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Interview de Véronique Gens, soprano

Véronique Gens.  © GTG/Carolie ParodiMerveilleuse et touchante Alceste, la saison dernière à l'Opéra de Paris dans la mise en scène d'Olivier Py, Véronique Gens était il y a peu une Belle Hélène d'Offenbach au Grand Théâtre de Genève qui tranchait avec allégresse en regard des héroïnes tragiques qui jalonnent sa carrière… Passionnée de mélodie française, elle a enregistré avec sa complice pianiste de longue date Susan Manoff un récital consacré à Reynaldo Hahn, Henri Duparc et Ernest Chausson. C'est son premier disque pour le label Alpha Classics : Néère

Susan Manoff et Véronique Gens à la Salle Gaveau le 12 novembre 2015.

 









Le 12 novembre 2015, Véronique Gens et Susan Manoff présentaient l'intégralité du programme de leur album "Néère" à la Salle Gaveau. Beau moment dédié à la mélodie française devant un public sous le charme qui permettait à Véronique Gens d'incarner les textes avec une délicatesse et une poésie absolues. Sa voix riche aux sons toujours moelleux répondait au jeu tantôt orchestral tantôt retenu mais toujours complémentaire d'une Susan Manoff radieuse et expressive. Nullement déconcentrée par un public trop démonstratif entre chaque mélodie, Véronique Gens, remarquable par la maîtrise constante de ses moyens vocaux, ne s'est jamais départie de cette classe naturelle qui la rend unique. Généreuse, également, au point d'offrir quatre bis après un programme déjà fort complet. Le croustillant "Corbeau et le renard" d'Offenbach ouvrait avec humour la succession de ces petits cadeaux musicaux si légers qu'ils n'en cachent que mieux leur difficulté technique. Puis la soprano s'est transformée en diseuse réaliste avec la très familiale saga de Poulenc "Nous voulons une petite sœur", avant de retrouver la nostalgie ternaire des "Chemins de l'amour" qui lui sied si bien, et de finir par une note d'exotisme avec Fauré et ses "Roses d'Ispahan" dont la fragrance doit subsister à Gaveau au moment où nous publions ce texte. Oui, la classe !


Véronique Gens (Hélène) et Raul Giménez (Ménélas) dans <i>La Belle Hélène</i> au Grand Théâtre de Genève.  © GTG/Carolie Parodi

 

Thomas Matalou (Philocome), Véronique Gens (Hélène) et Florian Cafiero (Pâris) dans <i>La Belle Hélène</i> au Grand Théâtre de Genève.  © GTG/Carolie Parodi

Tutti-magazine : Le 25 octobre était votre dernière représentation de "La Belle Hélène" au Grand Théâtre de Genève. Comment avez-vous vécu cette production mise en scène par Robert Sandoz ?

Véronique Gens : Cette Belle Hélène était quelque chose de très nouveau pour moi car je n'ai pas souvent l'occasion de faire de l'opérette. Le plus difficile a sans aucun doute été de maîtriser le texte parlé dans cette grande salle, sans sonorisation, et aux côtés de vrais comédiens qui, eux, ont l'habitude de projeter la parole. Or, surtout nous les femmes, nous ne chantons pas du tout de la même façon que nous parlons. Mais cet essai a été formidable, et j'ai vraiment apprécié de pouvoir sourire, d'improviser et d'en rajouter, parfois même avec des trucs idiots… Je n'ai pas souvent l'occasion de m'amuser autant !

Voyez-vous en Hélène la face riante d'une des héroïnes tragiques que vous interprétez ?

Je ne sais pas s'il est possible d'aller jusque-là mais il est vrai qu'Hélène appartient à la famille d'Agamemnon, Iphigénie ou Alceste. Avec un tel personnage, on reste à peu près dans le même milieu. Mais je vois plutôt dans cette opérette un défi qui m'a permis d'essayer de m'exprimer autrement. Contrairement à ce que je montre sur scène dans Alceste ou Iphigénie, je ne crois pas, dans la vie, être quelqu'un de spécialement tragique et désespéré. Petite, j'étais souvent le clown de la famille. La vie a fait que j'incarne beaucoup ces femmes au destin tragique mais cela ne veut pas dire pour autant que je suis incapable de proposer quelque chose d'amusant ou de drôle. Du reste, si l'occasion se présente, je renouvellerai très volontiers l'expérience.

 

Véronique Gens chante la mélodie française…  D.R

Parallèlement à votre carrière sur les grandes scènes d'opéra, vous chantez la mélodie française partout dans le monde. Pour votre premier récital au disque vous étiez accompagnée par Roger Vignoles. Pour le second, Néère, qui vient de sortir chez Alpha Classics, il aura fallu attendre de nombreuses années. Pourquoi un temps aussi long ?

Tout simplement parce qu'il est très compliqué de monter un projet de disque de récital, qui plus est consacré à la mélodie française ! Le public se dirige sans doute plus facilement vers un énième Requiem de Mozart. En récital, la mélodie française n'est pas populaire, et on lui affuble volontiers une étiquette de musique un peu trop intellectuelle réservée à une élite. En France, que cela soit justifié ou non, la musique française fait un peu peur aux gens… De fait, parvenir à sortir ce disque a été très compliqué. De plus, j'ai changé de maison de disques et je voulais absolument enregistrer avec Susan Manoff, avec qui je tourne dans le monde entier depuis des années. Pour des raisons de marketing, on voulait m'imposer des pianistes dont je ne voulais pas car la mélodie française exige une complicité entre la chanteuse et le pianiste. Il doit véritablement s'agir d'un duo et non d'une chanteuse avec un accompagnateur. Susan et moi nous nous entendons très bien. Pour avoir participé ensemble à de nombreux projets, il y a aujourd'hui entre nous cette sorte de complicité qui, je crois, est indispensable dans ce répertoire. Bref, il me fallait enregistrer avec elle… La démarche a été longue et compliquée et, après pas mal de rebondissements et d'espoirs déçus, nous y sommes arrivées et j'en suis très heureuse. Effectivement mon premier disque de mélodies remonte à plusieurs années, mais la vie est ainsi faite. Entre-temps, j'ai pu enregistrer d'autres choses, et en particulier des opéras que je n'avais jamais chantés…

Vous avez enregistré "Néère" au Studio Teldex de Berlin avec Susan Manoff en mars 2015. Quelle ambiance régnait durant cet enregistrement ?

Véronique Gens et Susan Manoff interviewées pour leur album <i>Néère</i>.  D.R

C'était le grand luxe ! L'endroit est extraordinaire, au milieu de nulle part, ce qui incite à travailler, puis manger et dormir. C'est en tout cas ce que nous avons fait pendant quatre jours dans cet endroit isolé. La salle est magnifique et le piano était sublime. Susan a rarement eu la possibilité de jouer sur un aussi bel instrument. De plus, il était possible de choisir son piano. Ce studio est vraiment un endroit idéal pour enregistrer. Si je devais faire un autre disque avec instrument solo, c'est là que je reviendrais.

Comment avez-vous collaboré avec Daniel Zalay qui était en charge de la prise de son et du mixage ?

Daniel Zalay est un homme de radio et je le connais depuis très longtemps. C'est lui qui a enregistré mes premiers disques avec Les Arts Florissants. Je l'aime beaucoup et, non seulement il me connaît bien, mais il connaît bien ma voix. Lorsque nous travaillons ensemble je trouve que nous gagnons beaucoup de temps car il sait ce que je peux améliorer ou non. Daniel sait aussi jusqu'où il peut me pousser… Je préfère de beaucoup travailler avec des gens que je connais et que j'aime. Je suis d'une nature plutôt timide et je ressens des doutes lorsque les gens ne me connaissent pas et que je dois prouver certaines choses. J'ai besoin d'un environnement confortable, chaleureux et favorable pour me sentir bien. Dans ce grand studio de Teldex, avec Susan et Daniel, nous étions tous les trois et avons passé un très bon moment.

Vous avez enregistré de nombreux disques, pour autant êtes-vous à l'aise pour enregistrer ?

Non, pas du tout. Je crois même qu'il n'y a pas d'exercice plus difficile que l'enregistrement. Devoir m'écouter représente vraiment une épreuve. À tel point qu'il m'arrive de dire à Daniel que je préfère ne pas entendre et lui accorder une confiance totale. S'écouter et scruter le rendu de sa propre voix est pour moi d'une difficulté extrême. Lorsque je m'écoute, je n'entends que mes défauts, ce qui n'est absolument pas constructif. J'ai juste envie de me jeter par la fenêtre ! L'enregistrement est donc un exercice que je n'aime pas particulièrement, même si je peux être très satisfaite vis-à-vis du résultat lorsque le disque sort. Mais tout ce qui précède constitue une épreuve car il me faut aller chercher dans mes propres retranchements, creuser en moi et me mettre à nu pour donner au micro des choses qui sont bien plus faciles à sortir lorsque je me trouve sur scène, que je vois le public et qu'il me voit. Une session d'enregistrement est quelque chose de très abstrait. Ceci dit, je pense qu'il est indispensable, pour un chanteur, de pouvoir faire des disques et d'être capable de les assumer, au même titre qu'il faut faire de l'opéra et du récital. Être un chanteur complet, je crois, passe par la capacité à faire tout cela et je reconnais la chance de pouvoir le faire.

 

Véronique Gens accompagnée par Susan Manoff.  D.R

Lorsque vous avez enregistré "Néère", vous êtes-vous servie de votre expérience de ces mélodies en récital ?

Le récital de Véronique Gens et Susan Manoff <i>Néère</i> est disponible en CD chez Alpha Classics. Cliquer pour le commander…Je ne suis pas certaine de chercher à retrouver les sensations éprouvées en récital lorsque je suis devant un micro. Mais il est certain qu'à force de chanter, je trouve des choses. Susan et moi avons beaucoup joué et chanté les mélodies de Reynaldo Hahn en concert, et à chaque fois que nous les reprenons, des éléments nouveaux surviennent ou remontent à la surface en fonction du lieu, du contexte ou tout simplement de notre humeur. Si je chante aujourd'hui À Chloris et que je reprends cette mélodie dans une semaine, elle ne sera pas pareille. Toute cette alchimie est tellement subtile… De plus, en récital, il faut compter avec le souci de se faire entendre jusqu'au rang le plus éloigné de vous. Tandis que le micro vous offre le luxe d'une précision à portée de lèvres qui vous permet d'en profiter, de pouvoir en jouer et d'enrichir le chant. Je pense que chanter en studio et devant un public n'est donc pas le même exercice. Pour cette raison, je trouve que les captations en direct de plus en plus fréquentes sont très compliquées car les deux axes se rejoignent et il est très difficile, de mon point de vue, d'aboutir à un résultat correct. Je ne peux pas me comporter de la même façon devant un public et en studio, à 10 cm d'un micro.

Pour l'auditeur, les textes sur lesquels ont écrit les compositeurs français rassemblés pour ce nouveau disque sont porteurs d'émotion, de sentiments mais aussi d'images. Pour autant suscitent-ils en vous des images particulières ?

Bien sûr, mais les images que ces mélodies évoquent pour moi ne sont sans doute pas celles qu'elles évoquent pour vous. C'est ce qui est formidable avec ces textes car chacun se fait son petit film. Théodore de Banville ou Leconte de Lisle ont magnifiquement écrit et c'est une vraie chance de pouvoir chanter ces mots. Tant la musique que le texte constituent notre patrimoine. Je suis une chanteuse française et j'adore la mélodie française pour cette raison. Alors, pourquoi m'en priver ?

Les mélodies de Reynaldo Hahn ont souvent mauvaise réputation. Vous qui les chantez, comprenez-vous un tel rejet ?

<i>Herculanum</i> de Félicien David dirigé par Hervé Niquet avec Véronique Gens est disponible en CD aux Editiones Singulares. Cliquer pour le commander…Je ne suis pas la mieux placée pour répondre à cela sur un plan historique. Je peux en revanche vous dire que j'éprouve un énorme plaisir à chanter Reynaldo Hahn. Le fait est que beaucoup de personnes ont une image très superficielle de ce compositeur et taxent sa musique de légèreté. Il est vrai que cette légèreté est bien présente, mais je trouve aussi une grande profondeur dans ces mélodies. Son écriture est très épurée et d'apparence très simple, mais il y a toujours un second degré à trouver, des harmonies très travaillées, une ambiance. Il y a quelque chose de tellement spécial chez Reynaldo Hahn, et c'est précisément ce que j'adore et que j'essaye de rendre. C'est pour cette raison que la mélodie "Néère" a donné son titre au disque. Très peu de gens connaissent cet air extrait des Études latines, un opus vraiment spécial et différent de ce que Hahn a pu écrire par ailleurs. Commencer l'album par cette mélodie nous projette dans un monde fragile, épuré, et je trouve cela merveilleux. On est loin de Duparc et de ses imposantes parties de piano ou de Chausson et ses ambiances plus sombres. La mélodie française peut revêtir des aspects si différents que je tenais à faire partager ma passion par le biais de ce disque.

Récemment est sorti "Herculanum" de Félicien David dans lequel vous chantez Lilia sous la direction d'Hervé Niquet…

Cet enregistrement a été un immense plaisir. Avec ses grands ensembles, Herculanum se situe à mille lieues de Reynaldo Hahn. Félicien David a composé pour un chœur important. Herculanum comprend de grands ensembles et de grandes envolées. Nous sommes en plein romantisme et, pour moi qui viens de la musique baroque que j'ai tellement chantée, avoir avec cette œuvre la possibilité d'exprimer ces grandes phrases et de partager un superbe duo avec le ténor, c'est tout simplement extraordinaire. C'est une vraie chance de pouvoir m'exprimer ainsi avec des possibilités que j'ai peu l'habitude de montrer.
Tant que ma voix peut suivre, je suis toujours partante pour les défis, pour essayer de nouvelles choses. Depuis Herculanum, nous avons enregistré La Jacquerie d'Édouard Lalo au Festival de Montpellier et cela m'a donné la possibilité de monter vers des si naturel que je n'ai pas l'habitude de chanter. C'est très motivant. Je ressens un peu la même chose que, lorsqu'il y a quelques années, j'enregistrais beaucoup avec le Centre de musique baroque de Versailles qui sortait des musiques absolument inconnues. Avec le Palazzetto Bru Zane, il s'agit d'une mission assez parallèle qui consiste à faire revivre ces œuvres oubliées. Tous ceux qui s'activent avec cœur en ce sens ont un enthousiasme et une envie que je trouve formidables. À vrai dire, je n'ai pas spécialement envie d'enregistrer un Requiem de Mozart de plus ! Mais quel plaisir, au contraire, de m'exprimer dans des répertoires que j'ai peu pratiqués, voire jamais, et en tout cas jamais enregistrés. C'est très motivant de travailler la partition d'abord dans son coin, de s'associer ensuite aux autres chanteurs, puis au chœur et à l'orchestre pour aboutir à une sorte de monument comme ce surprenant Herculanum. C'est un magnifique souvenir.

 

<i>Herculanum</i> de Félicien David. Autour d'Hervé Niquet : Julien Véronèse, Edgaras Montvidas, Véronique Gens, Nicolas Courjal et Karine Deshayes.  © Palazzetto Bru Zane

Travailler une œuvre comme "Herculanum" n'est pourtant pas très rentable au plan de la carrière car vous ne la chanterez plus ou très peu…

Eh bien oui, et je suis tout à fait prête à assumer ! C'était la même chose pour Cinq Mars de Gounod et pour La Jacquerie de Lalo. De même, il y aura Dante de Benjamin Godard le 2 février 2016 à Versailles, qui sera suivi de bien d'autres projets de ce type. Honnêtement, cela ne me coûte pas et ça m'intéresse. J'aime et c'est l'essentiel. Redonner ces œuvres ou pas n'a aucune importance car l'essentiel est pour moi de m'investir dans leur redécouverte, autant pour le public que pour moi-même. Bien sûr, lorsqu'on apprend la Comtesse des Noces ou Elvira dans Don Giovanni, on sait que c'est pour la vie. Mais c'est un bonheur aussi total que de participer à La Jacquerie de Lalo et de me retrouver portée par la force d'une redécouverte que l'on fait partager. C'est passionnant et j'adore ça !

La relation que vous entretenez avec le Palazetto Bru Zane, qui est à l'origine de tous ces projets, est donc devenue un axe important de votre carrière…

Véronique Gens (Alceste) et Joseph Kaiser (Admète) dans <i>Alceste</i> mis en scène par Christof Loy à l'Opéra de Vienne.  © Wiener Staatsoper/Michael Pöhn

Cette relation a commencé avec Herculanum de David et je crois qu'elle n'est pas près de s'arrêter car nous avons de nombreux projets ensemble. Sur le plan vocal, cette musique me convient parfaitement car elle se situe toujours dans une tessiture de pseudo Falcon qui m'est très confortable. Même pour chanter une seule fois des œuvres de ce merveilleux répertoire, je serai toujours candidate, volontaire et enchantée. En outre, j'ai très à cœur de participer à défendre notre patrimoine musical. Quant aux disques qui suivent, ils permettent de graver des témoignages de moments particuliers de la musique française qui sortent des sentiers battus et qui ont le mérite d'exister aux côtés des centaines de versions des Noces de Figaro.

Vous avez dit aimer la pureté musicale des opéras de Gluck dont une des caractéristiques est de contenir de nombreux récitatifs. La façon dont vous préparez les récitatifs est-elle sensiblement différente de celle des arias ?

Je travaille les récitatifs exactement de la même manière que les airs. Un récitatif se déclame, ce que j'ai appris des classes de William Chrisitie que je fréquentais au Conservatoire. Avec la lecture, puis la déclamation, on entre dans la phase de compréhension du texte. Or Gluck est en quelque sorte le Roi de la déclamation. Ses récitatifs sont le plus souvent très écrits, non seulement pour la voix mais aussi pour l'orchestre. Habituellement, le récitatif est très libre car il prend le rythme de la parole. Chez Gluck, ce qui le rend bien plus difficile, ce sont les restrictions inhérentes au fait que l'orchestre accompagne la voix. Mais je crois que cela procède de l'intelligence de l'écriture de Gluck car le texte est ainsi davantage mis en emphase et vous vous sentez portée. J'ai mis du temps à comprendre cela. Mais, plus je chante Gluck, plus je m'en remets à l'écriture qui contient en elle ce qui permet au chanteur de mieux déclamer pour être davantage tragique ou dramatique. Ceci dit, il faut aussi conserver une diction et un rythme de parole naturels. Un chef comme Marc Minkowski, qui dirigeait Alceste à l'Opéra Garnier, vous suit et vous donne la liberté nécessaire pour respirer ou pour accentuer certains mots. Et l'orchestre que vous sentez en dessous votre voix devient alors très rassurant. Avec un bon orchestre et un bon chef, tout le monde vous suit et vous ne vous sentez aucunement lâchée dans la nature. Ça marche, et c'est même assez exaltant.

 

Stéphane Degout (le Grand Prêtre d'Apollon) et Véronique Gens (Alceste) mis en scène par Olivier Py à l'Opéra de Paris.  © Julien Benhamou/OnP

 

Véronique Gens interprète Alceste sur la scène de l'Opéra Garnier.  © Julien Benhamou/OnP

Comment vous êtes-vous sentie dans la mise en scène d'"Alceste" d'Olivier Py à l'Opéra Garnier ?

Je suis une inconditionnelle d'Olivier Py. J'ai adoré participer à ses Dialogues des Carmélites au Théâtre des Champs-Élysées et cette production reste pour moi un souvenir très fort. Quand j'en parle, je suis encore très émue et je suis ravie de la reprendre pour la saison 2017-2018. Des opéras que j'ai chantés avec Olivier Py, j'aime cette nudité sur scène, exempte d'accessoires : il n'y a que le chanteur, du noir et du blanc. Ce n'est peut-être pas facile mais ça vous oblige à chercher en vous pour proposer des choses. Personnellement, j'aime beaucoup cette liberté que laisse Olivier de proposer. De nombreux metteurs en scène vous imposent tout. Lui vous propose deux ou trois options et vous nourrissez ensuite la proposition…
Quant à Alceste, même si j'ai chanté cet opéra sur d'autres scènes, la production du Palais Garnier reste dans mon cœur. Chaque chanteur était idéalement distribué et il y avait une bonne ambiance entre nous sur scène et tout au long des quatre ou cinq semaines de répétitions. Ce n'est pas si souvent le cas. Il y avait beaucoup de représentations et je me souviens qu'il faisait très chaud à Paris. Tout cela se mélange en moi en un souvenir encore très vivace. J'admire tellement le personnage d'Alceste que je réalise ma chance d'avoir pu chanter un rôle comme celui-ci à l'Opéra de Paris, avec Olivier Py et Marc Minkowski. C'était une merveilleuse expérience, de celles qui ne reviennent pas très souvent dans la carrière d'une chanteuse.

Vous avez dit beaucoup apprécier chanter dans des ensembles, et même davantage que des airs de bravoure qui font généralement le succès des chanteuses. N'est-ce pas un paradoxe ?

C'est bien là mon drame, car j'aime beaucoup chanter avec les autres ! Tout a commencé alors que j'étais petite fille, dans un chœur. Pendant des années, j’ai chanté dans des chœurs d'enfants. Je me souviens très bien qu'à cette époque, le plaisir était déjà immense d'entendre toutes ces voix et les harmoniques qui découlaient des ensembles. C'est pour cette raison que j'aime tant Cosi fan tutte. Dans cet opéra, il n'y a que des ensembles, ou presque. Je n'ai jamais éprouvé autant de plaisir qu'en chantant les madrigaux de Monteverdi tant je me sentais enrobée par la voix des autres. C'était une joie immense. Il y a quelques années je chantais beaucoup d'oratorios, des Passions de Bach, et la musique sacrée me porte et me touche aussi beaucoup. Ce qui est difficile, dans l'oratorio, est de se lever pour chanter, puis de se rasseoir ensuite en attendant son tour.
Les airs de bravoure qu'on attend à des points précis des opéras sont pour moi plus difficiles, d'autant que ce ne sont pas ceux que je préfère. Bien sûr, je ne peux qu'être comblée lorsque j'ai à chanter des airs aussi splendides que "Divinités du Styx" dans Alceste ou "Mi tradi quell'alma ingrata" dans Don Giovanni. Mais, par exemple, dans un autre opéra que j'adore, Iphigénie en Tauride, le moment que je préfère est le trio du début de l'acte II. Non seulement j'aime beaucoup chanter avec les autres, mais aussi jouer avec eux. J'ai besoin des autres pour exister, chanter en regardant l'autre dans les yeux et exprimer des choses pour lui. Lorsque j'ai la chance d'avoir un partenaire qui me répond et que je me sens avec lui, c'est une joie énorme…

 

Véronique Gens et Mariusz Kwiecien dans <i>Don Giovanni</i> mis en scène par Kasper Holten à Covent Garden.  © ROH/Bill Cooper

 

Véronique Gens porte la "robe catalogue" créée par Anja Vang Kragh pour le <i>Don Giovanni</i> mis en scène par Kasper Holten à Londres.  © ROH/Bill Cooper

Un des rôles importants de votre carrière est Donna Elvira dans "Don Giovanni". Vous avez interprété ce rôle en 2014 dans la mise en scène de Kasper Holten à Covent Garden qui a fait l'objet d'un live dans les cinémas, puis d'une édition DVD et Blu-ray chez Opus Arte. Comment avez-vous travaillé avec lui ?

J'ai fait beaucoup de Don Giovanni et celui de Kasper Holten est un très bon souvenir. L'équipe rassemblée était parfaite, chacun tenait son rôle idéalement. La mise en scène était très intéressante mais la scénographie était aussi très compliquée. Nous avions répété en studio pendant cinq ou six semaines dans le décor de maison monté sur une tournette. Tout était réglé au quart de tour. Il y avait des escaliers à monter et à descendre, de multiples portes, et des vidéos étaient projetées. Il était donc indispensable de se trouver au bon endroit pour recevoir la lumière ou les projections. Nous avons mis beaucoup de temps à mettre tout ça en place mais, pour nous chanteurs, cela progressait dans une belle ambiance. Kasper Holten est quelqu'un de formidable. Son énergie est communicative et il vous donne la niaque. Il est à la fois très positif et enthousiaste. Il fait partie de ceux qui vous donnent des idées, qui vous proposent des choses et vous laissent ensuite les appréhender en fonction de votre personnalité et de votre voix. Ces metteurs en scènes vous permettent de vous approprier ce que vous exprimez. Ce Don Giovanni était là encore une belle expérience.

Vous portiez dans cette production un très beau costume dessiné par Anja Vang Kragh. Le costume peut-il avoir une incidence sur le chant ?

Bien sûr. Si je me sens belle et mise en valeur, que je suis sublimée, je chante encore mieux. Chanter dans un costume que je déteste, si je me sens grosse et moche ou négligée, est bien plus difficile à assumer, surtout lorsque vous avez la conscience d'être vue par des milliers de personnes. Au début du Don Giovanni de Covent Garden, j'arrivais revêtue d'une grande capeline. C'était assez compliqué car il fallait donnait l'impression que j'arrivais de voyage et mon costume devait paraître mouillé sans l'être réellement. Quant à la robe, elle était le support des noms des conquêtes de Don Giovanni, en quelque sorte le fameux "catalogue". Ce costume était très volumineux et je me souviens qu'il était très compliqué de monter et descendre les escaliers particulièrement étroits… On me salissait un peu le visage, toujours pour donner cette idée de long voyage, mais ça ne durait pas. De toute façon, j'accepte parfaitement d'apparaître moche ou laide si cela peut servir l'histoire…

Le fait que le spectacle ait été diffusé dans les cinémas a-t-il eu une incidence sur votre carrière ?

Je pense qu'une telle diffusion constitue une publicité formidable pour un chanteur. Cela se fait de plus en plus, et je crois que c'est une bonne chose. Le soir du direct de Don Giovanni, on nous a prévenus que la captation serait diffusée dans 8.000 cinémas dans le monde entier. C'est énorme, et on prend conscience tout à coup que beaucoup de gens vont nous regarder. Mais, bien sûr, on chante comme d'habitude, avant tout pour les spectateurs qui sont devant nous, assis dans la salle. Je me souviens que ce soir-là, à Londres, il faisait un temps épouvantable. Le vent qui soufflait avait pas mal perturbé la diffusion satellite…

 

Alex Esposito (Leporello) et Véronique Gens (Donna Elvira) dans <i>Don Giovanni</i> mis en scène par Stephan Kimming à Munich.  © Wilfried Hösl

En janvier 2016, vous reprendrez Donna Elvira à Munich dans une mise en scène à des lieues de celle de Kasper Holten, celle de Stephan Kimming. Comment vivez-vous la succession des traitements concernant les rôles que vous chantez le plus souvent ?

Je ne pourrais pas continuer à chanter Donna Elvira sans fin si c'était toujours dans la même mise en scène. Je connais bien la mise en scène de Munich et elle est assez amusante. Elle se déroule au milieu des containers. Elvira débarque avec un sac à dos, en jeans et chaussures de marche, et elle campe, prépare sa soupe… Bref, tout cela n'a rien à voir avec la version de Kasper Holten. Au début j'étais un petit peu choquée et je me demandais ce que j'allais faire de ça. Puis, Elvira reste ce qu'elle est au fond, et l'histoire est la même quel que soit le contexte. Je trouve du reste que Don Giovanni est un opéra capable de supporter beaucoup de choses, y compris le camping gaz à l'entrée de Donna Elvira ! Pour certaines œuvres, l'adaptation peut être bien plus compliquée. J'ai dû participer à une centaine de Don Giovanni, toujours dans des cadres qui n'ont rien à voir les uns avec les autres, et le fait est que je parviens toujours à me situer. Mais cela dépend aussi de mes partenaires, et de multiples autres paramètres… Finalement, je suis prête à accepter beaucoup de choses si je suis convaincue et que ça convient au personnage que je joue. Dans le cas inverse, et cela arrive quelques fois, c'est plus problématique. Comment voulez-vous être convaincante lorsque vous n'êtes pas convaincue vous-même ? Ceci dit, je n'ai jamais eu besoin de dire "non" de façon vindicative, et je crois qu'il y a toujours moyen de discuter. À l'exception d'une fois, pour une reprise, où l'on m'avait montré une vidéo et demandé de faire comme la fille qui avait été filmée. Or la fille en question était toute petite et blonde, alors que je suis grande et brune ! On m'a alors mis une perruque blonde, comme sur la vidéo. Bien entendu, même ainsi, je ne correspondais pas à l'image souhaitée. La vérité est qu'on n'aurait pas dû m'engager pour cette production…
Il arrive aussi que les points de vue évoluent. Lorsque j'ai passé l'audition pour Don Giovanni avec Peter Brook, il m'a écoutée très gentiment et, à la fin, il m'a dit : "C'est formidable, mais je vois Elvira petite et blonde ! J'étais content de vous rencontrer mais ce ne sera pas possible…". Quelques mois plus tard, il m'a rappelée pour me dire : "Finalement, vous m'avez convaincu. Elvira, c'est vous, j'ai envie qu'elle soit comme vous". Tout cela pour dire que tout dépend aussi de ce que vous dégagez. Les metteurs en scène intelligents peuvent aussi modifier leur point de vue sur le personnage et s'adapter à vous.

 

Véronique Gens et le metteur en scène Robert Sandoz pendant une répétition de <i>La Belle Hélène</i> en septembre 2015 au Grand Théâtre de Genève.  © GTG/Carolie Parodi

De nombreux metteurs en scène viennent du théâtre. Voyez-vous cela comme positif ?

Cela peut parfois être compliqué car les chanteurs doivent compter avec quelque chose d'immuable : la musique. Dans le théâtre, il est possible de choisir son rythme. Dans l'opéra, le rythme est dicté par la musique et il faut faire avec. Nous sommes tributaires de cela et notre métier est de chanter. Lorsqu'un metteur en scène nous demande des choses improbables alors que nous devons chanter, il se rend compte que ça ne marche pas et revient en arrière. Par ailleurs, je pense que c'est une bonne chose pour les chanteurs que des gens de théâtre s'intéressent à l'opéra, car ils nous font jouer davantage. Or, de plus en plus, on nous demande de chanter et de jouer. On apprend toujours en travaillant avec ces metteurs en scène qui viennent du théâtre. Par exemple, Robert Sandoz, qui a monté La Belle Hélène à Genève, est surtout un homme de théâtre et il m'a beaucoup appris par rapport au rythme de la parole. Je n'avais jamais eu l'occasion d'explorer cet aspect en chantant Mozart. Je pense que de telles collaborations sont globalement positives, certes parfois peu évidentes, mais on trouve toujours des solutions.

Vous préparez Desdémone pour l'Opéra de Vienne. Comment envisagez-vous cette prise de rôle ?

Desdémone sera pour dans deux ans. J'en rêve depuis tant d'années ! Quand on m'a proposé ce rôle, je me suis dit que c'était maintenant ou jamais, et j'étais ravie. Lorsque j'ai passé mon Bac de musique, je suis tombée sur la Prière de Desdémone et j'ai alors pensé que, si je parvenais à être une chanteuse reconnue, c'était un rôle qu'il me faudrait chanter. Le personnage de Desdémone me touche et m'émeut beaucoup…
Un rôle comme celui-ci se travaille comme n'importe quel autre rôle d'opéra. Je m'assois au piano, je lis la partition et commence à chercher et à apprendre. Pour un opéra, le plus long et le plus fastidieux est d'apprendre tout par cœur. L'apprentissage peut être très irrégulier, on bute sur une partie, puis on la reprend un peu plus tard et ça se débloque. De plus, à part Falstaff, il faut dire que je ne fréquente pas beaucoup Verdi. Aussi, je vous avoue que je suis très excitée par ce projet, mais évidemment aussi totalement terrorisée parce que ce sera à l'Opéra de Vienne et que ce rôle a déjà été chanté par de très grandes interprètes. Mais je crois que, pour moi, le moment est venu. Par ailleurs, l'écriture du rôle de Desdémone correspond à ma tessiture. J'ai très envie d'essayer et, oui, je m'y prépare dès maintenant car ce sera un grand défi. Comme il s'agit d'une reprise, la période de répétitions sera très courte et il me faudra arriver très bien préparée…

 

Véronique Gens (Madame Lidoine) et Sandrine Piau (Sœur Constance) dans <i>Dialogues des carmélites</i> mis en scène par Olivier Py.  © TCE/Jean-Philippe Raibaud

En attendant, vous reprendrez bientôt le rôle de la Comtesse dans "Les Noces de Figaro"…

Le futur va me conduire beaucoup à Munich et à Vienne pour des reprises et, effectivement, ce sera tout d'abord pour la Comtesse des Noces de Figaro au Staatsoper de Vienne. Il s'agit de la mise en scène de Jean-Louis Martinoty, dans laquelle j'avais chanté avec René Jacobs au Théâtre des Champs-Élysées. J'ai beaucoup chanté cette Comtesse en Allemagne ces dernières années et je peux dire que j'aime beaucoup ce personnage même s'il me fait toujours très peur, car encore un peu compliqué pour moi sur le plan vocal. J'adore les ensembles de l'acte II des Noces, mais quand vient le "Dove sono" à l'acte III, la Comtesse a déjà absorbé les deux premiers actes et l'énergie est difficile à gérer. De plus, cet air est très difficile car il utilise une tessiture très délicate. Toutes les sopranos vous le confirmeront, on est sur le passage de la voix. De fait, je me détends seulement après cet air-là…

Une bonne condition physique est donc nécessaire pour la Comtesse…

Joseph Kaiser et Véronique Gens dans <i>Alceste</i> mis en scène par Christof Loy à Vienne.  © Wiener Staatsoper/Michael PöhnAbsolument, pour chanter la Comtesse, Desdémone, Vitellia ou même Donna Elvira, le chanteur se double d'un athlète de haut niveau, comme le répète constamment mon ostéopathe. Sur scène, quand vient le moment, j'ai besoin de pouvoir convoquer toute mon énergie, toutes mes forces, tous mes muscles et toute la tension qui est en moi comme si je m'apprêtais à courir une épreuve sportive. Cette nécessité de réponse à la fraction de seconde sous-entend qu'on se prépare à cela en veillant à ce qu'on mange, en dormant bien et en ayant une vie saine. Impossible d'y parvenir sans une véritable rigueur. Il est bien évident qu'il ne faut pas s'amuser à sortir constamment. Un jeune chanteur récupère plus vite, mais en avançant en âge, les chanteurs qui font des excès n'ont pas de très grandes carrières. Je suis persuadée que la rigueur et une vie monastique sont nécessaires si l'on veut pouvoir aborder de grands rôles et tenir au long des représentations. Pour chanter la série des douze représentations d'Alceste à l'Opéra de Paris la saison dernière, je devais en parallèle avoir une vie réglée, organisée, et ne surtout pas faire n'importe quoi. Bien sûr, il est toujours possible de chanter plus ou moins bien mais je ne me satisfais pas de la médiocrité. J'ai besoin de donner tout ce que je peux et faire du mieux possible. Cela peut me jouer des tours car je suis malheureuse quand je ne suis pas satisfaite par ce que j'ai produit. C'est même très dur à vivre, mais je suis ainsi faite.

Que pouvez-vous nous annoncer pour le futur ?

Il y aura tout d'abord ces Noces de Figaro fin novembre à Vienne et, pour décembre, je suis ravie à la perspective de chanter avec Jean-Claude Casadessus et l'Orchestre National de Lille. Ce sera pour un programme festif de fin d'année avec des valses de Vienne et Offenbach. Il y aura six représentations à partir du 16 décembre, dont trois à l'Auditorium du Nouveau Siècle, à Maubeuge, Carvin et Pernes en Artois. J'aime beaucoup travailler avec Jean-Claude Casadessus et cet orchestre. Jean-Claude est un compagnon de longue date et nous nous entendons bien, ce qui compte beaucoup pour moi face à ce répertoire d'opérettes auquel je ne suis pas très habituée.
En janvier 2016, je serai à Munich pour Don Giovanni, et Dante de Benjamin Godard, avant de le chanter à Versailles. Suivront Tourcoing, La Jacquerie de Lalo en mars, Didon et Énée au Théâtre des Champs-Élysées le 20 mars, avant un retour à Vienne pour La Clémence de Titus en mars/avril, et Deauville en mai. Je crois bien qu'il y a encore d'autres dates et je terminerai la saison par Alceste à Vienne en juin dans la production de Christof Loy déjà montée à Aix-en-Provence…

 

Propos recueillis par Philippe Banel
Le 10 novembre 2015
















Pour en savoir plus sur Véronique Gens :

www.veroniquegens.com

 

Mots-clés

Alceste
Don Giovanni
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