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Interview de Marion Barbeau, Sujet du Ballet de l'Opéra national de Paris

Marion Barbeau.  © Bianca ChanialUne des grandes réussites de l'Opéra national de Paris pour la saison 2015-2016 est à n'en pas douter le diptyque Iolanta/Casse-noisette mis en scène par Dmitri Tcherniakov. Cette création à couper le souffle était servie par un superbe casting vocal et chorégraphique d'où émergeait une incroyable danseuse dans le rôle omniprésent de Marie. Cette jeune danseuse du Ballet de l'Opéra de Paris, c'est Marion Barbeau. Inspirée jusqu'au bout des ongles par les trois chorégraphes qui ont œuvré à cette relecture du ballet de Tchaikovsky, elle montrait sur scène une aisance exceptionnelle. Au côté de son excellent partenaire Stéphane Bullion, la profondeur de son interprétation et de sa danse bouleversait…
Également enthousiasmé par la réussite de ce spectacle, le label vidéo BelAir Classiques espère pouvoir éditer prochainement sa captation en Blu-ray et DVD…

 

Tutti-magazine : Comment avez-vous été choisie pour danser le rôle de Marie dans cette nouvelle version de "Casse-noisette" ?

Marion Barbeau : La réponse est tout d'abord restée assez confuse pour moi en dépit de mes propres interrogations. Je crois avoir compris que j'ai été choisie par le metteur en scène Dmitri Tcherniakov. Il s'est livré à de nombreuses recherches en amont de la préparation du spectacle en assistant à des cours et, j'imagine aussi, en consultant des vidéos et des photos. En ce qui me concerne, je ne l'avais jamais vu avant de travailler avec lui et, à vrai dire, je ne savais même pas qu'il recherchait une danseuse… Puis j'ai appris ensuite que la Direction du ballet, et plus particulièrement Benjamin Pech, a été assez persuasive pour que je puisse accéder à ce rôle.

Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

Avec énormément de curiosité car personne ne savait trop à quoi s'attendre. J'étais en tout cas très flattée qu'on m'implique dans cet énorme projet. Je n'ai pas une grande expérience en matière de rôles de soliste, ce qui a accentué encore mon étonnement tout en me motivant profondément.

Dmitri Tcherniakov a mis en scène le diptyque "Iolanta/Casse-noisette". S'est-il impliqué au niveau de vos répétitions ?

Dmitri Tcherniakov n'était pas présent aux répétitions de danse. Nous l'avons vu une première fois afin qu'il nous explique son approche de l'histoire, à la suite de quoi nous avons beaucoup travaillé avec les différents chorégraphes sans qu'il intervienne. Il est revenu lorsque la construction a commencé à prendre forme… Au niveau du personnage de Marie, il ne m'a pas donné au départ d'indications spécifiques et m'a plutôt laissé faire. Plus tard, je l'ai vu seule à propos de toutes les parties mises en scène qui ouvrent et terminent le ballet.

 

La soprano Sonya Yoncheva (Iolanta) et Marion Barbeau (Marie) réunis dans <i>Iolanta</i> mis en scène par Dmitri Tcherniakov.  © Agathe Poupeney/OnP

Dans la production de Tcherniakov, vous côtoyez les chanteurs de "Iolanta". Y a-t-il eu un vrai travail avec eux ?

Je n'ai pas beaucoup travaillé avec les chanteurs pour la simple raison que je n'interviens pas beaucoup à leurs côtés. Ceci étant, la transition entre la fin de Iolanta et le début de Casse-noisette a nécessité une extrême précision par rapport à la musique. J'ai donc tout d'abord appris les repères musicaux sur lesquels je devais m'ajuster. Puis j'ai ensuite rencontré les chanteurs, et ça a été extraordinaire. Tous ont été adorables avec moi et m'ont beaucoup aidée tout en me mettant très à l'aise. Me retrouver en scène au milieu d'eux était magique. Il est peut-être difficile de croire ce qu'a représenté pour moi cette immersion dans le monde du chant, mais cette plongée dans un autre univers musical avait quelque chose de véritablement sublime. Du reste, j'ai bien vu que les chanteurs ressentaient quelque chose d'assez similaire. Pour eux aussi, la situation était nouvelle car ils n'avaient jamais eu à côtoyer de si près le monde de la danse. Je crois que nous, danseurs, étions tout aussi curieux et fascinés en les voyant qu'eux pouvaient l'être en nous regardant.

Trois chorégraphes se sont chargés des différentes scènes de "Casse-noisette". Comment avez-vous vécu cette juxtaposition de styles qui alternent en permanence dans le déroulement du ballet ?

Travailler trois styles différents ne m'a absolument pas gênée. Nous n'avons jamais travaillé avec les trois chorégraphes en même temps. Chaque journée était compartimentée de façon à ce que chacun ait un moment avec nous. Leur langage chorégraphique est si différent que je n'ai jamais eu de problème pour passer de l'un à l'autre.

Considérez-vous pour autant ce "Casse-noisette" comme une suite de pièces chorégraphiées ?

Non car Marie reste ce qu'elle est, ne serait-ce que dans la manière dont elle est habillée. Cela peut paraître basique, mais c'est un moyen efficace pour ne pas perdre le personnage au travers des différentes scènes. Marie est en quelque sorte le fil conducteur du ballet, mais elle évolue aussi. Chaque chorégraphe avait une vision très différente du personnage. Ce qui a été un peu plus délicat à mettre au point sont les transitions. Ce Casse-noisette est une création et nous n'avons pas eu énormément de temps. Ces transitions ont été abordées un peu précipitamment mais, finalement, de manière assez naturelle.

 

Marion Barbeau et et Stéphane Bullion en répétition.  © Agathe Poupeney/OnP

Combien de temps avez-vous répété ?

Nous avons commencé à répéter fin décembre, ce qui fait environ trois mois de répétitions. Cela peut paraître confortable, mais il y avait énormément de détails à gérer.
Je crois que les chorégraphes pensaient que Dmitri serait davantage présent afin de valider leur travail. Mais il est arrivé assez tard et, de ce fait, nous avons beaucoup changé les chorégraphies. Souvent, nous pensions que c'était la version finale, mais tout a beaucoup évolué jusqu'au dernier moment.

Cela implique une certaine souplesse de la part des danseurs…

Je ne peux qu'être d'accord. À ce titre, j'ai beaucoup appris de mon partenaire Stéphane Bullion qui, lui, avait l'habitude de ce genre de situation. De plus, je pense que son caractère est assez calme et réfléchi. Parfois, certaines choses me rendaient folle, et je le voyais se comporter de façon très posée. De fait, avoir son exemple sous les yeux a été très formateur. Stéphane est aussi un excellent partenaire, et même un formidable partenaire. Je n'ai pas encore beaucoup d'expérience mais je crois que j'ai eu une vraie chance de travailler avec un danseur qui m'a permis de réaliser tout ce que je désirais. Lorsqu'il y avait des choses à corriger, il savait exactement ce qu'il fallait faire. Nos Pas de deux sont très compliqués pour le garçon, et ils lui demandaient beaucoup de force. La position des bras et des mains, ainsi que les placements doivent être très précis pour les réussir. Stéphane, lui, savait exactement où il allait. C'était très agréable de travailler dans le climat de confiance qu'il a su installer.

Dans la première scène de "Casse-noisette" - L'Anniversaire de Marie - vous portez des chaussures à talon. Étiez-vous à l'aise pour danser ?

À la ville, je n'ai pas vraiment l'habitude de porter ce genre de talons. Mais, pour interpréter les chorégraphies d'Arthur Pita et Édouard Lock, les talons convenaient bien. En particulier pour le travail d'Édouard Lock qui avait lui-même souhaité des talons aussi hauts. De fait, ces chaussures m'ont aidée à trouver la façon dont il voyait le personnage de Marie. Je sais qu'Arthur aurait préféré des talons plus bas, mais je n'avais pas le temps de changer de chaussures et il a fallu choisir, et on a décidé de favoriser la justesse du personnage tel que l'imaginait Édouard.

Porter des talons et passer ensuite aux demi-pointes, voire aux pointes, n'est-ce pas une transition délicate pour les pieds ?

Ce ne sont pas tant les talons qui posent problème, mais plus de danser pieds nus, car cela modifie un peu la forme des pieds. Un peu de corne se génère et, ensuite, remettre des pointes n'est pas évident. Il se trouve que je dansais parallèlement dans In Creases de Justin Peck sur pointes. Lors des premières répétitions, j'avais vraiment l'impression de revenir de vacances !

 

Marion Barbeau (Marie) à l'Acte I de <i>Casse-noisette</i> mis en scène par Dmitri Tcherniakov.  © Agathe Poupeney/OnP

Une bonne osmose, voire une camaraderie, émanait de la scène chorégraphiée par Arthur Pita au début de "Casse-noisette", correspondait-elle à une réalité ?

Ce n'était pas du théâtre, l'ambiance était vraiment réellement bonne. Arthur Pita est un homme adorable, d'une humanité extrême et totalement dépourvu de méchanceté. Dans ce milieu, ce n'est pas si courant. De fait, il mettait en place une atmosphère spéciale que les danseurs parvenaient à capter et, entre nous, le courant passait de façon très agréable. Nous avons travaillé en sentant vraiment cette envie partagée de coopération.

 

Stéphane Bullion et Marion Barbeau dans <i>Casse-noisette</i>.  © IkAubert

Le vocabulaire chorégraphique d'Édouard Lock demande une très grande précision de mouvement et une puissante énergie contrôlée. La Scène de La Nuit qui précède la destruction de la maison est-elle particulièrement difficile à ce titre ?

Cette énergie propre au travail d'Édouard Lock était difficile à gérer en répétition. J'ai terminé quelques séances très étonnée de me retrouver particulièrement fatiguée. Mais, comme tout vocabulaire chorégraphique, on finit par savoir le gérer au fur et à mesure qu'on le pratique. Pour autant, j'ai parfaitement ressenti cette envie d'investir une énergie intense en permanence. Pourtant, même dans cette chorégraphie, il y a des nuances à trouver, et même des respirations. Tout cela est donc gérable, et ce n'est pas nécessairement le plus fatigant malgré l'impression que cela peut donner.

La transition entre le monde réel et l'imagination de Marie est appuyée par une scénographie très spectaculaire vue de la salle lorsque la maison est détruite. Qu'en est-il sur le plateau ?

Sur scène, le spectaculaire vient essentiellement du bruit. Pour le reste, lorsque tout explose, nous pensons juste à nous protéger la tête et à ne pas recevoir de confettis dans la bouche ! Finalement, la scène de l'explosion, depuis le plateau, n'est pas si impressionnante. En revanche, la première fois que j'ai vu l'effet produit depuis la salle, j'ai été totalement fascinée.

Le premier pas de deux de Marie et Vaudémont se déroule dans les gravats de la maison détruite. Danser parmi ces éléments au sol vous posait-il un problème ?

La sensation n'a effectivement rien à voir avec le traditionnel contact avec un plancher de danse. C'était même très compliqué car la chute des blocs de polystyrène était très aléatoire. En fonction de l'endroit où ils tombaient sur le plateau, cela pouvait devenir plus ou moins gênant pour danser. La première chose à faire était de glisser les pieds sur le sol plutôt que marcher, ce qui s'inscrit totalement dans l'axe de la chorégraphie de Sidi Larbi Cherkaoui. Mais là encore, Stéphane faisait attention à l'endroit où il me posait pour que je ne place pas le pied sur un gros bloc de polystyrène. Je suis consciente que je n'aurais pas trouvé cette qualité d'attention chez n'importe quel partenaire. Quoi qu'il en soit, danser de telles conditions était une expérience sans doute unique.

 

Marion Barbeau et Stéphane Bullion dans <i>Casse-noisette</i> en mars 2016.  © Agathe Poupeney/OnP

Sidi Larbi Cherkaoui signe deux pas de deux aux portés nombreux et peu évidents. Comment avez-vous travaillé avec ce chorégraphe ?

Larbi était accompagné de deux assistants, et il s'est passé une chose incroyable lorsqu'ils nous ont montré le Pas de deux qui se déroule dans les débris : Larbi s'est mis à danser lui-même mon rôle, tandis qu'un assistant tenait le rôle de Stéphane. Et ils exécutaient tous les portés ! J'étais abasourdie de voir deux hommes y parvenir compte tenu de leur poids. Mais c'est justement ce qui m'a fait comprendre que tout se jouait dans le placement du poids du corps. Si le centrage est correct, tout se déroule ensuite naturellement. Tout est lié. Si le premier pas est juste, on attaque le second de façon juste et le porté qui suit sera enchaîné sans problème particulier. C'est d'une logique incroyable et même merveilleuse.

 

Marion Barbeau et Stéphane Bullion répètent <i>Casse-noisette</i>.  © Agathe Poupeney/OnP

Un tel travail de contrôle du poids du corps vous a-t-il servi ensuite dans une autre discipline ?

Cette danse exige un placement minutieux du poids du corps et ne peut être réalisée autrement. Mais dès qu'on a trouvé et intégré cela, on gagne une liberté énorme et très agréable. Travailler ainsi m'a apporté énormément. Ensuite, au cours, que ce soit à la barre ou au milieu, sur pointes, j'ai retrouvé cette sensation naturellement.
Larbi étant un des trois chorégraphes de ce Casse-noisette, aussi je n'ai pas pu me consacrer exclusivement à l'apprentissage de sa technique. Heureusement, j'ai eu la chance de danser de nombreuses représentations. Elles m'ont également permis d'évoluer.

 

Marion Barbeau dans <i>Clear, Loud, Bright, Forward</i>.  © Ann Ray/OnP

Avez-vous eu davantage de plaisir à danser une chorégraphie en particulier ?

Danser ce Casse-noisette n'a représenté que du plaisir pour moi, du début à la fin, sans que je puisse dire que j’ai préféré un chorégraphe en particulier. À aucun moment je n'ai pensé, en passant d'une partie à l'autre, que je quittais à regret un vocabulaire chorégraphique pour m'exprimer dans un autre langage moins plaisant. J'ai vraiment tout abordé avec un égal bonheur.
Un autre point me semble très important par rapport au plaisir que j'ai éprouvé. Le rôle de Marie ne fait pas appel à la technique si stressante propre au ballet classique. En décembre dernier, j'ai eu l'occasion de danser Gamzatti dans La Bayadère, et j'ai adoré ce rôle. Mais je suis toujours entrée en scène avec une petite boule au ventre en me disant que, même si je m'étais bien préparée, le stress lié à la scène pourrait me faire rater quelque chose ou tomber. Dans ce Casse-noisette, si je perds l'équilibre, je peux me rattraper. Danser sans le stress lié à la technique est une sensation extrêmement agréable.

Les danseurs solistes parlent des ballets classiques en trois Actes comme de vraies épreuves sur le plan de la résistance. Peut-on faire un parallèle avec vos va-et-vient entre des chorégraphies très différentes au sein du même ballet ?

Je ne peux pas comparer le rôle de Marie à un rôle de ballet classique. Bien sûr, demeurer tout le temps en scène est fatigant, parfois même éprouvant, mais le ballet classique demande davantage d'endurance. Dans Casse-noisette, il y a des moments de répit et, dans l'ensemble, les moments de danse sont aussi moins fatigants. Je n'ai pas encore dansé de ballet en trois Actes, mais je peux confirmer que le rôle de Gamzatti était bien plus stressant pour moi que Marie. Le naturel avec lequel j'ai abordé l'interprétation dans Casse-noisette diffère de mon approche pour un ballet classique.

Est-ce le naturel que vous recherchez aussi dans le ballet classique ?

Je recherche effectivement une dimension de naturel mais elle varie selon les rôles. J'ai la chance d'être rajoutée comme remplaçante de Giselle. Or Giselle, tel que je la conçois, est un rôle qui peut être dansé et joué de façon très naturelle. Dans ce ballet, il y a une grande part de ressenti, et c'est justement ce qui m'intéresse le plus dans la danse classique : apporter le plus de naturel possible et ne pas surjouer… En tant que remplaçante sur Giselle, je ne devrais pas danser. Mais j'aimerais énormément pouvoir reprendre ce rôle. Il se trouve que j'ai eu la chance de pouvoir le danser en Russie avec une troupe moscovite. Germain Louvet était mon partenaire. J'en garde un souvenir qui me fait encore frissonner.

 

Marion Barbeau interprète Gamzatti dans <i>La Bayadère</i>.  © IkAubert

À la fin de Casse-noisette, lorsque Marie revient violemment à la réalité, elle pousse un long cri de douleur. Un danseur ne s'exprime généralement pas par la voix. Ce passage était-il évident ?

Lorsque Dmitri Tcherniakov m'a fait répéter cette scène pour la première fois, nous étions dans une banale salle de classe, et il se trouvait à 1,50 m de moi lorsqu'il m'a dit : "Maintenant, tu pleures !". À ce moment, ma vie personnelle était compliquée et j'ai pu en grande partie nourrir ces pleurs de quelque chose de vécu. Le plus difficile a été ensuite de pousser très fort la voix pour tenter de couvrir l'orchestre. Pour cette raison, ces pleurs cessent d'être naturels, mais ils restent très libérateurs.

Dmitri Tcherniakov ne vous a pas montré comment poser votre voix ?

Pas du tout. En revanche, il m'a beaucoup montré comment jouer ce passage, comment trouver l'expression du visage. Ces axes d'interprétation sont très clairs chez lui. C'est même assez fascinant.

Dans la séquence qui suit ce cri, que pense Marie telle que vous la concevez ?

Dmitri m'a donné une référence qui m'a instantanément parlé pour aborder ce passage. Dans le film de Bertrand Blier Les Valseuses, une scène montre la comédienne Miou-Miou sortir de prison. Dmitri a utilisé cette séquence pour me faire comprendre une situation où le personnage est libre mais ne trouve pas tout de suite sa place dans la société. Pour Marie, c'est un peu la même chose : sa maison d'origine était un lieu accueillant et confortable qu'elle aimerait pouvoir retrouver. Mais le monde a changé, plus rien n'est comme avant, et elle ne se trouve chez elle nulle part. Bien entendu, cette idée qui conclut le ballet représente tout sauf un message d'espoir.

 

Applaudissements pour Marion Barbeau et Sonya Yoncheva à la fin de <i>Iolanta/Casse-noisette</i>.  D.R.

Comment voyez-vous votre expérience sur "Iolanta/Casse-noisette", six jours après votre dernière représentation ?

J'ai du mal à me remettre de ces représentations car je n'ai pas pu m'empêcher de penser que je ne revivrai peut-être plus d'expérience d'une telle puissance. Nous avons travaillé ensemble depuis le mois de décembre et je me suis beaucoup attachée aux chorégraphes, à Dmitri, au personnage de Marie, aux personnes qui m'entouraient. Cette période de ma vie était très particulière. J'ai essayé d'en profiter un maximum car je pense que tels moments sont infiniment précieux.

Avez-vous revu les chanteurs après votre dernière représentation ?

Je suis revenue pour la dernière que je ne dansais pas. Ils étaient tous là et, moi, j'étais un peu triste de me dire que, peut-être, c'était la dernière fois que je les voyais.

 

Marion Barbeau et Yvon Demol dans le ballet de Benjamin Millepied <i>Clear, Loud, Bright, Forward</i>.  © Ann Ray/OnP

En mai 2015, vous avez enregistré au Théâtre du Gymnase une chorégraphie de Bruno Bouché avec Aurélien Houette - votre père dans "Casse-noisette" - dans le cadre TEDx ChampsÉlyséesWomen…

Aurélien et moi avons l'habitude de nous retrouver pour travailler avec Bruno Bouché. À l'instar de la compagnie 3e Étage, Bruno dirige un groupe - Incidence Chorégraphique - avec lequel je collabore régulièrement. Mais le ballet que vous évoquez était un projet à part. Pour ce spectacle qui a été retransmis en direct sur Internet, nous avons construit ce petit pas de deux sur la voix de Karine Piquion en reprenant des éléments chorégraphiques d'une pièce que nous avions créée pour une tournée en Inde en janvier 2015.
L'objet de ce ballet était d'essayer de montrer ce que peut ressentir une femme par rapport à la pression qu'exercent les hommes sur elle. Vaste sujet… Au début, je casse quelques assiettes comme une ménagère au bout du rouleau qui verse tout doucement dans la déprime. Lorsque nous avons commencé à travailler, la quantité d'assiettes que je devais casser était très ambitieuse. Mais danser dans les éclats de porcelaine n'est pas spécialement indiqué et nous avons revu nos prétentions à la baisse, l'usage de farine faisant le reste. Le Pas de deux que je danse ensuite avec Aurélien est un peu torturé pour illustrer des questions sur le féminisme.
Si cette thématique m'intéresse, je ne suis aucunement militante ni désireuse de m'impliquer. En revanche, j'étais tout à fait ravie de participer à ce projet car il était sous-tendu par une cause que je cautionne totalement.

 

Marion Barbeau photographiée par Bianca Chanial au Palais Garnier.  D.R.

Vous êtes Sujet du Ballet de l'Opéra national de Paris. Après la réussite de "Casse-noisette" dans un rôle d'Étoile, comment voyez-vous votre avenir ?

C'est un rôle d'Étoile si vous entendez par là un rôle de soliste, et il a été créé sur moi qui suis Sujet. La situation est un peu particulière, et non comparable à celle de Germain Louvet, par exemple, qui danse Roméo, un rôle d'Étoile du répertoire classique, tout en étant Sujet.
Le fait est qu'avec Benjamin Millepied, les rôles de solistes ont été bien plus accessibles à des danseurs sans le statut d'Étoile.

Vous vous préparez donc à passer le Concours interne du Corps de ballet…

Marion Barbeau dans <i>Casse-noisette</i> sur la scène de l'Opéra Garnier.  © Agathe Poupeney/OnPCette année, nous ne savons pas encore à quelle date il se tiendra. Je ne sais pas non plus si des postes de Premiers danseurs seront à pourvoir. Le système des concours est très difficile et nombre d'entre nous avait espéré un temps qu'il disparaisse. Mais il peut aussi avoir du bon. En ce qui me concerne, le concours m'a permis de travailler une variation qui m'a beaucoup apporté dans mon travail : celle d'Aurore dans la version de La Belle au bois dormant de Rosella Hightower. Elle date du début des années 1980 et avait été dansée au Palais des Congrès. Cette production a été filmée avec Claude de Vulpian, mais je l'ai travaillée avec Florence Clerc, qui a aussi dansé dans cette version. Cette variation demande une technique de descente de pointes absolument fabuleuse. C'est pour cela que j'ai choisi de la présenter au concours interne dans la mesure où il n'est pas exclu que je puisse m'en servir un jour dans d'autres variations. Pour le reste, nous sommes jugés sur des variations en dehors de tout contexte de spectacle devant un public, et je pense qu'il est quasiment impossible de danser de la même manière.

Vous allez être remplaçante sur Giselle. Mais que pouvez-vous annoncer d'autre ?

Je suis distribuée en juillet sur la création que Justin Peck fera sur la musique de Poulenc. Avec In Creases, j'ai déjà commencé à me familiariser à son style. Je pense que les répétitions commenceront en même temps que Giselle, au mois de mai prochain. À la rentrée, je sais que je reprendrai In Creases dans un programme consacré à quatre chorégraphes. Bref, beaucoup de Justin Peck pour moi dans les mois prochains ! Je n'en sais pas plus. En revanche, j'aimerais beaucoup participer à la prochaine création de Benjamin Millepied car j'avais adoré travailler avec lui sur Clear, Loud, Bright, Forward en 2015. La saison prochaine, Le Lac des cygnes est repris et d'autres pièces très intéressantes aussi. Nous verrons…

En termes de grands rôles, où se situent vos désirs ?

Après Marie, j'aimerais bien pouvoir aborder un rôle dramatique. La musique du ballet est une dimension primordiale pour moi, car elle m'inspire. Alors des rôles comme Juliette, Manon ou la Dame aux camélias qui s'appuient sur une vraie richesse musicale m'attirent inévitablement. La Sylphide également, car l'esthétique romantique de la chorégraphie m'intéresse beaucoup. Un ballet comme celui-ci permet aussi de travailler en profondeur certains aspects de la danse. Dans La Sylphide, par exemple, une technique particulière de pieds.… Je m'intéresse aussi à ce que proposent d'autres compagnies. Mais le ballet de l'Opéra de Paris a un répertoire très riche à explorer et je me sens en accord avec cette maison qui m'a formée…

 


Propos recueillis par Philippe Banel
Le 5 avril 2016

Pour en savoir plus sur Marion Barbeau :
www.facebook.com/marion.barbeau

 

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