Comment en êtes-vous venue à réaliser Pierre et le Loup ?
Suzie Templeton : Quelques mois à peine après avoir décroché ma Maîtrise au Royal College of Art, j'ai été approchée par un jeune producteur, Hugh Welchman, qui avait vu mon court-métrage Dog, et qui est venu me parler d'un projet de version filmée de Pierre et le Loup. À cette époque, j'étais en train de travailler sur un projet commercial sans grand succès et j'ai donc accepté. Cela ne devait pas être un grand projet, plutôt quelque chose de pas trop cher et rapide, pour la télévision. Mais très vite, nous nous sommes rendu compte qu'il y avait là un énorme potentiel et que nous pouvions en tirer une création extraordinaire.
Pierre et le Loup a déjà été très largement traité par le passé. Quelle fut votre position par rapport à cet héritage ?
Si cela n'avait tenu qu'à moi, je n'aurais pas choisi ce sujet. C'était terrifiant de reprendre une œuvre aussi connue et aussi appréciée. J'aurais préféré écrire quelque chose d'entièrement nouveau. Mais dans le même temps, je voulais vraiment le faire. Enfant, j'adorais cette œuvre. Au moment où j'ai été approchée, je ne savais pas qu'elle avait été adaptée par Disney et par d'autres cinéastes, et j'ai été encore plus terrifiée quand je me suis rendu compte que cela avait été fait autant de fois ! Je me suis demandé ce que je pouvais apporter de plus ou de différent. Je ne voulais surtout pas répéter les choses. Alors j'ai regardé toutes les versions que j'ai pu trouver pour m'assurer de ne surtout pas les copier. Par chance, cela m'a permis de me rendre compte que ce que j'imaginais était totalement différent.
Comment avez-vous abordé la partition de Prokofiev ?
Je voulais rester fidèle à l'esprit de l'œuvre. Je me sens très liée à cette musique du point de vue émotionnel et je voulais vraiment utiliser l'émotion qu'elle contient. L'histoire de Prokofiev est assez limitée. Par conséquent, je savais que je devais lui donner plus de corps pour tenir une demi-heure. Pour être honnête, ce fut incroyablement difficile car je tenais à rester fidèle à l'esprit de la musique de Prokofiev, avec chaque personnage associé à un groupe d'instruments. D'une certaine façon, cela dictait ce qui devait apparaître à l'écran. Mais dans le même temps, je voulais créer des arcs narratifs plus importants. Cela m'a pris deux ans pour écrire notre histoire. J'ai également travaillé sur le design, mais c'est vraiment l'écriture qui a pris le plus de temps. Par exemple, quand Pierre et ses amis sont dehors à jouer dans la forêt, je me suis dit que cette scène avait beaucoup de potentiel. C'est là que j'ai eu l'idée du ballon pour aider l'oiseau à voler.
Quelles furent les difficultés que vous avez rencontrées en tant que réalisatrice ?
Apprendre à travailler avec une grande équipe. Auparavant, je travaillais seule. Avec une équipe, vous devez prendre toutes les décisions à l'avance et être sûre de vous sur toutes les questions qui peuvent se poser. En tant que réalisatrice vous êtes la référence en matière de sentiments, mais aussi sur ce qui doit apparaître dans les décors, sur tout et n'importe quoi. Ce fut une expérience incroyable, extrêmement intense, difficile et merveilleuse à la fois. Tout cela pendant cinq ans… Je réalise que c'est une grande chance d'avoir pu travailler sur un projet à cette échelle !