DVD Jaquette de : Cosi fan tutte (Haneke, Teatro Real Madrid)

Distribution

Interprètes
  • Anett Fritsch
    Fiordiligi
  • Paola Gardina
    Dorebella
  • Juan Francisco Gatell
    Ferrando
  • Kerstin Avemo
    Despina
  • William Schimell
    Don Alfonso
  • Chorus of the Teatro Real Madrid
Mise en scène
Michael Haneke
Orchestre
Orchestra of the Teatro Real, Madrid
Chef d'orchestre
Sylvain Cambreling
Origine
Teatro Real, Madrid

Informations techniques

Durée
202'
Nombre de disques
2
Zone/Région
Zone ALL
Éditeur
C Major
Distributeur
Harmonia Mundi
Date de sortie
19/11/2013

Vidéo

Couleurs/N&B
Couleurs
Format images
1.78
Format vidéo
16/9 compatible 4/3
Codec/Standard vidéo
NTSC

Audio

Version(s) sonore(s)
5.1 DTS mi-débit
Stéréo PCM
Sous-titres
•  Allemand
•  Anglais
•  Coréens
•  Espagnol
•  Français
•  Italien
•  Néerlandais

Cosi fan tutte (Haneke, Teatro Real Madrid) DVD

Tutti ovation

Note générale : 10/10

Wolfgang Amadeus Mozart

Opéra


Pour sa deuxième mise en scène lyrique, Michael Haneke a fait sensation lors de sa présentation de Cosi fan tutte au Teatro Real de Madrid en mars 2013. Moins d’un an après, la voici disponible en Blu-ray et DVD chez C Major. Sylvain Cambreling est au pupitre, avec la lourde mission d’entrer, en compagnie de six chanteurs quasiment tous inconnus du grand public, dans le jeu proposé par le cinéaste autrichien qui semble avoir écouté ici aussi bien Mozart que Da Ponte…

<i>Cosi fan tutte</i> mis en scène par Michael Haneke.  © Photo Javier del Real

 

Avec son inspiration mélodique du plus haut niveau et son livret d’une subtilité abyssale, Cosi fan tutte est un opéra magnifique… Pourtant, bien que datant de 1790, cet antépénultième opus de Mozart, aujourd’hui reconnu comme un chef-d’œuvre indiscutable, a longtemps été considéré comme bien inférieur aux deux autres opus de la Trilogie qu'il constitue avec Les Noces de Figaro et Don Giovanni. Cette incompréhensible traversée du désert de presque deux siècles s'est achevée à l’aube des années 80 seulement ! On reste sans voix devant l’aveuglement de nos aïeux, pour qui ce dernier fruit de la collaboration Mozart-Da Ponte n’était qu’un vaudeville et rien de plus ! À l’origine de cette réhabilitation, fière chandelle doit être rendue à des metteurs en scène-pionniers qui ont appris à tout un auditoire lyrique à entendre vraiment Cosi fan tutte. Rendons grâce, par exemple, à un Jean-Claude Auvray, qui, en 1982 proposa un Cosi d’une irrésistible sensualité visuelle, pleine de troublants sous-entendus et qui, le premier, fit affleurer les larmes sous le divertissement. Les années ont passé… Une foultitude de Cosi s’est engouffrée dans cette voie. Et cet opéra est apparu pour ce qu’il est vraiment : un bouleversant autant que cru traité du désir. N’en déplaise à tous ceux qui regrettent la pantalonnade d’antan (il en est qui, comme pour Don Giovanni, autre noire mécanique du cœur, sont toujours à chipoter la part du giocoso dans le drama). Un vrai Cosi doit arracher des larmes.

 

Décors de Christoph Kanter pour <i>Cosi fan tutte</i> mis en scène par Michael Haneke.

 

Michael Haneke."Scandale chez les Da Ponte !", ainsi pourrait-on intituler cette fin de cruelle plutôt que folle journée imaginée par Michael Haneke, dont le scalpel bien connu convient idéalement à l’opéra de Mozart. Les dix films du cinéaste autrichien sont des épreuves dont le spectateur sort marqué durablement. Ils sont allés très loin dans leur volonté de disséquer les comportements humains réputés les plus insondables. Quoi qu’en disent ses détracteurs ("pasteur janséniste", "démiurge", "donneur de leçons"…), son Art s’est imposé et la France a peu à peu fait sienne ce réalisateur étranger deux fois palmé à Cannes, qui tourne aujourd’hui avec les plus grands acteurs français. Le récent Amour a ainsi ébranlé chacun, des plus jeunes aux plus âgés. Le diabolique argument de Cosi fan tutte semblait attendre Michael Haneke et, au vu du résultat, c’est peu dire que d’avouer notre total éblouissement.

En 2006, lorsque Gérard Mortier avait demandé à Haneke quel opéra il avait envie de monter, ce dernier avait répondu sans hésiter : "Cosi fan tutte". Mais comme celui de Chéreau occupait l’affiche d’alors, Haneke avait dû faire sa première incursion lyrique avec un Don Giovanni transposé dans le monde impitoyable de l’entreprise moderne. Magistral en plus d’une scène, le spectacle gênait cependant en maints endroits (pourquoi ces techniciens de surface masqués façon Disneyland ?), semblait inabouti en d’autres (l’excellente idée inexploitée par la suite du cadavre du commandeur dans le placard à balais). Ce Don Giovanni n’était donc qu’un second choix : ceci peut expliquer cela. Sept ans plus tard, retour à Cosi fan tutte, opéra de premier choix, à tous niveaux.

"Scandale chez les Da Ponte !" ou "Scandale chez les Haneke !" ? On imagine très bien le cinéaste, à l’instar de son Alfonso de scène, organiser dans sa belle demeure autrichienne, la grande soirée costumée où, en compagnie de sa Despina d’épouse, il va recevoir le gratin de la société. Ici, en effet, Alfonso est apparemment marié avec Despina !

 

Kerstin Avemo interprète le rôle de Despina dans <i>Cosi fan tutte</i> mis en scène par Michael Haneke à Madrid.

 

Anett Fritsch (Fiordiligi), William Schimell (Don Alfonso) et Paola Gardina (Dorabella) dans <i>Cosi fan tutte</i>.  © Photo Javier del RealLe pari se tient admirablement, conférant à ce rôle une importance inespérée et qui risque de faire date. Avouons-le d’entrée de jeu : le rôle de Despina - notamment ses deux airs - nous a toujours paru en deçà des sublimes parties de tous les autres protagonistes, Alfonso compris. Pourtant, si l’on considère les ensembles, ainsi que ses courts travestissements en médecin et en notaire, le contrepoint jubilatoire de sa ligne vocale est au contraire des plus essentiels. Au plan de l’écriture vocale, Despina est donc tout sauf un rôle secondaire. Et cela, Haneke, qui l’a parfaitement entendu, va le restituer dans son geste scénique. Au point de faire de la jeune femme le personnage le plus bouleversant de sa mise en scène. Dans le livret qui accompagne les disques, Haneke pose quelques questions-pistes. Notamment celle-ci, intensément troublante : "Pourquoi Despina est-elle si triste ?". Jamais, si ce n’est lors de la très brève révélation finale, on n’a vu Despina triste. Oublions donc toutes les Jeanne Berbié et autres Reri Grist de la discographie : la Despina de Haneke sera un abîme de questionnements. Conséquemment, ses deux airs acquièrent une importance qu’ils n’ont jamais connue jusqu’alors. Du choix de la coiffure, du maquillage d’une transparence de porcelaine, du costume de Pierrot blafard, à celui de l’interprète elle-même, allant jusqu’à lui faire camper une silhouette adolescente quasi-androgyne : tout, du personnage, captive plus de trois heures durant.

Autre particularité remarquable : le Cosi de Haneke, bien que non intégral (manquent le "E amore un ladroncello" et surtout, comme c’est l’usage regrettable le plus souvent, le sublime air de Ferrando "Ah lo veggio"), dure plus que la plus longue des versions ! En raison des tempi de l’orchestre en accord avec la démarche discursive souhaitée ici (la conclusion surlignée de "Vorrei dir"), mais surtout en raison d’une lecture inédite des récitatifs. Ceux-ci se voient traités avec la même écoute que le reste de la partition. Haneke leur réserve la même attention que l’air le plus attendu. Ils ne sont plus les virevoltants, voire irritants, échanges verbaux, le plus souvent expédiés à toute allure, chargés de mettre en valeur l’aria ou l’ensemble qui va suivre, mais bien au contraire de vrais dialogues, de vrais suspenses. À tel point que de nombreux silences seront des mieux venus après certains moments d’extrême tension, pour permettre aux chanteurs comme aux spectateurs de reprendre le souffle de la narration. À titre d’exemple, le silence qui suit "Per pieta" dure une pleine minute !
Il saute aux oreilles que, dans sa conception, Haneke est suivi sans réserve par la complicité ad hoc d’un Sylvain Cambreling très concerné, lequel écoute l’œuvre "avec les mêmes oreilles" que le metteur en scène.

 

Andreas Wolf (Guglielmo) et Juan Francisco Gatell (Ferrando) dans <i>Cosi fan tutte</i> au Teatro Real de Madrid.

 

Haneke prend donc son temps pour raconter une énième fois cette vertigineuse traversée du désir humain où il semblerait que ce sont les femmes qui vont pousser aux glissements de terrain amoureux. Les entrées et sorties sont le plus souvent repensées afin de permettre un angle de vue différent sur les sentiments en jeu. Des personnages sont présents alors qu’ils ne devraient pas. Par exemple, le second air de Despina est chanté en présence d’Alfonso et cela change tout. La maestria du metteur en scène est ici telle qu’il se permet même d’expédier aux oubliettes dès qu’il le peut le travestissement en Albanais, vrai boulet de tous les metteurs en scène qui montent Cosi. C’est gonflé mais ça marche si bien que l’on omet un long moment de se poser la question !

Cela fonctionne aussi car Haneke bénéficie d’une équipe de chanteurs absolument remarquable que l’on n’a aucunement envie de dissocier au moment des louanges. On a déjà vanté la révélation de la Despina : Kerstin Avemo renouvelle avec bonheur et pour longtemps l’image de la pétulante soubrette tête à claques que la tradition nous a imposée. Elle le fait au moyen d’une diction très naturelle, d’un timbre exquis. Même quand elle ne chante pas, l'interprète est fascinante. Sorte de bombe à retardement qui ne supporte pas qu’Alfonso la touche, elle attendra le lieto fine pour faire éclater le scandale à la face de tous les invités. Seul problème : avec une incarnation aussi marquante, quelle chanteuse imaginer après elle…
Alfonso est le seul artiste vraiment connu de la production. Ex-Don Giovanni, William Schimell incarne une manière de Casanova (rappelons que le vibrionnant Da Ponte ne fut pas qu’abbé et rencontra le célèbre séducteur…) rangé dans sa superbe villa avec terrasse, et éblouissant sa société d’amis avec son salon-design au chic parfait. Contrairement à la tradition des Alfonso en fin de parcours, la voix est belle, pleine de l’autorité qui sied à la conduite de la détestable machination.

 

Paola Gardina (Dorabella) et Juan Francisco Gatell (Ferrando).Anett Fritsch (Fiordiligi).

 














Les quatre amants, par-delà une plastique de rêve, sont tous absolument enthousiasmants vocalement.
Annett Fritsch et Paola Gardina sont des sœurs idéales. La première vainc toutes les embûches des périlleux scoglie du rôle de Fiordiligi : à fleur de peau, elle pleure de vraies larmes au fil de son premier solo. Et dans "Per Pieta", au lieu de se contenter de simples sauts d’une note à l’autre, elle offre (comme le faisait Pilar Lorengar chez Solti) de craquants glissandi de velours sur "sempre ascoso". Aux allures de Lady Diana, la seconde est une Dorabella de grande classe, à la séduction confondante. Leurs duos sont de purs délices, le sommet étant très certainement "Prendero quel brunettino" (rebaptisé ici "Prendero quel biondinetto"), d’une sensualité folle, au diapason de la musique sublime de Mozart.
Tout enchante de même chez les garçons, aussi bien au plan vocal qu’au plan scénique. Andreas Wolf est un excellent Guglielmo, il est vrai comme bien des Guglielmo. "Un aura amorosa", vraie pierre d’achoppement de bien des Ferrando, est une évidence dans la bouche de Juan Francisco Gatell même lors de sa reprise piano.

William Schimell (Don Alfonso) et Kerstin Avemo (Despina).  © Photo Javier del RealLes costumes conçus par Moidel Bickel, pour les chanteuses sont d’une ingénieuse complémentarité et participent idéalement à l’hédonisme général. Tenues de l’époque de la création de l’œuvre se mêlent ainsi avec la plus grande évidence à celles plus contemporaines du spectacle. Alfonso sera le seul à ne pas se départir de son costume XVIIIe. Tout cela fait sens.

Haneke utilise au mieux un décor qui, pour bien classique qu’il puisse sembler sur le papier, sera au contraire un piège redoutable. En Cinémascope (format pourtant jamais utilisé par Haneke dans ses films), c’est un décor unique que la lumière fera passer par toutes les nuances nécessaires du jour, du crépuscule et de la nuit. À jardin, une longue bibliothèque basse bourrée de volumes, et un réfrigérateur rempli uniquement d’alcool qui fera office de médecine. À cour, un vrai feu de bois brûlera les visages ravagés. Le feu et la glace. Le réveil sera dur…

La captation est assurée par Hannes Rossacher. Fait assez rare dans l’univers parfois balourd de la vidéo, c’est une des plus belles qui soient. Les gros plans sont sublimissimes, au plus près des êtres (Fiordiligi dans "Per Pieta" !). Hormis à la fin, au moment où la lumière blanche et crue de la désillusion fait irruption et qui aurait mérité un plan d’ensemble, le filmage présente ce que le regard attend. Il s’agit là d’une captation si exemplaire que l’on se prend à imaginer qu’Haneke a tenu à en assurer la direction. Compliment majeur donc.

Ce noir Cosi fan tutte hypersensuel, aussi intelligent qu’excellemment chanté, qui écoute autant Mozart que Da Ponte, est une entreprise totalement aboutie, tant au plan de sa réalisation que de sa captation, et propre à ravir tous les publics, les nostalgiques des Cosi d’antan comme ceux qui connaissent les trésors de raffinement, d’audace et de délectable chavirement que cette œuvre bouleversante a toujours contenus.

À noter : l'Acte I est proposé sur le DVD 1 (99'47) ; l'Acte II est proposé sur le DVD 2 (101'45).

 

<i>Cosi fan tutte</i> mis en scène par Michael Haneke au Teatro Real de Madrid.  © Photo Javier del Real

 

Lire le test du Blu-ray Cosi fan tutte mis en scène par Michael Haneke


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Jean-Luc Clairet

Suppléments du DVD

Sur le DVD 1 : 5 bandes-annonces. (Stéréo DD)
Sur le DVD 2, en allemand avec sous-titres français et anglais : Le documentaire kulTour mit Holender propose une interview de Michael Haneke qui apporte de riches informations sur l'activité de metteur en scène du réalisateur de cinéma. Le chef d'orchestre Sylvain Cambreling, Gérard Mortier, alors directeur du Teatro Real, et plusieurs interprètes participent à cet éclairage de qualité. (Stéréo DD, 22'24)

Bande-annonce du DVD

Critique Images et Son du DVD

Images

Le master d'origine Haute Définition de cette captation offre au support DVD de splendides qualités de lumière et de couleurs. De beaux contrastes apportent profondeur à l'image, tandis que des noirs bien denses se conjuguent à de subtils gris. Toutefois, l'ensemble est un peu mou, comme si l'on avait artificiellement adouci le rendu. On observe aussi une granulosité parfois légèrement excessive et, surtout des vues d'ensemble qui manquent de définition et de piqué. Sur ce point le Blu-ray de ce programme montre sa supériorité.

Son

Le mixage stéréo satisfait par sa dynamique et ses basses assez présentes. L'orchestre, comme les voix, affichent un dynamisme certain. Mais certains chanteurs passent au-dessus d'autres en rompant l'équilibre attendu. Plus ennuyeux, les voix les plus intelligibles n'appartiennent pas nécessairement aux chanteurs montrés en gros plan à l'écran ! La lisibilité de l'ensemble est somme toute assez moyenne et les chanteurs paraissent souvent lointains.
La piste 5.1 décuple la présence globale. Les voix se détachent bien mieux de la scène avant et expriment davantage leurs qualités de timbre. L'orchestre s'étoffe latéralement et le caisson de graves lui apporte un ancrage supérieur. Les enceintes arrière sont assez peu sollicitées et n'apportent pas grand-chose, mais cette piste bénéficie d'une dynamique bien plus convaincante que la stéréo.

Note technique : 8/10

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Andreas Wolf
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