Interviews

Interview de Yann Ollivier, Président d'Universal Music Classique et Jazz

Le 6 juin 2011 est une date marquante pour la musique classique et la Haute Définition en France. Les Blu-ray Decca et Deutsche Grammophon, jusqu'alors seulement disponibles dans d'autres pays européens ou en Amérique du Nord, vont progressivement investir les linéaires et les sites de vépécistes Internet. Nous avons rencontré à cette occasion Yann Ollivier, Président d'Universal Music Classique et Jazz, qui a accepté de commenter ce tournant pour les lecteurs de Tutti-magazine.

 

 



Cinq titres ont été choisis par Universal Music France pour la commercialisation de ses cinq premières œuvres sur support Blu-ray : La Traviata avec Anna Netrebko et Rolando Villazón, Semele avec Cecilia Bartoli, Swan Lake par le ballet du Théâtre Mariinsky, Carmen avec Anna Caterina Antonacci et Jonas Kaufmann, et Roméo et Juliette avec Nino Machaidze et Rolando Villazón. Ces titres forts des catalogues Decca et Deutsche Grammophon seront bientôt rejoints par d'autres œuvres dont vous trouverez les titres au cours de cet entretien…



Yann Ollivier, Président d'Universal Music Classique et Jazz pour la France.  Photo D.R.

 

Tutti-Magazine : Pour les lecteurs de Tutti-magazine, pouvez-vous brièvement expliquer l'organisation d'Universal Music Classics ?

Yann Ollivier : Universal Music est une structure internationale. Le responsable numéro 2 de Londres, Max Hole, coiffe nos deux plus importants importants labels : Deutsche Grammophon, qui se situe géographiquement en Allemagne, et Decca, installé en Grande-Bretagne. Chaque pays est ensuite responsable du jazz, et je le suis pour la France. De même, je suis responsable des aspects marketing-promotion et commercial.
Le classique est en fait une structure verticale à l’international, mais je peux également signer des artistes - c'est le cas du chanteur Roberto Alagna - et présenter des interprètes aux autres labels du groupe. L’activité d’Universal Music France ne se limite pas à la seule distribution.

Nous vous rencontrons aujourd'hui suite à l'annonce de la commercialisation en France le 6 juin de 5 titres Blu-ray sous labels Deutsche Grammophon et Decca. Tous ces titres sont sortis dans de nombreux pays dont les USA et la Grande-Bretagne entre octobre 2008 et mai 2009. Pourquoi avoir attendu pour les commercialiser en France ?

Essentiellement pour des raisons de prix. Lors de la commercialisation de ces titres à l'étranger, nous estimions que celui-ci était trop élevé. De plus, lorsqu’un nouveau format est proposé, on sait très bien que le parc de lecteurs installés pour lire le nouveau support est assez restreint. Les quantités commercialisées sont de ce fait assez faibles.
Depuis l’explosion du CD, de nombreux formats se sont succédés et n’ont vécu qu’un temps. Dès lors, aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous permettre de proposer des produits trop coûteux destinés à seulement quelques passionnés Early Adopters. Une politique de vente doit être à la fois respectueuse du public et cohérente.

 

Quelle est précisément votre politique de prix pour le Blu-ray ?

Nous avons participé à de longues négociations qui ont fini par aboutir à un prix plus élevé que celui du DVD mais qui fait sens, soit environ 35 % de plus. Pour autant, nous ne sommes pas favorables à brader ni le DVD ni le Blu-ray. Il n'est pas question de sortir un produit pour baisser son prix de moitié 3 mois après. Les prix proposés ont déjà diminué et nous considérons que continuer dans ce sens dévaloriserait nos produits.

Pourquoi avoir choisi précisément ces 5 titres parmi tous ceux déjà disponibles dans les catalogues Blu-ray Deutsche Grammophon et Decca ?

Ce choix de titres est le fruit d'une réflexion commerciale. Pour ce lancement, nous avons décidé de mettre en avant les têtes d'affiches. Nous proposerons en septembre une seconde vague de titres : Les Noces de Figaro avec Anna Netrebko, Don Pasquale et Le Barbier de Séville avec Juan Diego Flórez, Le Chevalier à la rose avec Renée Fleming et Casse-Noisette par le ballet du Théâtre Mariinsky.

Quelle est votre vision du marché français de la vidéo classique par rapport au CD classique ?

Ce n’est en aucun cas un marché de substitution. Si le DVD a pris une grande partie de la place du CD d’opéra dans les magasins cela tient essentiellement au choix de l'offre proposée par ces magasins. La façon d'écouter et de regarder les œuvres est en outre différente. Il reste cependant toujours une place pour le CD qui correspond toujours à un marché, et je pense qu'il est important que les deux formats cohabitent.
Quoi qu'il en soit, avec l’évolution de la façon de consommer en général, et pas seulement la musique, l’image est devenue indispensable. Sachez que lorsqu'on produit un CD, on réfléchit à l’image qui va lui être associée, aux images que nous allons produire autour de ce disque. L'aspect visuel est omniprésent.

Comment voyez-vous la percée du Blu-ray classique en France et qu'en attendez-vous ?

Je demeure assez convaincu que le destin du Blu-ray classique est lié au Blu-ray en général, celui des films. Ce secteur booste la vente de matériels et peut jouer en faveur d'un renouvellement du marché des programmes sur support Blu-ray. Autour de moi, certains avouent même attendre la sortie du Blu-ray plutôt qu’acheter un DVD voire un CD ! Il est vrai que la différence de qualité aussi bien pour les images que pour le son, est extraordinaire. Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas proposé un support porteur de tant d’évolutions technologiques. Cela me rappelle la différence que j’ai perçue lorsque j'ai écouté un CD pour la première fois.

Les éditeurs vidéo de films souffrent du téléchargement illégal, comme le secteur de la musique pop/rock ou de variété. Le classique échappe-t-il à cela ?

Le secteur classique et jazz ne souffre pas autant que celui de la pop. Culturellement, l'explication peut résider dans le fait que le consommateur classique ou jazz est attaché à l'objet, à sa pochette et aux notes écrites proposées dans le livret. Je ne dispose pas de chiffres exposant la ventilation de la piraterie, mais il est certain que notre secteur n’a pas subi d’effondrement de marché comme la pop.
Mais permettez-moi tout de même de souligner que le téléchargement illégal n’explique pas tout. Il est important de considérer que, pour le marché du DVD d’opéra, le consommateur se trouve face à tout et n’importe quoi car la captation n’est pas toujours à la hauteur de l’affiche et des ambitions annoncées. Dès lors, des consommateurs déçus se sont détournés du marché. Chez Universal Music, nous avons essayé d’adopter une politique de qualité…

Le téléchargement payant de musique classique est-il un marché en progression comme celui de la musique dite populaire ?

Le téléchargement de musique classique progresse mais moins vite que la pop. Mais ne perdons pas de vue que la consommation est différente. On achète la pop souvent au titre par titre, alors que la musique classique ne se conçoit qu'en œuvre complète. Ceci dit, la progression n'est pas aussi importante qu’on le souhaiterait. Je dois pourtant vous avouer que j'en attends beaucoup car, si les nouveautés sont importantes, il y a aussi tout un fonds de catalogue dont les magasins se désintéressent. Le classique, comme le jazz, a souffert de la réduction des linéaires dans les espaces de vente. De la même façon, dans un monde touché par le court terme, la pression sur les stocks a davantage touché les domaines du classique et du jazz.
Aussi, j'espère que le consommateur se rendra compte qu’il peut retrouver en téléchargement numérique le choix entre plusieurs versions d’une œuvre qui ne sont plus proposées en magasin.

Vous conviendrez que les sites de téléchargements sont plus ou moins bien faits…

Nous avons bien compris que le consommateur a besoin d'être guidé et nous travaillons actuellement sur un site qui sera lancé en 2012. Il ne sera pas nécessairement exclusif à Universal Music mais nous allons l'initier. Il proposera à la fois achat physique et téléchargement.

Les catalogues Decca et Deutsche Grammophon éditent nombre de DVD de captation du Metropolitan Opera "Live in HD". Comment se décide l'attribution à tel ou tel autre label ?

Le label qui sort le programme est le fruit de négociations en fonction des contrats des artistes. On essaie d’être équitables et il y a des échanges entre labels afin de parvenir à une répartition équilibrée…et négociée !

Le DVD n'est pas à proprement parler le support vidéo attendu par les spectateurs qui ont découvert les programmes du Met dans les salles de cinéma avec des images en Haute Définition. Or le Blu-ray véhicule cette qualité. Pensez-vous sortir plus systématiquement ces programmes en Blu-ray ?

Je comprends votre remarque et les attentes des amateurs. Je n'ai pas de réponse pour le moment, mais je reviendrai vers vous dès que j'obtiendrai cette information.

Comptez-vous promouvoir le support Blu-ray ?

Oui et non. Nous allons annoncer nos sorties et, dans le futur, nous commercialiserons les deux formats DVD et Blu-ray en même temps. Si Universal Music décide de lancer une campagne globale sur le Blu-ray, j’y participerai bien naturellement…





Propos recueillis par Jean-Claude Lanot
Le 1er juin 2011

 

 

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