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Interview de Julien Chauvin, violoniste et chef d'orchestre

Julien Chauvin.  © Franck JueryJulien Chauvin mène de front de nombreuses activités. Ardent défenseur de la musique de chambre sur instruments anciens et de l'intégration de la musique dans la société, il est premier violon du Quatuor Cambini-Paris, mais se tient aussi à la tête du Concert de la Loge Olympique, formation au sein de laquelle il joue ou qu'il dirige en fonction des projets. Nous le rencontrons à l'occasion de la sortie disque des six quatuors de Mozart dédiés à Haydn sous label Ambroisie-Naïve et de la reprise de l'admirable spectacle Siegfried et l'Anneau maudit à l'Amphithéâtre Bastille…

 

Tutti-magazine : Vous sortez de la troisième représentation de Siegfried et l'Anneau maudit à l'Amphithéâtre Bastille. Comment l'orchestre réduit est-il composé pour cette adaptation du Ring de Wagner ?

Julien Chauvin : L'idée de départ qui consistait à faire un arrangement du Ring pour seize musiciens était un projet très ambitieux. Au vu de l'effectif demandé - harpe, tuba, trombone, cor, trompette, tous les vents par un, quintet à cordes et timbales - nous avons eu l'idée d'unir les forces de l'Ensemble Initium à une partie des musiciens du Concert de la Loge Olympique, et ce spécifiquement pour ce répertoire particulier de la toute fin du XIXe siècle. J'ai moi-même eu déjà l'occasion de travailler avec le remarquable ensemble à vents Initium, notamment dans le cadre du Festival de Pâques de Deauville, et je le considère comme un des tout premiers en France.

Le programme du spectacle précise que les solistes du Concert de la Loge Olympique sont des musiciens issus du Cercle de l'Harmonie. Comment ces structures cohabitent-elles ?

La production de Siegfried et l'Anneau maudit a été montée il y a deux ans à l'Amphithéâtre Bastille avec Le Cercle de l'Harmonie, à une époque où je jouais au sein de cette formation. Fin 2014, début 2015, j'ai créé mon propre orchestre - Le Concert de la Loge Olympique - qui regroupe exactement les mêmes musiciens que dans la précédente configuration. D'où cette indication "musiciens issus de…". De fait, seul le nom a changé. Les deux formations ne sont pas pour autant imperméables et les instrumentistes peuvent s'exprimer dans les deux orchestres.
Cette situation correspond somme toute au mode de fonctionnement des orchestres indépendants dans la mesure où les musiciens qui les composent sont par nature indépendants, même s'ils accordent une priorité à une formation ou à une autre. On peut ainsi retrouver un même musicien chez William Christie, Marc Minkowski ou Christoph Rousset. Ceci étant, si ces structures n'ont pas de musiciens attitrés dans le sens "salariés à l'année", chaque formation parvient à conserver un noyau dur et fidèle de vingt à vingt-cinq musiciens environ. Au quotidien, je ne suis pas confronté à des problèmes de recrutement car les instrumentistes s'arrangent pour être présents et donnent une priorité au travail que nous accomplissons en commun.

 

Jan Rusko (Siegfried) et Anaïs Mahikian (Waldvogel) dans <i>Siegfried et l'Anneau maudit</i> à l'Amphithéâtre Bastille en 2015.  © Marie-Sophie Leturcq/Opéra national de Paris

Pourquoi avoir créé votre propre formation Le Concert de la Loge Olympique ?

Au bout d'une dizaine d'années de collaboration avec Jérémie Rohrer, voyant nos chemins artistiques évoluer, nous avons souhaité poursuivre notre construction de façon indépendante sans pour autant créer de réelle rupture.
Pour les solistes du Concert de la Loge Olympique, la proximité importante de cuivres dans le petit espace réservé à l'orchestre à l'Amphithéâtre Bastille, derrière les gradins, représente quelque chose d'inédit…
De mon point de vue, l'acoustique de l'Amphithéâtre Bastille est remarquable et particulièrement attrayante. Nous jouons effectivement derrière le public. Le chef dirige dos au public mais aussi dos aux chanteurs qui le voient par l'intermédiaire d'écrans vidéo. Je reconnais que c'est assez particulier mais l'orchestre se trouvant en hauteur, les musiciens profitent d'un contact extrêmement privilégié avec le public et ce, bien plus que si nous étions en fosse. Ce rapport direct avec les spectateurs nous permet de doser les équilibres et les nuances. Jouer dans ces conditions originales devient finalement très agréable. Quant à la proximité des cuivres, elle n'est aucunement gênante dans la mesure où l'orchestre constitue un tout.

 

<i>Siegfried et l'Anneau maudit</i> mis en scène par Charlotte Nessi à l'Amphithéâtre Bastille.  © Marie-Sophie Leturcq/Opéra national de Paris

 

Applaudissements pour les chanteurs, comédiens et musiciens à la fin d'une représentation de <i>Siegfried et l'Anneau maudit</i> à l'Amphithéâtre Bastille en 2015.

Siegfried et l'Anneau maudit s'inscrit dans le cadre des activités Jeune public de l'Opéra de Paris. Quel regard portez-vous sur cette démarche ?

S'il y a un point que nous estimons primordial au sein du Concert de la Loge Olympique, c'est bien celui de l'attention que nous allons porter dans le futur au développement de projets destinés à un jeune public. Il s'agit pour nous de donner des clés à des jeunes entre 5 et 20 ans, et de susciter en eux l'envie de découvrir le monde de la musique classique à travers les diverses formations que sont l'opéra, la musique de chambre et l'orchestre. Chacun de ces mondes a bien sûr des qualités très différentes. Lorsque nous avons tourné avec Armida de Haydn à Orléans, Niort, Besançon et Clermont-Ferrand, nous avons systématiquement organisé des rencontres avec le public. L'opéra est un support extraordinaire car il permet d'expliquer comment se monte une production lyrique, le rôle des techniciens, des chanteurs et de l'orchestre ou de la mise en scène et des lumières. Finalement ce projet est très humain et il nous permet d'aborder la musique par différents faisceaux.
Siegfried et l'Anneau maudit entre donc totalement dans notre souhait de développer un contact avec le jeune public, et je m'avoue assez séduit par cette initiative. Évidemment, une démarche doit être faite en amont du spectacle. L'Ensemble Justiniana s'est énormément investi sur cet aspect.


Les musiciens du Concert de la Loge Olympique accompagnaient la soprano Karina Gauvin à la Salle Gaveau le 14 janvier 2015.  D.R.Je crois que le temps est révolu où l'on remplissait des bus entiers d'élèves avant de les abandonner devant un spectacle sans aucune préparation, ce qui s'avère pratiquement contre-productif. Il nous faut vraiment repenser la question pédagogique et aux moyens d'amener la musique classique à des jeunes qui n'ont pas l'habitude d'en entendre. Il est indispensable d'inclure les parents dans la démarche. Étant moi-même papa de plusieurs enfants, je pense que, même s'ils sont en bas âge, un partage d'émotion, d'une séquence ou d'un moment entre enfants et parents rend plus facile d'en reparler par la suite. Si un enfant voit un spectacle sans ce rapport, en dépit du dialogue mis en place par l'enseignant, le parent se trouve dans l'impossibilité de rebondir. C'est, pour moi, une donnée très importante. Pour preuve, la méthode d'apprentissage des instruments à cordes Suzuki accorde une grande place au parent qui se trouve extrêmement sollicité.

Depuis le début de la saison, votre ensemble est impliqué dans deux projets lyriques : un récital Handel avec Karina Gauvin, et une production de Armida de Haydn mise en scène par Mariame Clément. Voyez-vous l'expression vocale et le spectacle comme des axes importants d'évolution pour votre ensemble ?

L'art lyrique représente une des facettes évidentes de l'Histoire de la musique, et l'associer au répertoire instrumental est un de nos axes d'expression. C'est ce que nous avons réalisé pour le récital avec Karina Gauvin, tout en essayant de nous détacher le plus possible du concept traditionnel du récital au cours duquel le chanteur égrène les sempiternels tubes. Le récital fait partie de nos réflexions en lien avec le choix même du nom de notre formation - Le Concert de la Loge Olympique -, celui d'un orchestre créé en 1785 à Paris, contemporain du Concert Spirituel. Ses programmes étaient très riches et variés, mais aussi bien moins conventionnels que ce que sont devenus la plupart des concerts de nos jours. À l'époque, par exemple, les airs à succès de la chanteuse vedette pouvaient parfaitement être intercalés entre divers mouvements d'une symphonie ou d'un concerto. Il y avait alors quelque chose de plus spontané. Mon optique du récital avec chanteur est de créer des points d'ancrage, soit en lien avec des compositions instrumentales confiées à des instruments solistes - flûte, hautbois, basson, violon -, ou liés à diverses thématiques que l'on retrouve dans l'opéra, comme celle de l'amour. Je préfère poser ce genre de base et partir de là pour construire le répertoire instrumental plutôt que d'enchaîner une série d'airs.


Chantal Santon dans <i>Armida</i> mis en scène par Mariame Clément.  © Enrico BartolucciLe second axe sur lequel nous travaillons est celui de l'opéra, en version concert ou mis en scène. C'est cette seconde direction que nous avons empruntée avec Mariame Clément qui a assuré la mise en scène d'Armida. Une direction que nous allons continuer de suivre. Nous devons ainsi monter pour la saison prochaine un Phèdre de Lemoine, compositeur français prérévolutionnaire totalement méconnu. Cette production sera soutenue par le Palazzetto Bru Zane et sera mise en scène. Nous utiliserons pour ce faire une réduction pour neuf instrumentistes, lesquels accompagneront quatre chanteurs. Ce Phèdre sera présenté au Théâtre des Bouffes du Nord, au Théâtre de Caen et partira ensuite en tournée.
Enfin, notre dernier axe de travail est constitué par tout le répertoire instrumental français et viennois, de l'époque baroque jusqu'au tournant du XIXe siècle. Nous nous intéressons par exemple aux Symphonies de Haydn vraiment trop peu jouées. En son temps, le Concert de la Loge Olympique avait d'ailleurs commandé à Haydn ses Symphonies parisiennes. Elles feront bien sûr partie de notre recherche et de nos programmes.

Pour Armida, c'est vous qui dirigez l'orchestre. Cette activité est-elle complémentaire au violon ?

La direction est pour moi un prolongement, mais plus particulièrement un prolongement du corps et de l'esprit. Je n'aborde pas tant la direction d'orchestre comme une profession en soi que comme vecteur des idées que je vais transmettre aux musiciens. Dans le cadre d'un opéra, mon désir est de leur donner la meilleure compréhension possible du texte. Trop souvent, lorsqu'on monte une production, on ne prend pas le temps d'aborder toute la dramaturgie en fonction de l'orchestration. Or, pour moi, qui ai accompagné de très nombreux opéras avec divers chefs d'orchestre, je pense qu'il arrive un moment où le musicien doit être totalement pris par l'envie de transmettre quelque chose qu'il comprend. De Grétry à Haydn en passant par Mozart, il n'y a en général pas une seule note de musique qui ne soit en rapport avec le texte. Or mon expérience de musicien d'orchestre me fait dire que, trop souvent, on passe à côté. Mon rôle de chef est donc d'apporter de la clarté et de la compréhension sur ce point. Pour le reste, les musiciens avec lesquels je fais de la musique depuis dix ans jouent pour ainsi dire tout seuls !

Cette importance accordée au texte vous incite-t-elle à rechercher un sous-texte lorsque vous dirigez des pièces purement instrumentales ?

Pour moi, le sous-texte constitue le plus d'une interprétation. Pour l'opéra, il est naturellement extrêmement clair. Mais certaines Symphonies parisiennes de Haydn portent aussi des titres très explicites comme "La Reine", "L'Ours" ou "La Poule". Nous avons aussi retrouvé certains écrits de Haydn ou de ses contemporains qui tendent à démontrer que le compositeur avait en tête toute une histoire et des images qui se trouvent être à l'origine des œuvres qu'il a composées. Une fois pénétré dans cette dimension, on comprend totalement différemment les œuvres de Haydn que d'aucuns vont penser arides par le simple fait qu'il ne montre pas toujours le génie mélodique de Mozart. Cela me renvoie aux leçons mémorables d'Anner Bylsma, lorsque j'étais étudiant à Amsterdam. Pour Tzigane de Ravel, il me racontait des choses tout bonnement incroyables qui, justement, apportaient tout le sens à l'œuvre.

 

Les musiciens du Concert de la Loge Olympique photographiés à la Salle Gaveau.  © Franck Juery

Pour vous, toute musique s'accompagne-t-elle d'une certaine théâtralité ?

Il ne faut pas généraliser mais, c'est un fait, la grande majorité des compositeurs ont touché l'opéra. Rares sont ceux qui n'ont pas été tentés par cette expression. Si je me réfère aux compositeurs que nous avons enregistrés, seul le nom de Hyacinthe Jadin me vient à l'esprit comme n'ayant pas composé d'opéra. Mais il est mort à 24 ans en ayant tout de même laissé des mélodies. Je crois donc que musique et théâtralité sont très fortement liées. Ceci étant, c'est aussi aux musiciens d'inventer leur propre histoire et de rendre une œuvre tout simplement vivante !

En 2007 vous créez le Quatuor Cambini-Paris, une formation dédiée au répertoire classique et romantique sur instruments anciens. Comment expliquez-vous la rareté de ce type d'ensemble en Europe et le peu d'intérêt pour le répertoire que vous défendez ?

Les musiciens du quatuor Cambini-Paris : Julien Chauvin (violon), Karine Crocquenoy (violon), Pierre-Éric Nimylowycz (alto) et Atsushi Sakaï (violoncelle).  © Franck JueryC'est une situation que je m'explique assez peu. Cinquante ans après la révolution baroque, on trouve certes de nombreux ensembles mais ils retournent au bout d'un certain moment à une certaine routine qui consiste à jouer les œuvres les plus connues. Personnellement, dès mes débuts professionnels, j'ai toujours eu une attirance pour des répertoires peu ou jamais joués. Mais il faut les proposer au côté d'œuvres moins méconnues. Ce n'est pas soit l'un, soit l'autre. Il faut être en mesure de pouvoir jouer les dernières Symphonies de Mozart et, pourquoi pas, celles de Henri-Joseph Rigel, d'André Grétry ou d'Antoine Duvergne. Il ne faut faire preuve de snobisme ni dans un sens ni dans l'autre. Après tout, ce qui compte est que cette musique nous touche.
Par ailleurs, on trouve peu d'ensembles de musique de chambre sur instruments anciens. Heureusement qu'il existe des soutiens tels ceux du Centre de Musique Baroque de Versailles et du Palazzetto Bru Zane.

Cette musique est-elle favorablement accueillie par les programmateurs ?

Pour le Quatuor Cambini-Paris, la musique française est une carte de visite à l'étranger. Nous partons aux États-Unis et au Canada le mois prochain et la musique française représente indéniablement un atout. Pour autant, nous proposons des programmes variés. Par exemple nous pouvons jouer les Dissonances de Mozart, mais aussi celles de Jadin et un quatuor de Félicien David. Il faut vraiment établir des ponts dans ce que nous programmons.
Pour preuve de l'intérêt porté à la musique française, notre disque des quatuors de Félicien David, pourtant inconnus et joués sur instruments anciens, a réalisé lors de sa sortie en 2012 des chiffres de vente tout à fait importants. Et cela, à notre plus grande surprise.

Comment vous y prenez-vous pour dénicher des œuvres souvent totalement oubliées ?

Pour Félicien David, ce sont des recherches menées avec le Palazzetto Bru Zane qui nous ont facilité l'accès à cette musique. Mais la plupart des partitions sont en libre accès dans des bibliothèques et sur Internet. Nous avons aussi beaucoup travaillé avec des musicologues comme Hervé Audéon, Michelle Garnier-Panafieu ou Alexandre et Benoît Dratwicki. De nombreuses personnes nous ont aidés, orientés et fait découvrir des pièces. Collaborer avec des spécialistes fait partie intégrante de notre métier.

Travailler sur des pièces rares, voire souvent inconnues, vous apporte-t-il une émotion particulière ?

Julien Chauvin, Violoniste et chef d'orchestre.  © Franck Juery

Il y a bien sûr un sentiment lié au défrichage. Mais, une chose est certaine, l'émotion se doit d'être présente en première lecture. C'est un élément indispensable pour nous permettre de demeurer dans l'envie. Par exemple, nous avons dû lire plus d'une soixantaine de quatuors de Giuseppe Maria Cambini pour en retenir au final seulement deux ou trois ! Il est impératif que les œuvres nous touchent. De la même façon, lorsque nous avons sélectionné trois des douze quatuors de Jadin, il s'agissait effectivement de ceux qui nous parlaient le plus.

Avec le Quatuor Cambini-Paris, vous avez enregistré pour le label Ambroisie les quatuors de Mozart dédiés à Haydn. Cet enregistrement des six quatuors s'est étalé sur deux ans et dans deux lieux différents. Comment avez-vous géré la cohérence musicale et acoustique de l'ensemble ?

Nous avons effectivement enregistré une partie des quatuors au Théâtre Impérial de Compiègne et l'autre dans la Galerie dorée de la Banque de France, mais les acoustiques étaient assez semblables, malgré la superficie plus modeste de la Galerie dorée. Le plus important est de ne pas enregistrer certaines pièces dans une église, et d'autres dans un théâtre ! Nous avons enregistré certains quatuors à un an d'intervalle pour de pures raisons de calendrier. Mais le problème de la cohésion ne s'est pas vraiment posé dans la mesure où ces pièces font partie de notre répertoire et que nous les jouons depuis longtemps. Il est inévitable de morceler 3h30 de musique mais cela n'a pas d'incidence particulière.

Vous tournez en France et à l'étranger. Dans un proche avenir, vous serez le 19 mai au Musée d'Orsay, le 1er juin au Musée de la Vie Romantique, le 11 juillet au Festival de Saintes… Quelles œuvres proposez-vous actuellement ?

Nous sommes actuellement en tournée avec l'intégrale des six quatuors de Mozart dédiés à Haydn. Nous l'avons déjà proposée à l'Arsenal de Metz, nous la présenterons à Caen en novembre, mais aussi à Cherbourg… Je pense que nous allons tourner cette intégrale sur deux ou trois ans. La vie des disques est liée au concert et nous nous sommes rendu compte qu'ils ont une durée de vie qui dépasse une année. Par exemple, nous jouerons Félicien David aux États-Unis alors que le disque est sorti en 2012. Nous ouvrirons le concert avec le Quatuor de Debussy. En septembre, nous avons joué le Quatuor de Ravel. De fait, nous essayons de varier les propositions et d'enrichir notre répertoire.

 

Le quatuor Cambini-Paris enregistre dans la Galerie dorée de la Banque de France.  D.R.

Sur le plan humain, une formation comme le quatuor est très délicate à gérer. Depuis 2007, les musiciens de Cambini-Paris paraissent bien résister aux tensions possibles…

Depuis 2007, nous avons seulement changé d'altiste. Tout d'abord, contrairement aux quatuors qui se réunissent six fois par semaine, nous travaillons par sessions et par périodes. Ensuite, l'essentiel est qu'il y ait au sein de la formation le respect d'une parole commune. La direction artistique ainsi que la cohérence stylistique et instrumentale s'affinent au cours des années, mais cela doit demeurer un dialogue et une vision à quatre. Il faut donc accepter de faire des compromis sur les tempi ou les phrasés, et que certaines idées musicales nous échappent. Dès lors, cette vision à quatre peut exister. C'est la chose fondamentale à comprendre. À ce titre, mon rôle au sein du quatuor est radicalement différent de mon statut de premier violon d'orchestre ou de chef lorsque je dirige.
Je tiens aussi à dire que rien n'est jamais fixé dans le marbre et que les choses évoluent au sein du quatuor. Si je prends comme exemple notre enregistrement des quatuors de Mozart, nous avons fixé notre interprétation à un moment donné de l'élaboration de ces pièces. Une semaine plus tard, et a fortiori trois ans plus tard, elle aura énormément changé… Le disque, par ailleurs, constitue un formidable outil en ce qu'il permet de conserver une trace de ce qu'était notre interprétation à l'époque de l'enregistrement.

 

Le quatuor Cambini-Paris en tournée au Canada.  D.R.

Comment voyez-vous l'avenir des deux formations musicales que vous avez créées ?

Pour l'orchestre, nous sommes en plein redémarrage d'un projet musical qui rassemble tous les musiciens et consiste en une réflexion vis-à-vis du public et sur notre engagement en tant que musiciens dans la société. Je suis persuadé que c'est notre présence au niveau social qui nous éloignera de la menace de dilution qui existe pour les ensembles qui n'évolueront pas. Bien entendu, notre objectif est de participer également à des productions, mais cet aspect social et pédagogique est très important. Par ailleurs, nous avons le désir de créer quelque chose de durable, une dimension capitale pour les musiciens indépendants. Se retrouver dans un projet musical commun revêt donc une grande importance. Nous avons aussi un projet avec un orchestre canadien qui vise à apporter quelques principes de la musique ancienne à des musiciens dont ce n'est pas le quotidien.
Concernant le quatuor, nous allons tenter de continuer à dynamiser à notre manière la scène du quatuor où les instruments anciens sont totalement sous-représentés. Nous allons continuer à enregistrer à la fois des œuvres peu connues ou inconnues, et d'autres plus connues. Nous jouons Beethoven depuis longtemps et, sans doute, enregistrerons-nous un jour quelque chose pour le disque. Nous allons également commencer au concert une intégrale des quatuors de Haydn, ainsi qu'une intégrale Gounod, à la fois pour le concert et le disque. Les quatuors de Gounod sont très beaux, même s'ils marquent un retour au classicisme de la forme viennoise, de la même façon que chez Félicien David.

Qu'en est-il de vous en tant qu'instrumentiste soliste ?

La dimension soliste m'intéresse à vrai dire assez peu si elle n'est pas reliée à un projet musical solide. Un projet de sonates ou de récital comme celui que j'ai monté avec le pianiste Kristian Bezuidenhout me parle bien davantage qu'un concerto. Je suis aussi invité aux États-Unis, à Washington, pour jouer avec un ensemble sur instruments anciens. Je me produis tous les deux ans avec cet orchestre…

Comment parvenez-vous à gérer autant d'activités différentes de front ?

Avec une vie de famille très intense, le fil est effectivement très tendu, et parfois pas loin de se briser. Mais cette période de réflexion constante et de reconstruction est extrêmement excitante à vivre…



Propos recueillis par Philippe Banel
Le 25 mars 2015

 

 

Pour en savoir plus sur le quatuor Cambini-Paris :
quatuorcambiniparis.com

Pour en savoir plus sur le Concert de la Loge Olympique :
www.logeolympique.fr

 

 

Le quatuor Cambini-Paris (Julien Chauvin, Karine Crocquenoy, Cécile Brossard et Atsushi Sakaï) a enregistré les quatuors de Hyacinthe Jadin Op. 1 No. 1 et Op. 3 Nos. 1 et 3 pour le label Timpani-Naïve. Pour commander ce CD, cliquer ICILe quatuor Cambini-Paris (Julien Chauvin, Karine Crocquenoy, Pierre-Éric Nimylowycz et Atsushi Sakaï) a enregistré les quatuors Nos. 1, 2 et 4 de Félicien David. Ce disque est édité par le label Ambroisie-Naïve. Pour le commander, cliquer ICILe quatuor Cambini-Paris (Julien Chauvin, Karine Crocquenoy, Pierre-Éric Nimylowycz et Atsushi Sakaï) a enregistré les six quatuors de Mozart dédiés à Haydn. Ces trois disques sont réunis dans un coffret édité par le label Ambroisie-Naïve. Pour le commander, cliquer ICI

Mots-clés

Amphithéâtre Bastille
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Le Concert de la Loge Olympique
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Quatuor Cambini-Paris - Quatuors de Mozart

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