Le concert enregistré au Festspielhaus de Baden-Baden débute par Debussy. La façon de présenter les musiciens pour l'occasion est assez astucieuse : dos à la grande salle ils sont placés sur une estrade, face à un public installé sur la scène. La salle vide éclairée en bleu puissant apporte ainsi une profondeur très appréciable pour le spectateur, et constitue également un décor à la fois original et esthétique.Nuits d'Étoiles ouvre le récital d'une façon diaphane quasi magique. La harpe cristalline se marie à la voix souverainement maîtrisée de la chanteuse, donnant naissance à une sonorité subtile. Dès cette première aria, Diana Damrau se permet une démonstration impressionnante de pianissimi, d'attaques aiguës susurrées et d'utilisation d'un registre médium totalement placé au service du texte, ici celui de Théodore Faullin de Banville. La caméra de Brian Large parvient même à capter ces mystérieuses étoiles dans le bleu des yeux de la cantatrice. À ses côtés, Xavier de Maistre, loin de toute démonstration, se fait accompagnateur délicat et attentif. Les deux interprètes semblent déjà parfaitement assortis pour une soirée qui s'annonce placée sous le signe de leur charme et de leur sensibilité musicale. Les Lilas, puis Fleurs des blés confirment la qualité de l'association mais la qualité de l'articulation du français se perd parfois dans les beaux aigus forte de la soprano. Clair de Lune, puis Mandoline aux exquises modulations accompagnées par une harpe plus rythmée mais toujours subtile sont proposés avant un superbe Beau soir inspiré qui permet de trouver en Diana Damrau un talent de conteuse douée de mystère. Apparition termine ce choix de mélodies de Debussy judicieusement choisies avant la Première Arabesque interprétée avec grande classe par Xavier De Maistre
Fauré est ensuite à l'honneur avec une sélection de six mélodies et de l'Impromptu pour harpe solo.
Après un rêve déçoit par une expression vocale pas suffisamment en retenue et une interprétation trop appuyée des mots là où l'on attendait bien plus de mesure. Clair de Lune, en revanche, nous permet de retrouver une intention plus juste et d'apprécier chez Diana Damrau un registre bas expressif sans jamais sacrifier la rondeur du son ou sa couleur. Sérénade Toscane, particulièrement bien placée dans la succession d'airs, apporte sa tonicité rythmique avant de nous conduire, avec Les Berceaux, pour sa dimension poétique qui convient parfaitement à Diana Damrau. La chanteuse excelle dans les textes qui la placent légèrement en retrait de ce qu'elle décrit et font d'elle une sorte de poétesse inspirée. Suivent un dispensable Adieu, et Notre Amour, lui, tout à fait charmant.
L'Impromptu permet à Xavier de Maistre de tirer de splendides couleurs de sa harpe par un jeu à la fois fluide et précis assorti de nuances superbes.
Schumann est proposé en troisième partie avec, successivement, Suleika, un radieux Nussbaum où la harpe fait merveille par sa fluidité au côté de la voix qui se pare d'expressivité, les Lied der Braut I & II sur des textes de Friedrich Rückert, Die Lotosblume et Er ist's, pour lequel Diana Damrau use d'expressions théâtrales parfaitement en phase avec le chant. Là encore, harpe et voix s'unissent dans des sonorités qui ne font jamais regretter le piano, voire l'orchestre.
Ce traitement chant et harpe convient particulièrement aux mélodies de Richard Strauss sélectionnées pour ce concert. Il faut dire que la voix de Diana Damrau se prête parfaitement à l'écriture straussienne. La constante tenue de la ligne de chant, les aigus d'une subtilité toujours remarquable, le souffle géré de façon transparente et la diction subtile et expressive des mots constituent des qualités qui servent ici au mieux l'écriture. Le spirituel Nichts, Freundliche Vision, All mein' Gedanken, le sublime Wiegenlied pour lequel la soprano délivre des trésors de délicatesse à faire pleurer les pierres tandis que les doigts agiles de Xavier de Maistre arpègent sans discontinuer avec une aisance bluffante, le mystérieux Die Nacht, le sublime Morgen puis Kling! et Stäntchen, donné en premier bis, s'enchaînent et suscitent la même admiration de l'auditeur. C'est sans doute, avec Richard Strauss, que la soprano parvient à nous toucher le plus, tant sa voix épouse le style. L'interprétation trouve un parfait équilibre entre l'expression et la mesure.
Le programme se conclut sur l'Ave Maria de Bach-Gounod qui, à lui seul, pourrait devenir la vitrine consacrée à l'absolue maîtrise vocale de Diana Damrau, puis Widmung de Schumann, au démarrage peut-être un peu rapide mais de très haute tenue.
Au terme de ce voyage musical tout à la gloire de ses deux interprètes et des compositeurs qu'ils servent avec un sens absolu de la musicalité, un retour au menu du DVD permet d'accéder au documentaire Diva Divina.
Diva Divina
Réalisé par Beatrix Conrad en 2011, Diva Divina est sous-titré Neuf mois avec la star allemande de l'opéra. Ce documentaire en allemand et en anglais propose une voice-over en anglais superposée au son original en allemand. Aucune localisation française n'a été effectuée par l'éditeur pour ce film !
Ceci étant, ces 9 mois passés auprès de Diana Damrau n'apprennent pas grand-chose sur l'art de la chanteuse mais se présentent davantage comme un album d'Instantanés aboutissant à la naissance de son bébé que nous voyons accueilli avec beaucoup d'amour par la chanteuse et son son mari - la basse française Nicolas Testé - souvent mal à l'aise, ce qui est parfaitement compréhensible, devant la présence de la caméra somme toute assez intrusive. Entre diverses séquences de répétitions, quelques airs, de vivants plans de coulisses, une visite chez Virgin Classics et des images d'archives, on retiendra cependant le besoin de nature pour Diana Damrau et son incroyable disponibilité face aux metteurs en scène. Ce film ne sera pas celui qui aura permis une approche profonde de l'art d'une formidable chanteuse, mais contribuera sans doute à véhiculer une image vivante et naturelle de l'artiste au fil de son quotidien. (Stéréo PCM, 52')
À noter : Ni la jaquette de ce DVD ni le livret - uniquement en anglais - ne proposent la liste des arias dans l'ordre du concert. Seul le menu du DVD permet de prendre connaissance de l'ordre des pièces. Peu pratique ! En revanche, les titres apparaissent au début de chaque aria. Dans le livret, la mention "Harp solo" en italique se retrouve devant des mélodies chantées et les lieder de Schumann Suleika et Nussbaum sont réunis en un seul et même titre. Même la durée du concert est fausse (87' au lieu de 97'). Vraiment bâclé !
Philippe Banel