Une nouvelle Flûte enchantée, et nous sommes hélas confrontés comme de plus en plus souvent à des choix visuels plus que discutables. Non seulement la mise en scène de Simon McBurney ne parvient pas à nous convaincre de son utilité, mais les choix vestimentaires pour habiller tous les personnages nous montrent ce qu'il y a de plus banal et de plus laid : Papageno vêtu comme un SDF crasseux, jogging pour Pamino, treillis pour les trois Dames… Malheureusement, sous cet angle esthétique, ce que nous voyons au premier Acte sera encore pire au second. Quel besoin, par exemple, de transformer les trois enfants en vieillards décharnés et affreusement nus, la Reine de la Nuit en vieillarde en fauteuil roulant, Monostatos en digne ancêtre d'un Mime de la Tétralogie à l'animalité repoussante ? Seules Papagena et Pamina échappent à ces horreurs en restant propres mais habillées au rabais. À tel point qu'on se demande si le metteur en scène a voulu figurer la crise contemporaine en habillant les chanteurs avec des vêtements tout droit sortis des poubelles !
Du côté mise en scène, les projections vidéo à la mode - signées ici Finn Ross - ne tiennent pas complètement leur rôle tant les cadrages des caméras de Misjel Vermeiren nous en privent en réduisant notre champ visuel. Pour couronner le tout, l'ensemble reste toujours très sombre voire carrément noir, comme si le metteur en scène voulait masquer un plateau pourtant seulement occupé par un décor limité à une dalle mouvante sans guère de signification. Lors d'un de ses récitatifs, Papageno parle en mangeant un sandwich aux poireaux, poireaux qui lui serviront par ailleurs à nous refaire le sketch de Raymond Devos sur La Truite de Schubert avec des bouteilles à la place de verres… Par ailleurs, l'aspect maçonnique qui fait partie intégrante du récit et de l'écriture musicale de Mozart devient ici hors sujet.
L’œil ne trouve aucun plaisir dans cette production, mais le spectateur est en droit d'espérer pouvoir compenser par ce qu'il entend. Mais, là aussi, il y a fort à dire…
Tout d'abord, les passages parlés sont déclamés au-dessus d'un fond instrumental anxiogène qui n'a pas sa place dans La Flûte enchantée. Ensuite, l'ensemble de la distribution peine à véhiculer l'émotion susceptible de se dégager du chef-d’œuvre de Mozart. Le Tamino de Maximilian Schmitt est plutôt neutre et ne ressemble en rien à un prince. Papageno (Thomas Oliesman) peine à camper clairement son personnage : est-il comique ou tragique ? Quoi qu'il en soit, il n'a aucun lien de parenté avec l'oiseleur attendu. Si Brindley Sherratt compose un Sarastro aux belles notes basses, le chant devient assez neutre sur le reste du registre. Le ténor Wolfgang Ablinger-Sperrhacke, pour sa part, campe un Monostatos à la voix plutôt agréable et bien timbrée, et les trois garçons issus du Knabenchor der Chorakademie Dortmund assurent correctement leur prestation. Par ailleurs, ce que réserve le metteur en scène aux chanteurs les place bien trop souvent dans l'inconfort et les rend incapables d'être en phase avec l'esprit de La Flûte enchantée.
Côté voix féminines, la Pamina de Chistina Landshamer possède pourtant de réelles qualités d'interprétation, tout comme la Papagena de Nina Lejderman. Mais les implacables notes suraiguës de la Reine de la Nuit d'Iride Martinez grésillent pour certaines et manquent de netteté. Ses interventions aux vocalises impossibles restent techniques sans réellement dégager de véritable et total enthousiasme. Heureusement, les trois Dames interprétées par Ana Maria Labin, Silvia de la Muela et Julia Faylenbogen offrent ici une très honnête prestation… Enfin, à l'image de la prestation vocale, le Netherland Chamber Orchestra dirigé par Marc Albrecht ne dépasse pas le niveau d'une interprétation standard.
On oubliera vite cette Flûte enchantée dont la créativité tant musicale que scénique nous transporte, a contrario de l'esprit de l’œuvre, dans une banalité et une laideur visuelles constantes. L'ensemble, de plus, nous semble bien long…
Lire le test du DVD La Flûte enchantée par le Dutch National Opera
Retrouvez la biographie de Wolfgang Amadeus Mozart sur le site de notre partenaire Symphozik.info
Nicolas Mesnier-Nature