Oui, c'est avant tout ressentir un vrai bonheur que d'être témoin d'un tel accord entre des musiciens et un chef réunis en un formidable élan d'enthousiasme tant le Danish National Symphony Orchestra affiche une fédératrice envie de jouer, et la direction de Thomas Dausgaard se montre fougueuse et expressive dans les gestes. Mais c'est aussi une grande satisfaction que de voir et entendre les captations de symphonies qui sont rassemblées ici avec intelligence.
Toutefois on reprochera au montage des images une succession de plans qui ne correspondent pas toujours à ce que nos oreilles entendent, et qui s'enchaînent de plus trop rapidement. On aimerait, en effet, pouvoir s'attarder sur une phrase entière exprimée par le chef danois qui, à l'approche de la cinquantaine, conserve une forme de jeunesse qui traduit sans excès mais sans relâche les évolutions musicales sans cesser d'exprimer une très grande complicité avec les musiciens de l'orchestre. Ses regards sont expressifs et dévoilent clairement ses intentions, aussitôt suivies par la réponse de sa phalange. On aurait également aimé apprécier plus longuement à l'image certains solos que nous devons nous contenter d'entendre sans les voir…
Quatre symphonies sont donc proposées. Deux opus plutôt connus, la Symphonie No. 1 de Brahms et surtout la Symphonie No. 9 "du Nouveau Monde" de Dvořák, et deux moins populaires, la Symphonie No. 3 du Danois Carl Nielsen et la Symphonie No. 5 du Finlandais Jean Sibelius.
Dans Brahms, la direction de Thomas Dausgaard est très précise et la mise en place de l'orchestre remarquable, mais l'interprétation se montre légèrement rigide, sans trop de nuances, au premier mouvement. Finalement, le manque de romantisme est patent tout au long de l'oeuvre et il est difficile de retrouver dans ce rendu aussi musical soit-il la formidable délicatesse représentative de l'écriture. Les tempi sont, de plus, un peu rapides. En revanche, le quatrième mouvement devient nettement plus expressif que les trois précédents. Il ne faudra surtout pas manquer le plan rapproché sur le duo flûte-hautbois, où les deux instrumentistes semblent nous faire vivre une véritable histoire d'amour : du jamais vu dans un orchestre symphonique ! On notera par ailleurs la très grande qualité des instruments à vent, tout autant que l'homogénéité des cordes et leur belle couleur, fruit d'un très gros travail d'ensemble pour lequel on ne peut que féliciter ce chef peu connu en France.
L'ampleur de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák convient mieux au chef et à son orchestre malgré des tempi un peu fougueux. Mais de fort belles nuances s'expriment, lesquelles manquaient parfois chez Brahms. Cependant l'aspect nostalgique qui émane de cette symphonie réclamait aussi davantage de romantisme.
La présence de la troisième des six symphonies de Karl Nielsen est une excellente initiative éditoriale. Cette fois, le chef semble ne faire qu'un avec l'oeuvre, et la direction est excellente. Il apparaît clairement que l'orchestre se sent "chez lui" et s'investit totalement dans l'exécution.On notera, dans le deuxième mouvement, l'utilisation par le compositeur de deux voix humaines dans l'orchestre. Les interventions de la soprano Ina Kringlebotn et du baryton Erlend Tyrmi se montrent finement amenées et parfaitement bien dosées. On regretterait presque l'aspect si éphémère de cette intervention !
Enfin, dans la Symphonie No. 5 de Jean Sibelius, le langage musical plus abstrait est secondé par l'image qui favorise de fait l'approche du spectateur et sa compréhension. L'orchestre façonne de belles couleurs et ne se départit aucunement de cet enthousiasme qui fait tant plaisir à voir. Quant au chef, il se joue avec une très grande habileté des changements fréquents de tempo et des spectaculaires accelerandos, tout en apportant à l'interprétation nombre de nuances fines et souples. Le dernier accord du dernier mouvement de la Symphonie de Sibelius sera suivi par l'expression du très grand bonheur qui illumine les visages des musiciens et de leur chef. Un de ces moments rares qui résume on ne peut mieux l'élan humain qui porte ces excellents musiciens tout au long des 4 Symphonies.
Lire le test du DVD des 4 Symphonies par le DNSO dirigé par Thomas Dausgaard
Daniel Barda