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Interview de Nicole Car, soprano et Étienne Dupuis, baryton

Nicole Car et Étienne Dupuis à Sydney.  © Yan BleneyC’est alors qu’ils chantent tous deux dans Don Giovanni au Palais Garnier que nous rencontrons la soprano Nicole Car et le baryton Étienne Dupuis. À cette occasion, lui fait ses débuts dans le rôle-titre, tandis qu’elle anime Donna Elvira de son talent et de sa classe… L’Opéra de Montréal ouvrira quelques mois plus tard sa saison avec le couple dans Eugène Onéguine, un opéra hautement symbolique pour les deux interprètes…

 

Tutti-magazine : Vous chantez actuellement tous les deux au Palais Garnier dans "Don Giovanni" mis en scène par Ivo van Hove. Comment vous sentez-vous dans cette production ?

Étienne Dupuis : Cette nouvelle production est totalement assise sur le talent d'Ivo van Hove qui signe son premier Don Giovanni. Quant à moi, il s'agit de la première fois que je chante le rôle-titre. Je suis donc arrivé en répétitions tel une feuille blanche. J'avais bien sûr appris la partition et j'avais bien quelques indices induits par la musique et le texte. Mais dès la rencontre avec Ivo, il était très clair que nous allions incarner des personnages très actuels et, surtout qui allaient appréhender le sérieux de chaque situation. Il ne s'agissait pas non plus d'écarter l'humour, mais il devait naître d'une situation vécue. Jouer "vrai" est pour moi une véritable passion. Dans la mesure du possible, j'aimerais même pour ainsi dire de ne pas "jouer". Cette approche d'Ivo, conjuguée à celle de Philippe Jordan qui est arrivé avec des options très précises, comme les blagues musicales courantes qui parcourent Don Giovanni, a abouti à une production très sympathique. Reste que, pour moi, la vérité du personnage que j'interprète prime. Or dans ce cas, il s'agit d'un être assez sociopathe !
Nicole Car : Je trouve la mise en scène formidable car Ivo van Hove est parvenu à proposer une production à la fois moderne et respectueuse de chaque phrase de l'opéra de Mozart. Il n'est aucunement moderne pour le plaisir de l'être mais, dans son travail, le texte porteur de sens reste bien au centre. Son approche est très intéressante, pour nous chanteur, car elle est humaine et nous offre la possibilité de caractériser chaque rôle sans fournir d'effort particulier pour que cela fonctionne dans la modernité du contexte. Toute l'approche d'Ivo se réfère au texte et à la musique, et absolument pas à une envie sans fondement. Ce n'est pas la première fois que je chante le rôle d'Elvira mais, naturellement, il est plus intéressant pour moi d'avoir Étienne comme partenaire. Par ailleurs, nous sommes entourés par une équipe formidable. Que ce soit le couple formé par Stanislas de Barbeyrac et Jacquelyn Wagner ou Elsa Dreisig face à Mikhail Timoshenko, la distribution fonctionne parfaitement et c'est un plaisir rare de pouvoir s'exprimer dans un ensemble aussi convaincant. Que ce soit en répétition ou en spectacle, nous éprouvons un plaisir sincère à nous retrouver. Si bien entourés, jouer devient facile.
Nicole Car : Quant à Philippe Sly, son Leporello m'intimidait presque lorsque nous avons commencé à répéter dans la mesure où, après avoir participé auparavant à deux grandes productions de Don Giovanni, il connaît l'opéra mieux que moi. Mais je me suis aperçu qu'avoir face à soi un Leporello expérimenté m'aidait à construire mon personnage.

 

Étienne Dupuis et Nicole Car répètent <i>Don Giovanni</i> à l’Opéra national de Paris.  © E. Bauer/OnP

Lorsque vous vous retrouvez distribués tous les deux dans le même spectacle, vous perçoit-on comme un couple ou comme deux chanteurs ?

Étienne Dupuis : Le regard sur notre couple est plutôt amusé, mais cela ne change rien.
Nicole Car : Il nous arrive d'en jouer et de nous saluer en disant par exemple : "Bonjour, cher collègue !".
Étienne Dupuis : Nous sommes très choyés. Pour autant, ni Nicole ni moi n'avons jamais poussé quiconque à nous engager ensemble. Mais il est clair qu'un engagement commun facilitera notre réponse. Cependant, nous recevons aussi des offres très tentantes qui ne nous concernent pas tous les deux. Il arrive même qu'une même maison nous réclame Nicole et moi, mais pas au même moment. Il y a parfois jusqu'à une année d'écart !
Nicole Car : Je crois pouvoir dire que nous sommes deux chanteurs assez similaires en ce sens que nous nous appuyons sur une sorte d'intuition et jouons beaucoup sur l'émotion. Nous nous rejoignons dans notre approche des rôles et dans notre façon de les interpréter.
Étienne Dupuis : De fait, si un directeur de casting apprécie l'un, il appréciera souvent l'autre. Nous avons en tout cas cette chance…

 

Nicole Car et Étienne Dupuis dans <i>Don Giovanni</i> sur la scène de l’Opéra national de Paris.  © Charles Duprat/OnP

Former un duo médiatique vous tente-t-il ?

Nicole Car : Pas vraiment, mais peut-être Étienne davantage…
Étienne Dupuis : Ce qui m'intéresse dans l'aspect médiatique c'est l'expression d'une forme d'Art qui peut sembler désuète pour bon nombre de gens. Des personnes qui ne connaissent pas l'opéra s'étonnent du métier que je fais. Pourtant, alors que de nombreuses salles de cinéma ferment, l'opéra est toujours là et propose des œuvres que l'on revisite régulièrement.
Nicole Car : Il est nécessaire d'adopter une démarche pédagogique pour que l'opéra continue à vivre. Lorsque j'observe de jeunes enfants ou des adultes qui découvrent l'opéra, il n'est pas rare qu'ils viennent à la sortie des artistes et disent : "C'est la première fois que je vois un opéra et c'est formidable !". Il est alors possible de voir dans leurs yeux une lueur assez spéciale… Il faut tout faire pour que les gens découvrent l'opéra. Libre ensuite à ce qu'ils continuent par eux-mêmes s'ils aiment. C'est le rôle des artistes de proposer des émotions différentes et de faire aimer l'opéra. Ensuite, le public dispose…
Étienne Dupuis : Hier soir, j'ai reçu une lettre qui a été écrite pendant l'entracte par une personne qui me dit en substance qu'elle ne restera pas à la seconde partie car ce Don Giovanni est raté, et que je n'ai rien compris au personnage. Alors que je lisais ce message, se tenait devant moi une jeune fille qui assistait au spectacle pour la troisième fois. Elle est étudiante en Province et n'en revient pas de sa première expérience d'opéra. Elle a d'abord vu ce Don Giovanni au cinéma en direct, puis elle a réussi à obtenir des places bon marché pour assister aux représentations. Avec des yeux pétillants, elle m'a regardé en disant : "Merci encore pour cette formidable soirée !". C'est une impression assez étrange de passer rapidement d'une réaction très critique à un témoignage chargé de reconnaissance, mais ça aide à garder les pieds sur terre.
Nicole Car : Ce sont les deux extrêmes et nous devons composer avec les deux. Nous ne pouvons pas nous dire que tous les spectateurs nous regardent avec des étoiles dans les yeux, mais pas non plus que tous sont en train de nous juger avant de nous envoyer au bûcher !

 

Nicole Car dans <i>La Bohème</i> au Metropolitan Opera en 2018.  © Marty Sohl/MetOpera

 

Nicole Car et Benjamin Bernheim dans <i>La Bohème</i> à l’OnP.  © Bernd Uhlig

Vous Nicole, avez chanté Mimi dans "La Bohème" mis en scène par Claus Guth. Cette production n'a pas fait l'unanimité au niveau de sa mise en scène. Comment ressentez-vous une telle situation somme toute assez courante ?

Nicole Car : Lorsqu'un chanteur arrive sur une production, il ne sait en général rien de l'intention du metteur en scène. Si, par malheur, l'approche ne le convainc pas, il lui est impossible de partir, ou alors c'est le scandale !
Dans le cas de cette Bohème, l'idée de Claus Guth était de transposer l'histoire dans un vaisseau spatial, et il a toujours répondu de façon sympathique à toutes les questions que je lui posais.
Dès lors, que dire d'autre que "parfait !" et de n'avoir de cesse de chercher à exprimer les vraies réalités de Mimi ou de Rodolfo.
À chaque représentation, le public huait la production, ce que je peux comprendre car cette approche moderne était proposée pour les Fêtes de Noël à Paris. Mais je dois dire aussi que cette mise en scène a également plu à certains spectateurs car je me rappelle très bien du plaisir que j'ai éprouvé lorsque l'un d'eux est venu me trouver à la fin de la représentation pour me dire qu'il avait beaucoup aimé…
Étienne Dupuis : Il arrive aussi que certains metteurs en scène que l'on interroge sur la justification d'un geste répondent : "C'est juste une image. Fais-le, c'est tout…". Or le chanteur a besoin de construire dans son imaginaire un chemin qui lui permet d'amener son personnage du lever de rideau à la fin de l'opéra. Le moindre changement de mise en scène peut avoir des répercussions sur la fluidité de ce chemin de vie et d'évolution du rôle que l'on chante. Cet aspect échappe parfois à certains metteurs en scène.

 

Elena Tsallagova et Étienne Dupuis dans <i>Pelléas et Mélissande</i> à l’Opéra national de Paris.  © Charles Duprat/OnP

Étienne, vous avez chanté Pelléas sans la mise en scène de Robert Wilson. Êtes-vous entré facilement dans cet univers à la gestuelle très contrôlée ?

Étienne Dupuis : Nous avons eu trois semaines et pas un jour de plus pour mémoriser cette mise en scène si précise et cela n'a pas été simple. À vrai dire, ce travail sur le personnage ne me correspond pas beaucoup car j'aime l'improvisation au point d'imaginer quasiment pouvoir improviser tout au long d'un opéra dès lors que les grandes lignes seraient bien définies. Je pense que pourraient naître ainsi de très belles choses, y compris dans le détail. Bob Wilson a une idée à la fois très belle, très précise et recherchée de l'Art. Par exemple, pour lui, l'histoire est ininterrompue, que le personnage soit en scène où non. Il doit entrer en scène, habité par tout ce qu'il est supposé avoir vécu avant ce moment. Autre exemple, l'écoute se fait beaucoup avec l'arrière de la tête. Or Robert Wilson souhaite non seulement placer dans sa mise en scène ce genre d'observation mais aussi la magnifier. Par des postures précises, il cherche à retrouver une dimension émotionnelle naturelle… Cet axe de travail est formidable mais j'aimerais pouvoir l'exprimer dans un cadre moins formaté. En revanche, je suis tout à fait partant, et cela rejoint Ivo, pour me débarrasser des gestes parasites des chanteurs comme la main ou les bras qui accompagnent un aigu, voire les pieds qui se soulèvent sur la demi-pointe lorsqu'il s'agit d'atteindre des notes hautes !

 

Lisette Oropesa et Étienne Dupuis dans <i>L’Élixir d’amour</i> à l’Opéra national de Paris.  © Guergana Damianova/OnP

Après avoir chanté successivement à l'Opéra national de Paris les rôles de Tatiana, Mimi, Micaëla et actuellement Elvira, pour vous Nicole, et Silvano, Oreste, Pelléas, Belcore et actuellement Don Giovanni, comment définissez-vous votre rapport avec cette maison d'opéra ?

Nicole Car : J'aime beaucoup l'Opéra de Paris et c'est pour cette raison que nous avons acheté un appartement dans la capitale. Nous connaissons les régisseurs et toutes les personnes qui œuvrent dans les coulisses. Tous ces gens aiment beaucoup l'opéra et sont particulièrement accueillants envers les chanteurs. Je ressens cela dès que commencent les répétitions. Il y a en France une tradition d'opéra bien plus ancrée qu'aux États-Unis ou en Australie, mon pays. La salle de l'Opéra Bastille, de par sa dimension, n'est pas la plus facile pour chanter, mais de l'habilleuse aux régisseurs, tous les gens qui travaillent avec les chanteurs les respectent. C'est une chose très importante pour moi car elle conditionne le plaisir que j'ai à chanter sur une scène ou pas.
Étienne Dupuis : La solitude fait partie de la vie de nombreux chanteurs, et il y a des endroits où l'on se sent moins seul. L'Opéra de Paris en fait partie. Lorsqu'on franchit la porte pour venir travailler, cette dimension familiale est bien présente. À chaque fois que je reviens, alors que chaque retour peut être séparé par nombreux mois, je suis heureux de revoir tout le monde comme si je rentrais à la maison. Ce sentiment vaut de l'or.
Nicole Car : Nous avons également eu la grande chance d'être tous les deux distribués à Paris dans plusieurs mêmes productions, et cela compte aussi beaucoup.

 

Nicole Car interprète Micaëla dans <i>Carmen</i> à l’Opéra national de Paris.  © Émilie Brouchon/OnP

Avez-vous chacun une manière spécifique de préparer un rôle ?

Nicole Car : J'aborde chaque rôle différemment. Tatiana m'a demandé un important travail pendant presqu'un an en raison de la langue russe. En Australie, c'est une langue que nous ne parlons pas et que nous n'entendons pas, et c'est dans mon pays d'origine que j'ai chanté ma première Tatiana. J'ai tant travaillé ce rôle que je crois pouvoir remplacer du jour au lendemain une chanteuse défaillante dans ce rôle qui est gravé en moi. Notre petit garçon Noah avait 2 mois et c'est aussi le premier rôle que j'ai chanté à Paris après ma grossesse. Mais depuis sa naissance, il est devenu plus difficile d'apprendre les rôles, faute de temps.
Étienne Dupuis : Il est vrai que Noah, à 2 ans et 4 mois, reste très attaché à sa maman. Quoi qu'entreprenne Nicole, il l'appelle constamment et elle est obligée d'interrompre ce qu'elle fait pour aller le voir. Les seuls moments de répit sont lorsqu'il fait sa sieste. C'est ainsi que j'ai appris le rôle de Don Giovanni, entre 14 h et 16 h chaque jour ! Nicole me donnait les réponses et nous avons avancé tous les deux, moi assis au piano. J'adore jouer et j'adore les instruments de musique au point que, si je le pouvais, j'aimerais tous les pratiquer.

 

Nicole Car et Étienne Dupuis dans <i>Eugène Onéguine</i> au Deutsche Oper Berlin en 2015.  © Bettina Stoss

Du 14 au 22 septembre l'Opéra de Montréal vous accueille en ouverture de saison pour "Eugène Onéguine" où vous chanterez Onéguine et Tatiana…

Étienne Dupuis : Eugène Onéguine est un peu spécial pour nous car c'est l'opéra sur lequel Nicole et moi nous sommes rencontrés il y a 4 ans. C'était à Berlin au Deutsche Oper, et nous avons à nouveau chanté dans cette production en mars dernier pour la dernière reprise. Les éléments de la production ont été détruits le lendemain de la dernière, ce qui était assez triste.
À Montréal, il ne s'agit pas d'une création mais d'une production assez traditionnelle mise en scène par Tomer Zvulun qui a déjà été montée dans plusieurs opéras américains. D'après ce que je sais, il devrait s'agir d'une production assez soignée. Nous ne devrions pas nous retrouver à manger des Corn-Flakes sur scène !
Nicole Car : Nous aurons la chance de travailler avec le chef d'orchestre Guillaume Tourniaire, qui est un ami. Il dirige à Genève, à La Fenice et à Sydney où je l'ai rencontré. Guillaume est un vrai passionné de musique également passionnant.
Étienne Dupuis : J'ai eu la chance de participer à une production de Thaïs qu'il dirigeait et je reste emballé par ce garçon longiligne pétri de musique. Je me rappelle en particulier de certains moments où il voulait obtenir de l'orchestre les sons les plus doux car il disparaissait quasiment derrière la partition. Son expressivité est assez unique. Je pense que sa présence à Montréal saura faire du bien à l'orchestre. Il saura apporter de la nuance là où l'on pêche souvent par puissance, à l'inverse de la France qui valorise la légèreté. L'équilibre entre les deux me semble donner les meilleurs résultats.

 

Étienne Dupuis dans <i>Les Feluettes</i> à Montréal en 2016.  © Yves Renaud

Étienne, vous avez été formé à l'Atelier Lyrique de l'Opéra de Montréal…

Étienne Dupuis : J'ai un très fort attachement avec cette maison d'opéra qui m'a fait beaucoup de cadeaux. Le premier de ces cadeaux était effectivement de rejoindre l'Atelier Lyrique qui m'a permis de commencer à gagner ma vie en apprenant à chanter. Ensuite, on m'a offert de magnifiques rôles dans Starmania, l'opéra, Pagliacci, La Bohème, Faust et Dead Men walking, un opéra extraordinaire qui a été créé en 1998 à San Francisco et qui est sans cesse donné aux États-Unis. Je garde un souvenir ému de cette production car, comme pour Don Giovanni, la distribution était parfaite. J'ai ensuite participé à deux créations, Les Feluettes et Another Break in the Wall, qui m'ont permis d'aborder des rôles formidables pour lesquels je bénéficiais de la confiance totale du directeur artistique. Avec l'Opéra de Montréal, on se connaît, on se respecte et on se fait confiance.

Nicole, dans votre parcours de jeune chanteuse, avez-vous aussi intégré une structure comme celle d'Étienne ?

Nicole Car : Absolument, j'ai fait partie du Young Artist Program de Sydney pendant 2 ans, entre 2011 et 2013. Cette structure m'a donné l'opportunité de chanter les grands rôles, ce qui est rare dans les ateliers lyriques. J'ai ainsi eu la possibilité d'interpréter Micaëla, qui a été un vrai coup du destin car la soprano qui devait chanter ce rôle venait d'accoucher et a préféré se retirer de la production pendant les répétitions. On est alors venu me trouver, et c'est avec ce rôle que j'ai fait mes débuts à 23 ans sur la scène de l'Opéra de Sydney. Puis on m'a confié Leila dans Les Pêcheurs de perles, Pamina, Mimi. En 2 ans, j'ai pu constituer un répertoire qui allait me permettre de me lancer.
Étienne Dupuis : La chance est un facteur important d'une carrière de chanteur.

 

Étienne Dupuis dans <i>La Bohème</i> au Metropolitan Opera en 2018.  © Marty Sohl/MetOpera

 

Nicole Car interprète Violetta dans <i>La Traviata</i> à l’Opéra de Marseille en 2018.  © Christian Dresse

La voix est en permanente évolution. Est-ce un sujet de préoccupation ?

Étienne Dupuis : On pourrait penser que je suis le mieux placé pour vous répondre étant donné que je suis plus âgé que Nicole, mais c'est elle qui a connu la plus importante évolution vocale dernièrement…
Nicole Car : Nous avions pensé que ma voix serait susceptible d'évoluer après la naissance de notre fils. Mais, pendant un an, rien ne s'est produit. En revanche, il y a eu de grands changements durant les 6 derniers mois. Mon ambitus est plus large et le médium s'est développé. Dans les années à venir, je pourrai sans doute aborder des rôles à la tessiture un peu plus large ou qui descendent un peu plus pour me rapprocher du répertoire de soprano spinto. Je chanterai d'ailleurs à partir du 14 novembre ma première Elisabetta dans Don Carlo de Verdi à l'Opéra Bastille. Cette option inquiétait quelque peu mon agent mais après m'avoir vue dans Elvira, ses doutes se sont envolés… Nous avons des contrats jusqu'en 2026 et il est très difficile de savoir si la voix sera toujours en phase avec les rôles pour lesquels nous avons signé. Je pourrai sans doute aborder Tosca plus tard, mais avec prudence…
Étienne Dupuis : Deux axes se conjuguent quant à l'évolution de la voix : tout d'abord la maturité, mais aussi le fait d'aller vers des rôles un peu plus lourds qui permettent au corps de se préparer. L'important est donc d'essayer de progresser avec des rôles qui prépareront cette évolution. Pour ma part, Marcello et Figaro ont jusqu’à récemment occupé 50 % de ma carrière. Puis j'ai chanté plusieurs Germont, et on commence à me proposer des opéras de Verdi un peu plus denses. Don Giovanni, à cet égard était un peu étrange car c'est le premier opéra de Mozart que l'on me confie. Je pense par ailleurs qu'il ne s'agit pas du rôle idéal pour un chanteur de 30 ans car il faut pouvoir apporter au personnage une ampleur qui vient avec la quarantaine.

Le rôle de Don Giovanni est donc arrivé à point nommé…

Étienne Dupuis : Sans doute, mais ce rôle a sans doute été le plus difficile à apprendre et celui qui m'a impressionné le plus. Mon premier Renato dans Un Bal masqué, il y a 2 ans, était pourtant énorme. Mais je n'y croyais pas. Il y avait trois représentations, et je prenais cela comme un test. Ce rôle descend très souvent dans les graves et je peinais à les nourrir de la projection que je souhaitais. J'ai en revanche une facilité à monter dans les aigus. Posa me convient mieux car il demande les mêmes notes hautes, sans les graves de Renato, lesquels seront sans doute plus accessibles dans quelques années… L'évolution de ma voix ne me fait pas peur dans la mesure où j'arrive toujours à sortir le la aigu. Tant que je conserve ces aigus, les graves peuvent arriver plus tard.

 

Étienne Dupuis débute dans le rôle-titre de <i>Don Giovanni</i> à l’Opéra national de Paris.  © Charles Duprat/OnP

 

Nicole Car.  © Georges Antoni

Comment se présente votre prochaine saison à tous les deux ?

Nicole Car : Outre Eugène Onéguine à Montréal et Don Carlo à Paris, je suis invitée à chanter Fiordiligi dans Cosi fan tutte au Met avec Luca Pisaroni et Gerald Finley.
Étienne Dupuis : Quant à moi, toujours au Met, je chanterai Albert dans Werther aux côtés de Joyce DiDonato et Piotr Beczala avec Yannick Nézet-Séguin dans la fosse. De quoi me sentir tout petit !
Après quoi nous chanterons tous les deux dans Thaïs au Deutsche Oper Berlin et Nicole terminera la saison avec Mimi à Covent Garden. Pour la petite histoire j'ai déjà chanté dans cette nouvelle production de La Bohème mais nous n'avons encore jamais été engagés ensemble à Londres…
Nicole Car : Avant de chanter à Covent Garden, je dois enregistrer un album de mélodies françaises. Connaissant la difficulté à sortir un tel disque aujourd'hui, je m'en réjouis particulièrement.

Pas de récital ?

Nicole Car : Mais si, bientôt et en Australie. Étienne et moi interpréterons des mélodies françaises en première partie, et nous développerons une thématique espagnole dans la seconde avec des compositeurs tels que Ravel, Massenet, Hahn, Duparc, Fauré et Gounod.
Nicole Car : Ce sera également l'occasion de créer une œuvre d'un compositeur de nos amis, Kevin March, qui nous permettra d'installer un pont entre les deux parties. Kevin avait composé Les Feluettes que j'ai créé à Montréal. Il vit en Australie et c'était l'occasion de lui demander une pièce. La musique que nous avons déjà reçue est très belle et nous sommes impatients de monter cette création avec notre pianiste Jayson Gilham…


Propos recueillis par Philippe Banel
Le 2 juillet 2019

Pour en savoir davantage sur l'actualité de Nicole Car :
http://www.nicolecar.com/

Retrouvez Étienne Dupuis sur Facebook :
https://www.facebook.com/etiennedupuisbaritone/

 

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