Le Royal Stockholm Philharmonic Orchestra est dirigé par Sakari Oramo - le chef finlandais occupe le poste depuis 2008 - et Joshua Bell est le soliste de prestige de la soirée dans l’acrobatique Concerto pour violon en ré majeur op. 35 de Tchaikovsky, plat de résistance pour ce concert. Beethoven et l’Ouverture Leonore III op. 72a se chargent de l’entrée et Sibelius fournit le dessert avec la Symphonie No. 5 en mi bémol majeur op. 82.
Leonore III… 72a
Leonore III est une des quatre ouvertures composées pour Fidelio, œuvre de circonstance puisqu'à l’instar de l’époux de l’héroïne, le prix Nobel de la paix 2010, le chinois Liu Xiaobo, est aujourd’hui encore embastillé. Sous la direction souriante, voire bonhomme, de Sakari Oramo, l’orchestre s’ébroue et s’échauffe pour la suite. La signature est chaleureuse, ronde, pleine de liant, mais on aurait apprécié un peu plus d’attaque, de sécheresse et de précision car l’interprétation de l’œuvre y aurait sans doute gagné en lisibilité et certainement en capacité à générer l’enthousiasme d’un public aux applaudissements un peu compassés. Avec une partition aussi souvent jouée, il est difficile de sortir du lot par le haut ; si la version proposée ici n’a rien d’indispensable, elle se laisse au moins écouter plaisamment et s’accorde à sa fonction apéritive. On découvrira au passage que le pupitre de contrebasses joue à la française - même tenue d’archet que pour le violoncelle -, alors qu’on aurait pu s’attendre à ce que la proximité de l’Allemagne conditionne un usage de la technique y ayant cours. Un effet collatéral de la dynastie Bernadotte, qui sait…
Violoniste star pour Tchaikovsky
Vient ensuite le moment phare et star de la soirée avec le célébrissime et adulé violoniste Joshua Bell muni de son non moins célèbre Stradivarius Gibson ex Huberman de 1713. Armé de son jeu très expressif, autant visuellement qu’auditivement, le violoniste entre de plain-pied dans le vif du sujet, sujet qu’au demeurant il maîtrise jusqu’au tréfonds de la moindre semi hémi double croche. Avec un chef à l’origine violoniste et donc parfaitement au fait des spécificités et des difficultés de l’ouvrage et de l’instrument, l’accord et l’équilibre entre le soliste et l’orchestre sont excellents, y compris sur le plan de la signature sonore, faite d’une pâte riche, onctueuse, quasi gourmande. Sans aucune dureté dans l’émission tout en gardant une belle articulation et un indéniable sens du détail, Joshua Bell tient sa place avec brio. Bon, c’est du tricot et de la haute voltige, mais si on aime le genre performatif, c’est spectaculaire et tout à fait efficace. D’ailleurs l’auditoire, sensible à la prestation du soliste, se réveille considérablement à la fin de l’exécution et se manifeste par une "standing ovation".
Sibelius ou la surprise au coin du bois
Si l’élément "vendeur" mis en avant sur la jaquette des Blu-ray et DVD de ce programme est la présence de Joshua Bell, la surprise et une certaine forme d’intensité viennent, selon nous, de l’exécution de la Symphonie No. 5 de Sibelius. Sakari Oramo montre, à cette occasion, qu’il peut sortir les dents et s’investir émotionnellement de façon tangible. Du coup, Royal Stockholm Philharmonic Orchestra lui emboîte le pas et se met au diapason de son engagement. De là découlent une tension, une énergie qui capte l’attention et fait passer l’auditeur dans un autre plan, plus émotionnel, plus puissant. Certes, parfois, les pupitres se courent un peu les uns après les autres et l’enthousiasme des exécutants génère un poil de confusion, mais la vie et l’énergie instillées dans l'interprétation compensent plus que largement ces quelques imprécisions. On a l’oreille accrochée et c’est bien là l’essentiel.
Voilà au final une captation qui, si elle n'a rien de révolutionnaire, offre un moment de musique agréable, spectaculaire de par la prestation de Joshua Bell, et qui permettra à ceux qui ne connaissaient Sibelius que par la sempiternelle Valse triste de découvrir une autre facette de sa musique.
Lire le test du DVD du Concert du Prix Nobel 2010 avec Joshua Bell
Jacques Paris