Il serait injuste de ne pas saluer tout d'abord la qualité de la mise en images de ce magnifique concert réalisée par Tilo Krause. Qualité qui ajoute, à elle seule, au confort d’écoute de façon plus qu’appréciable. Le spectateur se trouve immergé dans l’orchestre et accède à une lecture particulièrement agréable du jeu, sans être ni dérangé dans sa concentration ni distrait par un plan inapproprié.Le programme débute sur une moelleuse Ouverture de Faust de Wagner. Peu jouée en France, elle figure régulièrement à l’affiche des concerts en Allemagne… Avec le concours de la précieuse Staatskapelle de Dresde, on appréciera les accents du jeune Wagner encore sous le charme de Weber, bien que déjà au-delà de l'influence, ou conquis par un Mendelssohn dont on retrouve ici la merveilleuse transparence orchestrale. Mais, déjà, les accents de Tannhäuser ou du Vaisseau fantôme se font entendre et annoncent le génie fulgurant prêt à s’imposer en Europe, et pour longtemps ! À ce stade notre oreille est déjà frappée par la merveilleuse cohésion sonore de la Staatskapelle de Dresde. Certes Thielemann insuffle-t-il une énergie et une vivacité évidentes, mais l’orchestre à lui seul nous régale d’une lecture musicale superlative.
Puis vient la pièce majeure de ce concert : la Faust Symphonie de Liszt.
Le premier mouvement - Faust - et le plus long de l’ouvrage, impressionne par son élaboration. Dès lors, une lecture sans vie et privée de sens, voire d'une conception générale, nous plongerait dans l’ennui, tant les thèmes qui le traversent sont les fruits d'une écriture complexe. Mais nous sommes rapidement conquis par l'immense souffle romantique qui domine les presque trente minutes qui composent l’Allegro initial, et ce dès l’attaque du mouvement. Là encore, Christian Thielemann, conscient de disposer de l’engagement de chacun des musiciens qu'il dirige, sait aussi obtenir avec aisance l'expression de chacune de ses intentions interprétatives et parvient même à les transcender. La Staatskapelle de Dresde se montre constamment inspirée et les instrumentistes rivalisent de beauté sonore et d’intelligence musicale.
Gretchen, le mouvement central, sommet poétique et - sans qu’il y paraisse - sommet virtuose de la partition en raison de l’orchestration rutilante de Liszt, devient ici pure incandescence. C'est là tout autant le résultat du travail respectif des pupitres de l’orchestre que l'aboutissement des intentions délicates, précises et parfois extatiques de Thielemann. Bonheur musical à elles seules, les pages "chambristes" rivalisent de beauté sonore et de tendresse.
Le splendide dernier mouvement de cette Faust Symphonie, Mephistopheles, est une page remarquable à plus d’un titre dans la mesure où elle allie la virtuosité d’écriture, capricieuse et ironique dans sa première partie, à un Andante mistico final en apothéose digne des plus belles pages de l’Histoire de la Symphonie romantique.
Christian Thielemann à la tête de la fameuse Staatskapelle de Dresde atteint une forme d'apogée. Non seulement à travers sa lecture du final de la Faust Symphonie, mais tout autant par le bonheur d'une association qui nous donne à entendre et à voir tant d’harmonie. Plus que jamais l’orchestre rivalise d’homogénéité, de sonorités compactes et pleines comme on ne les entend nulle part ailleurs. L'orchestre tout entier n’est qu’un instrument au service de la partition. Et si le chef participe à cet accomplissement par sa propre lecture, sa gestique et une présence dont le dynamisme et la cohérence paraissent évidents, il en est de même pour chaque musicien qui avance dans un axe collectif, fondateur de la nature même de l’orchestre et du jeu. Chaque pupitre est à l’écoute de l’autre, et c'est sans doute ce qui fait souvent dire de la Staatskapelle de Dresde qu'elle est l'un des meilleurs orchestres du monde. Quel régal que cette beauté naturelle et simple émanant des pupitres et qu’aucune affectation ou subterfuge dramatique ne vient troubler. Le son est vif, puissant, transparent, clair et éclaboussé de lumière à la fin de la Faust Symphonie, sans que jamais aucune rupture de ton ne vienne troubler le jeu. Pour autant émotion et richesse expressive ne sont nullement laissées de côté avec cette délicatesse qui évite de souligner un alignement de singularités, fût-il remarquable en soi.
Endrik Wottrich, ténor soliste du final de la Faust Symphonie, se montre convainquant, engagé et altier, même s'il est permis de regretter les inflexions quelque peu engorgées de son timbre. De même, on pourrait craindre que le chœur d’hommes du SemperOper de Dresde, au vu de son effectif relativement restreint, faillisse à sa tache. Mais nous nous trouvons stupéfaits par la puissance de son chant et par ses redoutables crescendos. Associons alors la qualité de sa prestation au faste musical de cette célébration du bicentenaire de la naissance de Franz Liszt, devenu de fait, élément indispensable à toute vidéothèque classique !
À noter : Pas de menu d'accueil sur ce Blu-ray. Le programme démarre dès l'insertion du disque. Il faudra passer par le menu pop-up pour accéder à la sélection de la piste sonore et des sous-titres, ainsi qu'aux bandes-annonces.
Lire la critique du DVD Faust Symphonie par Christian Thielemann
Gilles Delatronchette