîtriser le véritable édifice sonore constitué par les musiciens et les solistes, tous particulièrement actifs. À vrai dire, tout serait parfait si le ténor ne hurlait d'insupportable façon ! Le Benedictus, accolé au Sanctus, permettra d'ajouter à la formation le beau timbre de la mezzo-soprano russe Marina Prudenskaja, dont les moyens vocaux sont parfaitement distribués dans cette Messe Glagolitique.
Le travail du chœur sera superbement exposé dans l'Agnus Dei. Du côté de Mariss Jansons, précision, maîtrise, et concentration sont totales. Les voix des solistes se relaient, se répondent, et se prolongent parfaitement jusqu'à une fin de mouvement gérée jusqu'à ce qu'elle s'éteigne. Là encore, quelle belle gestion des forces en présence !C'est alors le solo d'orgue du Postludium, intervention pour le moins surprenante après la partie qui précède. La caméra de Michael Bayer montre parfaitement le travail de l'organiste lettone Iveta Apkalna, et en particulier le jeu de ses pieds sur le pédalier de l'instrument, orgue aux dimensions impressionnantes.
La Messe se termine par une Intrada confiée seulement à l'orchestre, avec un rôle important dévolu aux cuivres et aux percussions. Là, Mariss Jansons nous fait ressentir une telle énergie qu'on adhérera aussitôt aux applaudissements nourris qui concluront ce concert.Si Mariss Jansons s'entend à nous donner une fort belle version de la Symphonie n°. 2 de Brahms, c'est bien la Messe Glagolitique de Janacek qui apparaît comme la pièce la plus intéressante de ce concert, d'autant qu'elle est très rarement programmée dans les salles. Malgré le handicap que constitue la vraie faiblesse du ténor, solistes, chœur et orchestre se hissent à la hauteur de cette exigeante mais formidable partition.
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Jean-Luc Lamouché