Alan Gilbert dirige un Mahler dynamique, bien chantant, parfois nerveux (1er mouvement), parfois plus posé (surtout dans des éléments du dernier mouvement, avec des ralentis qui freinent considérablement le discours), mais force est de reconnaître que la teneur n'apporte dans le fond rien de neuf. Il est vrai que tant de versions de la Symphonie No. 2 de Mahler existent, dont certaines fort charismatiques, sont maintenant très bien installées. La soprano Dorothea Röschmann et la mezzo-soprano Michelle DeYoung assurent ici correctement leurs prestations, et les chœurs du dernier mouvement deviennent facilement hymniques mais musicalement, si le chef du New York Philharmonic pénètre sans problème dans la partition, rien ne nous soulève pour autant. En revanche, nous nous inclinons devant la qualité de l'enregistrement sonore de l'orchestre et des voix, et devant la dynamique incroyable du rendu.
Mais, ce qui interpelle davantage et qui, avouons-le, peut ne pas choquer le spectateur, voire passer inaperçu, est ce que les images nous donnent à voir.
On sera dans un premier temps étonné par les plans de New York ou de la foule qui assiste à l'événement par grand écran interposé sur l'esplanade du Lincoln Center, alors que le concert se déroule à l'intérieur de l'Avery Fisher Hall. Il n'y aurait là visuellement rien de choquant si, sur le plan auditif, les bruits de l'extérieur ne venaient se greffer - bien que très légèrement - sur le son de l'orchestre !
Ensuite, l'allocution du chef en préalable au concert est en relation directe avec l'objet de cet événement destiné à commémorer les attentats du 11 septembre 2001. Et là, on peut dire que tout l'art du prosélytisme par l'image bat son plein devant les caméras de Michael Beyer en guise d'accompagnement du discours patriotique : gros plan sur les bannières étoilées de part et d'autre de la scène, plans serrés sur les visages émus des spectateurs, dans la salle et à l'extérieur, et plans généraux pour accompagner l'hymne américain chanté par les spectateurs debout, la main sur le cœur.
Difficile, pour nous, d'envisager une symphonie de Mahler dans ce cadre et d'accepter que le compositeur passe au second plan d'un hommage que nous respectons par ailleurs totalement. Prenons alors ce programme pour ce qu'il est : la captation d'un événement. Du reste l'éditeur ne nous trompe aucunement en titrant en bien plus gros que la Symphonie No. 2 : "A Concert for New York". Envisageons donc cette captation de concert plutôt comme un documentaire sans omettre de signaler que la technique d'enregistrement audio et vidéo est absolument superbe.
Rappelons enfin qu'Accentus Music édite aussi en Blu-ray et DVD une captation de cette symphonie remarquablement dirigée par Riccardo Chailly à Leipzig. Dans ce cadre, Mahler est Roi !
Lire le test du Blu-ray Mahler : Symphonie No. 2 - Un Concert pour New York
Retrouvez la biographie de Gustav Mahler sur le site de notre partenaire Symphozik.info
Nicolas Mesnier-Nature