Riche programme, en effet, que celui proposé lors du Festival de piano de la Ruhr. Toutefois, nous passerons rapidement sur la Symphonie no. 44 en mi mineur de Haydn dite "funèbre" que nous découvrons au dos de la jaquette mais omise sur la face. Et pour cause, si la présence de cette œuvre peu jouée aurait pu intéresser le spectateur, la déception est immédiate : le jeune chef Andris Nelsons, de plus en plus réclamé sur la scène internationale tant pour les concerts que l'opéra, nous déconcerte par ses facéties face caméra. Dès la première phrase de l'Allegro con brio, nous le voyons passer sa baguette de la main la main droite à la gauche, changement dont on pourra vérifier l’inutilité puisque, lors de la réexposition de la même phrase, il conserve sa baguette à droite. La captation se montrera intraitable et se succéderont grimaces, sourires calculés aussi bien que gestes et postures tenant des primates. Bref, tout ce qui est combattu dans les classes de direction d’orchestre afin de ne pas agacer les musiciens et empêcher la véritable expression musicale. Ceci étant, le public semble goûter ce pensum insipide. En outre, si d'aucuns apprécient les qualités expressives de cette Symphonie no. 44 "Trauer" composée pendant la période "Sturm und Drang" du compositeur, en ce qui nous concerne, nous ne classerons pas cette œuvre parmi les chefs-d'œuvre de Haydn…
Entre enfin en scène Daniel Barenboim, et les Concertos de Chopin marquent un formidable contraste. Le pianiste se montre très concentré. La sincérité ne fait aucun doute, et il parvient à intérioriser ses émotions dans une interprétation à la fois très sobre et romantique. Le piano est si bien enregistré que, à l'écoute de la piste stéréo, l’orchestre a tendance à disparaître parfois derrière le soliste.
Malheureusement, là encore, le chef en rajoute un maximum et on le voit sauter à plusieurs reprises tandis que sa baguette semble toujours lui poser problème. Ou serait-ce pour se donner un genre ? Le regard n'inspire pas la sincérité, et se tourne souvent vers la caméra pour voir si elle le filme… Mais reconnaissons que la direction est correcte, même si Andris Nelsons semble vraiment avoir tout simplement oublié de faire de la musique ! Daniel Barenboim compense largement ces manques par une expression imperturbable qui traduit en outre finalement une très profonde musicalité tout autant qu’une grande maîtrise des deux œuvres.
Il ne faudra rater sous aucun prétexte le bis du pianiste car nous tenons là le sommet musical de ce programme. Daniel Barenboim se retrouve seul avec son public pour la Valse en la mineur de Chopin et met tout ce qu’il possède de sensibilité, de délicatesse et d’émotion dans cette mystérieuse pièce faite de mélancolie, de résignation, voire de tristesse. En vérité, un grand moment de musique à ne pas manquer.
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Daniel Barda