* Retrouvez à la fin de cette interview Omo Bello dans le premier mouvement de l'Exsultate, Jubilate de Mozart, accompagnée par l'Orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Mikko Franck. Cette séquence est extraite du Grand Concert de Noël diffusé le 25 décembre 2013 sur France 3.
Tutti-magazine : Comment est née votre sensibilité à la musique classique ?
Omo Bello : La musique a toujours occupé une place unique dans ma vie. Enfant, j'aimais beaucoup chanter et ma mère a joué un rôle non négligeable dans ma sensibilisation à la musique car elle aimait beaucoup les Musicals. J'ai ainsi grandi avec La Mélodie du bonheur, My fair Lady et Mary Poppins. J'étais tellement passionnée par ce que j'entendais que j'apprenais tout par cœur très rapidement et j'embêtais tout le monde en chantant constamment. Si quelqu'un se trompait, je le corrigeais immédiatement et, lorsqu'on cherchait les paroles d'une mélodie, on venait toujours me trouver. Au lycée, je me suis intéressée à la pop des années 1990 mais, à travers ça, c'est toujours la musique qui me passionnait. C'est également au lycée que j'ai commencé à entendre de l'opéra par le biais des enregistrements de Pavarotti. C'était une infime sensibilisation mais qui provoquait déjà une impression très forte en moi. Puis, à la maison, nous avons vu les concerts des "Trois ténors". Il y avait aussi une publicité que tous les Africains anglophones doivent connaître : celle de British Airways qui utilisait le Duo des fleurs de Lakmé. Ces voix célestes ont ajouté à leur manière à ma sensibilité musicale de l'époque…
Vous avez ensuite commencé une formation universitaire en biologie cellulaire et génétique. Quelle était alors la place de la musique ?
Mon père est architecte et ma mère, avocate. Lorsque, comme moi, on est issue d'une famille de classe moyenne nigériane, on est prédestinée à faire des études. Après le Bac, j'ai donc opté pour les sciences. Et c'est en première année d'université qu'a eu lieu ma véritable grande rencontre avec la musique classique… Comme la plupart des chanteurs classiques africains, c'est à l'église que cela a eu lieu, car on y pratique à la fois le chant choral, les hymnes et les oratorios. Le Messie de Handel, La Création de Haydn, Mozart et Bach sont très souvent joués dans ce cadre. Je trouvais alors cette musique compliquée mais elle m'intéressait et me séduisait par sa logique. J'ai donc fait partie de la chorale et même étudié un peu le violon. Mais la position de l'instrument ne me convenait pas et j'ai vite arrêté. C'est à cette époque que je me suis inscrite dans une petite école de musique de Lagos, ma ville natale.
Qu'avez-vous trouvé à l'école de musique de Lagos ?
Ma professeur de chant était en fait une pianiste issue de la Royal Academy, qui dirigeait aussi la chorale de l'église. Elle ignorait la technique vocale et se servait de la méthode de Vaccai, de quelques études et gammes. Avec elle, j'ai vaguement appris ce qu'étaient la voix de tête et la voix de poitrine et qu'il y avait quelque chose entre…C'était ma vie musicale d'alors, et je menais parallèlement mes études scientifiques. J'étudiais à la Fac et la musique occupait toutes mes fins de journées jusque tard dans la nuit. J'ai mené cette double vie durant environ 5 ans. Ma passion de la musique me soutenait autant que je trouvais mes études ennuyeuses. À la Fac, les étudiants savaient que je chantais, mais ils ne parvenaient pas à comprendre cette musique étrange qui m'intéressait tant et je passais à leurs yeux pour un être bizarre ! Aucun d'eux n'assistait d'ailleurs à mes concerts… J'ai continué ainsi dans cette école de musique jusqu'au jour où le saxophoniste français François Jeanneau est venu au Nigeria en mission culturelle. Avec l'attaché culturel de l'Ambassade de France, Jean-Yves Gillon, ils s'informaient en quelque sorte sur la scène musicale de Lagos. Un concert avait été très sérieusement organisé pour eux en dépit du côté amateur de la situation, et je me suis retrouvée à chanter, tout comme un baryton, un pianiste et un saxophoniste. Je pense que cette présentation n'avait d'autre but pour nos visiteurs que de juger de la situation musicale de Lagos, mais l'attaché culturel a véritablement été ému aux larmes par ma voix et ce que j'exprimais. Cela, bien sûr, je l'ai su beaucoup plus tard. À l'époque, ils sont venus, j'ai chanté et ils sont repartis…
Et ce concert sans prétention a décidé de votre avenir de chanteuse…
J'avais un examen le lendemain et je n'accordais pas une grande importance à ce petit événement organisé à l'improviste. Pourtant, quelques mois plus tard, à ma plus grande surprise, j'ai appris que mes visiteurs s'étaient arrangés pour m'obtenir une bourse afin de me permettre de venir étudier le chant en France ! La surprise était d'autant plus grande que jamais une telle bourse n'avait été octroyée au Nigeria pour des études de chant… Mais je devais tout d'abord me rendre en France auprès de professionnels afin de savoir si je pouvais vraiment prétendre à une carrière de chanteuse. Je suis donc venue en France pour une semaine. Là, je me suis rendue du Conservatoire de Paris à Strasbourg, puis de Strasbourg à Toulouse pour faire écouter ma voix à six ou sept différents professeurs. Je me souviens avoir atterri à Charles de Gaulle à 6h. On m'a conduite à l'hôtel et mon premier rendez-vous était prévu dès 10h au CNSM. Je n'ai pas même chauffé ma voix - à l'époque j'ignorais de quoi il s'agissait ! - et j'ai chanté "O mio babbino caro". Quand j'y pense ! Aujourd'hui je ne pourrais plus faire une chose pareille. Pour une audition, il me faudrait arriver la veille… Mais ces rendez-vous étaient très importants car il fallait d'une part savoir si la matière vocale était là avant de sauter dans le vide, et d'autre part justifier cette bourse dont je pouvais bénéficier.
Verdict des professionnels français ?
Tous s'accordaient à trouver que la voix valait la peine mais qu'il y avait beaucoup de travail à accomplir, y compris au niveau de la langue française. Bien entendu, je n'avais pas le niveau pour entrer au CNSM et on a jugé que le CNR de Toulouse me conviendrait dans un premier temps…
Et adieu les études scientifiques !
Pas du tout, en rentrant au Nigeria, j'ai terminé en 3 mois mes études scientifiques. Jamais je n'aurais pu dire à mes parents que j'arrêtais tout pour devenir chanteuse et, pour moi, il était important d'assurer mes arrières indépendamment d'assouvir ma passion. J'ai défendu ma thèse un vendredi et, le dimanche qui suivait, je m'envolais pour Toulouse !
Avez-vous eu votre thèse ?
Et comment, j'ai obtenu 4,4 sur 5 ! Tout le monde était du reste étonné de me voir faire ainsi alors que chacun savait que j'allais partir. Mais c'est ma nature, mon côté bon élève que, parfois, on me reproche…
C'est donc au CNR Toulouse qu'a commencé pour vous le vrai travail du chant ?
Absolument. J'étais inscrite au conservatoire mais aussi à l'Alliance Française. J'ai passé l'année 2005 là-bas, après quoi j'avais envie de plus, et très vite. Je m'ennuyais un peu à Toulouse, moi qui venais d'une grande ville de 15 millions d'habitants ! Je suis alors montée à Paris mais je n'avais pas encore le niveau solfégique pour entrer au CNSM. En réalité, le solfège m'a fait rater l'examen d'entrée. On ne m'a même pas écoutée ! Croyez-moi, j'étais traumatisée… Je me suis donc mise à travailler le solfège d'arrache-pied et je suis entrée à l'École Normale dans la classe de Peggy Bouveret, qui était aussi professeur au CNSM. C'était en 2006. L'année suivante, enfin, j'ai réussi l'épreuve de solfège et j'ai pu commencer à étudier au CNSM.
Comment se sont passées vos années d'études au CNSM ?
Un travail fou a commencé et les quatre années que j'ai passées au CNSM ont été véritablement très intenses au niveau de l'apprentissage : chant, piano, solfège, l'italien, l'allemand, la diction française pour le lyrique, le russe…
Est-ce dans ce cadre que vous avez rencontré Jorge Chaminé, Teresa Berganza, Thomas Quasthoff, Grace Bumbry…
Non, mais ces rencontres ont eu lieu parallèlement à mes études au CNSM. Grace Bumbry se produisait au Théâtre du Châtelet et j'ai pu chanter pour elle. C'est ainsi que je l'ai ensuite retrouvée dans son académie d'été… J'avais rencontré Jorge Chaminé lors de ma première visite en France et il a veillé sur les principales étapes de mon évolution. J'ai également travaillé avec lui et, lorsqu'il a invité Teresa Berganza, j'ai participé à ses masterclasses.
Quelles ont été les rencontres les plus marquantes ?
Sur le plan de la formation, il est difficile de vous répondre car je suis encore une jeune chanteuse qui apprend. Sur le plan humain, Jorge Chaminé et Thomas Quasthoff m'ont beaucoup apporté. Deux barytons ! Peggy Bouveret veillait sur moi comme une mère poule durant mes premières années au CNSM, tandis que Jorge Chaminé me poussait toujours à aller plus loin. Thomas Quasthoff m'a ouvert ses portes et je pouvais aller travailler chez lui, à Berlin, quand je le souhaitais. C'est lui aussi qui m'a conduite à Verbier. De par le soutien qu'elles m'ont apporté, je considère un peu ces personnes comme des anges gardiens placés sur mon chemin.
En 2006, vous faites vos débuts à Toulouse dans le rôle de Barbarina des Noces de Figaro. Peut-on dire que c'est avec cette production que commence votre carrière scénique ?
C'était ma première scène en France mais pas une grande scène car ces Noces avaient été montées dans le cadre du conservatoire. Gabriel Bacquier était directeur artistique. Ce qui est amusant est que pour ma première grande scène, 6 ans après, je chantais également le rôle de Barbarina, mais à l'Opéra de Montpellier… Dans le cadre de mes études au CNSM, j'ai également interprété Eurydice à la fois dans L'Orfeo ainsi que dans la version française d'Orphée et Eurydice de Glück, la première coryphée dans Le Viol de Lucrèce de Britten et la première dame de La Flûte enchantée… Mais le premier engagement scénique était Barbarina à Montpellier. Cette ville occupe une place spécifique dans mon cœur car elle m'a accueillie pour plusieurs concerts. J'y ai chanté la Comtesse des Noces de Figaro et je reviendrai pour La Traviata en fin de saison. Je suis également invitée pour trois années consécutives à participer au Festival Radio France-Montpellier.
Vous avez récemment débuté dans le rôle de Donna Anna dans Don Giovanni à l'Opéra de Tours et à l'Opéra de Reims. Comment avez-vous abordé ce rôle complexe sur le plan dramatique ?
Ce rôle m'a demandé énormément de travail. Je vous avoue que je vis la tête collée aux partitions. C'est là qu'intervient beaucoup le cadre que m'a apporté une discipline scientifique qui paraît pourtant inutile dans ma carrière de chanteuse. Ces études m'ont aidée à acquérir la concentration et la rigueur pour pouvoir travailler. J'ai débuté dans quatre rôles l'année dernière, et je crois que l'essentiel est la concentration car je ne peux pas mieux comparer ma vie actuelle qu’à celle d'une sportive de haut niveau.
Pour revenir à Donna Anna, on m'a proposé ce rôle en février pour débuter les répétitions en septembre ! Cela peut vous paraître fou, mais c'est aujourd'hui assez fréquent. Au niveau temps cela ne représente rien par rapport à ce qui est nécessaire pour aborder un tel rôle. D'autant que je devais l'apprendre en assurant mes divers engagements. Mon expérience de la Comtesse, une autre noble amoureuse, m'a sans doute aidée. Mais Donna Anna est la femme la plus complexe de Don Giovanni car elle nourrit un sentiment amoureux pour ce Don Juan qui a tué son père et cette attirance la rend folle. Soit elle peut le conquérir, soit il doit mourir. Ce personnage passe par tout un tas d'émotions au point que, durant la préparation de la production, je me sentais opprimée par les démons de Donna Anna tant je vivais avec du matin au soir. Je disais à mon mari que je n'en pouvais plus car toutes ces sensations étaient trop fortes !
Comment êtes-vous sortie des représentations de Don Giovanni à Tour et Reims ?
Avec le sentiment d'avoir beaucoup grandi grâce à ce grand écart entre ma Barbarina de 2012 et Donna Anna en 2013. Un critique a parlé de "progrès foudroyants". Autant dire que cela fait vraiment plaisir de voir mon travail reconnu. La difficulté de Donna Anna, j'en suis convaincue, m'a fait progresser sur le plan vocal car la tessiture du rôle est située là où l'on déteste : continuellement dans le passage de registre. Pourtant, la note la plus aiguë du rôle est un "la", ce qui n'est pas si haut. Mais tout est écrit dans le créneau "ré-la" qui est vraiment ingrat. Ses interventions avec les ensembles requièrent une solidité qui m'a également demandé de me préparer avec le plus grand soin. Après la première, le chef d'orchestre Jean-Yves Ossonce m'a dit : "Maintenant que vous avez chanté Donna Anna, toutes les prochaines prises de rôle vous paraîtront faciles !".
Vous comparez votre entraînement à celui d'une sportive. Vous arrive-t-il de refuser un rôle ?
Sachez qu'on m'avait proposé de chanter Donna Anna en mai et juin de la même année et que j'ai dû refuser faute de temps pour apprendre le rôle. Mine de rien, entre le mois de mai et septembre, cela me laissait déjà à peine le temps nécessaire pour apprendre. Du reste avant de dire "oui" au Maestro Jean-Yves Ossonce, j'ai pris le temps de regarder très attentivement la partition, d'abord seule, puis avec mon professeur. Ce n'était pas une décision facile à prendre car un tel rôle demande de faire un état des lieux de la voix par rapport à ce qu'il y a à chanter et de tenter de s'imaginer ce à quoi on tend à aboutir. Il faut se connaître et connaître ses propres limites. Accepter un rôle dans une maison d'opéra pour faire plaisir et échouer dans cette prise de rôle, c'est le plus sûr moyen de ne plus être réinvité. Le "non" est parfois un mal nécessaire, mais la gestion d'une carrière est difficile et demande à faire le moins d'erreurs possible. Tout va très vite, aujourd'hui, et les Saisons d'opéras se construisent souvent un an seulement avant les représentations.
Deux autres prises de rôles vous attendent cette saison : Violetta dans La Traviata à l'Opéra de Montpellier du 4 au 14 juin et Elvira dans L'Italienne à Alger que vous chanterez en version de concert le 10 juin au Théâtre des Champs-Élysées dans le cadre des Grandes Voix. Comment vous organisez-vous pour vous préparer à ces multiples débuts ?
À Montpellier, il y aura une double distribution avec la soprano Sud-Africaine Kelebogile Boikanyo, ce qui est préférable car je pourrai ainsi reposer ma voix. D'autant que je chanterai Elvira au Théâtre des Champs-Élysées au milieu des représentations de La Traviata. Ceci dit, j'ai déjà tenu à clarifier la façon dont je vais aborder le rôle de Violetta : ma Violetta sera issue de l'école belcantiste et ne sera en aucun cas une Violetta "spinto". Du reste, les deux grands amours de ma voix sont Mozart et le bel canto. C'est ainsi que je travaille ce rôle au risque de décevoir ceux qui s'attendent à une Violetta qui hurle du début à la fin de l'opéra ! Nous ne sommes ici ni chez Wagner ni chez Puccini. De cette façon, ma conception de La Traviata rejoint Rossini. Elvira, bien sûr, est plus légère et demande beaucoup de souplesse dans les vocalises, mais j'ai pensé que je pouvais m'en inspirer pour Violetta. Avec un chef d'orchestre, nous avons analysé la partition et si l'on suivait ce que Verdi a réellement écrit, on supprimerait tout ce que les traditions ont ajouté : la puissance de l'orchestre, une certaine façon de forcer la voix… L'écriture de Verdi, sans ces ajouts, est en réalité parfaite pour ma voix. Je ne ferai pas le premier contre-mi bémol bien que ma voix puisse le sortir - mais à quel prix ! - et c'est la partition de Verdi que je chanterai. Ma voix est ainsi aujourd'hui et c'est la respecter que faire ces choix.
Avant L'Italienne à Alger, le Théâtre des Champs-Élysées vous accueillera une première fois le 21 janvier avec l'Orchestre de chambre de Paris pour Egmont de Beethoven sous la direction de John Nelson…
Ce sera également une première pour moi. Le Beethoven d'Egmont n'est pas celui, très vaillant, du Christ au Mont des Oliviers. Les deux lieder que je vais chanter sont bien plus intimistes et se rapprochent de Schubert avec de beaux aigus dans un lied. Je suis certaine que cette œuvre sera une très belle découverte pour le public car elle est très peu jouée.
Le Théâtre des Champs-Élysées semble également déjà beaucoup compter dans votre carrière…
C'est tout à fait vrai. J'adore l'acoustique de cette salle, elle est magnifique ! Lorsque j'y ai chanté Bach, j'ai eu la délicieuse impression de ne rien avoir à faire. J'adore cette maison et je lui suis très reconnaissante de me faire ainsi confiance malgré ma jeunesse.
Votre premier disque est sorti cette année sous le label Eloquentia : Des knaben wunderhorn de Mahler. C'est un choix assez inattendu pour un premier disque…
J'aime l'opéra, mais j'aime aussi le récital. Le récital c'est la santé de la voix, un entraînement et c'est aussi une école d'endurance. Ce travail rigoureux est très important pour moi. Rigoureux car, en récital, on ne peut pas s'appuyer sur un costume ou une mise en scène. Thomas Quasthoff m'a beaucoup parlé de ce monde qu'il faut se créer soi-même, seul, et sans rien autour. J'avais déjà beaucoup chanté Mahler au conservatoire mais, sa musique était à l'honneur en 2011, et j'ai participé à de nombreux concerts autour de Mahler. J'ai même chanté dans la Symphonie No. 4. Lorsqu'il a été question d'enregistrer un disque en 2012, la formation piano et voix nous a orientés vers les lieder et vers Mahler. Ce choix faisait écho au 100e anniversaire de sa mort et au répertoire que j'interprétais à ce moment.
Vous avez enregistré Mahler avec le pianiste Julien Guénebaut. Comment définissez-vous cette collaboration ?
Julien Guénebaut est également chef d'orchestre et c'est justement avec lui que j'ai chanté la Symphonie No. 4 avant l'enregistrement du disque. Nous avions également fait des récitals ensemble par le passé. J'ai beaucoup appris en travaillant avec lui qui a déjà une expérience importante. Nous sommes même allés travailler avec Thomas Quasthoff, ce qui a donné lieu à une rencontre assez incroyable. Avec lui, nous avons préparé le disque dans une ambiance extraordinaire dans le sous-sol de sa maison. Sur le plan humain, Julien et moi nous entendons très bien. Nous partageons ce côté jusqu'au-boutiste et souvent, nous nous comprenons sans avoir à parler. Malheureusement, après cet enregistrement, nous avons eu peu d'occasions de travailler ensemble…
Récemment, vous avez enregistré l'émission de Frédéric Lodéon "Plaisirs d'amour" avec Clément Mao-Takacs. Est-ce avec lui que vous travaillez aujourd'hui ?
J'ai rencontré Clément Mao-Takacs après la sortie du disque à l'occasion de trois concerts qui étaient programmés dans la même période. Nous avons donc travaillé ensemble, il m'a accompagnée et j'ai également eu l'occasion de chanter avec son orchestre. Il a étudié en Italie et connaît très bien l'opéra italien et l'école de chant italienne. Cela était particulièrement bienvenu pour ma voix, et j'avoue que j'apprends aussi beaucoup de lui.
En 2014-2015, vous ferez ensemble une tournée européenne dans le cadre du programme Rising Stars. Que chanterez-vous ?
Le titre est Bel canto d'hier et d'aujourd'hui. Ce programme va retracer l'évolution du bel canto, de sa plus glorieuse période jusqu'à la place qu'il occupe aujourd’hui encore dans l'expression lyrique. Je chanterai Bellini, Donizetti, Rossini, mais aussi Respighi, Tosti et peut-être quelques airs d'opéras que je pourrais proposer en bis. Ce sera ma première grande tournée et je me réjouis que ce soit avec des récitals.
Le 3 février vous serez à Aix-en-Provence pour Les Victoires de la musique classique 2014. Vous concourez dans la catégorie "Révélation artiste lyrique de l'année". Que vous inspire cet événement ?
Je l'ai appris d'une façon amusante. Mon agent m'appelle et me demande : "Omo, vous êtes bien sûr au courant que vous êtes nominée aux Victoires de la musique, n'est-ce pas ?". Je l'ignorais totalement. Elle m'a alors demandé de me décider rapidement pour un programme et un pianiste. Puis j'ai raccroché, et là, je me suis mise à hurler comme une folle… Il faut comprendre qu'en tant que jeune artiste étrangère, je ne bénéficie pas des réseaux sur lesquels peuvent s'appuyer les chanteurs français qui entrent dans un milieu particulier dès qu'ils commencent à étudier. Moi, j'ai débarqué en France comme une fleur, à 21 ans… C'est là que je dois parler du rôle de mon agent car l'histoire ne serait pas complète sans Thérèse Cédelle. Nous avons commencé à travailler ensemble en janvier 2012 et, grâce à elle, cette année a été une succession d'auditions. Passer une audition, pour un chanteur, ce n'est pas un moment facile, mais je reconnais que cet investissement a été payant. Je lui suis très reconnaissante de se montrer si active pour moi, petite chanteuse par rapport aux grandes voix avec lesquelles elle travaille habituellement. Nombre d'agents se contentent d'attendre que les artistes se servent de leur réseau…
Qu'allez vous chanter aux Victoires de la Musique ?
Je serai accompagnée par Clément Mao-Takacs et je chanterai un extrait des Puritains de Bellini, "O mio babbino caro" de Puccini et "Summertime" de Gerschwin.
Comment envisagez-vous votre progression en termes de rôles ?
Idéalement, j'aimerais pouvoir chanter à nouveau et rechanter les rôles que j'ai déjà interprétés afin de les faire évoluer et de leur permettre de mûrir. Très souvent mes prises de rôles ne sont pas suivies de reprises, or cela est indispensable pour progresser sur le plan artistique. Refaire une Comtesse, une Anna ou une Juliette serait formidable ! J'ai d'ores et déjà travaillé de très beaux rôles mozartiens et je souhaiterais maintenant pouvoir avancer dans un axe belcantiste : Adina dans L'Élixir d'amour, La Somnambule, Les Puritains… J'adore ces héroïnes ! Dans un tout autre style, j'aime aussi beaucoup la musique romantique française. Pour le futur, Manon… Mais le répertoire qui correspond à ma voix actuelle est déjà si vaste que bien des perspectives s'offrent à moi…
Propos recueillis par Philippe Banel
Le 6 décembre 2013
Pour en savoir plus sur Omo Bello :
www.omobello.com
Omo Bello chantera le rôle d'Elvira dans la version concert de L'Italienne à Alger
proposée au Théâtre des Champs-Élysées le 10 juin 2014 dans la série Les Grandes Voix.
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