Le programme débute par un quatuor à cordes de Beethoven - le 16e - , transcrit pour orchestre à cordes avec une partie supplémentaire de contrebasses. Telle serait une bien curieuse idée si ce n'était Bernstein qui le dirigeait. En effet, le chef américain prend un plaisir particulier à "disséquer" tous les éléments d'une partition a priori pas nécessairement si intéressante que cela pour être adaptée à l'orchestre, alors que le simple quatuor à cordes, qui en est le vrai destinataire, pourrait lui donner une vie autrement plus intime et sans doute plus dramatique…
Mais voilà, il faut compter avec un chef - et quel chef ! - qui décide de toutes les orientations musicales. Tout au long des quatre mouvements, on le voit présent partout, demandant sans cesse à chaque pupitre des nuances ou des changements de tempo. Seule petite objection, malgré tout : la partition de Beethoven ainsi traitée ne convainc pas totalement.
En revanche la Messe "en temps de guerre" (Missa in tempore belli), composée par Joseph Haydn en 1796, se montre intéressante sur bien des points. La musique en est très mozartienne. N'oublions pas que le compositeur était non seulement contemporain du prodige autrichien, mais était aussi son ami et l'admirait beaucoup. La construction de Haydn rejoint aussi celle de certaines messes de Mozart (il est vrai que le texte est toujours le même) dont, notamment, sa Grande Messe en ut mineur.
Dès le Kyrie initial, et grâce à l'abondance de beaux plans sur le chef, on peut voir comment Bernstein obtient du chœur d'extraordinaires nuances, comment il arrive à être omniprésent tant pour l'orchestre que pour ses solistes, ses chanteurs et ses choristes. Chaque entrée est marquée par un geste ou au moins un regard et le chef sait mettre son monde en confiance. Cette captation nous montre aussi la manière dont il soutient le premier solo de l'excellente soprano Judith Blegen.
Puis vient le Gloria où, dès le début, fidèle à lui-même et malgré son âge, Bernstein saute sur son podium ! On aura presque aussitôt un long solo de violoncelle dialoguant avec le chanteur Hans Sotin - annoncé basse mais davantage baryton -, le tout dans une grande musicalité, en témoignent les superbes nuances du chœur.
Après un Credo puissant et un court Sanctus, le Benedictus révélera quelques gestes d'escrimeur que, pourtant, Bernstein effectue très à propos pour un résultat musical parfait.
Enfin vient le très impressionnant Agnus Dei, qui commence par une "cadence" de timbales - Haydn avait d'abord intitulé son œuvre "Messe des timbales" - suivie de sonneries de trompettes. Dans l'idée du compositeur, il s'agirait de l'arrivée des soldats ennemis, puis de leur départ, tandis que les solistes et le chœur se mettent à chanter sur la phrase "Dona nobis Pacem", l'appel à la paix spécialement cher à Bernstein, et dans un tempo rapide sur lequel le chef américain se met à danser ! Nous parvenons au finale et, énorme surprise, à la place des applaudissements, les cloches se mettent à sonner : recueillement général, Bernstein le premier les yeux clos et les mains jointes, en guise de grande prière collective pour la Paix. Une grande et vraie ferveur se dégage de ce long moment totalement inattendu…
Le chef, qui ne souhaitait sans doute pas être applaudi, salue alors musiciens et chanteurs, et disparaît rapidement, presque sans avoir regardé le public. S'ensuit une interview au cours de laquelle Bernstein, presque aphone tant il a chanté tout au long de cette messe, établit un parallèle entre le style baroque du lieu, la basilique de l’abbaye bénédictine d’Ottobeuren en Bavière, et la composition de la Messe de Haydn.
Cette captation, tout au long de l'œuvre, nous permet de retrouver un Bernstein vrai, un immense musicien totalement impliqué dans l'œuvre qu'il nous sert avec une grande sincérité. Soit un vrai plaisir à ne pas manquer.
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Daniel Barda