Tutti-magazine : La première fois que nous avons évoqué ensemble "Boréales", c'était en mai 2017 et vous nous aviez écrit : "le chemin est encore long jusqu'à l'enregistrement"…
Hermine Horiot : Je me souviens parfaitement de ce message. J'étais alors déjà bien engagée sur ce chemin, et plus précisément concentrée sur l'adaptation de la pièce d'Arvo Pärt Fratres. À cette époque nous étions en train de faire les premiers enregistrements en vue de la réalisation d'une maquette que nous pourrions envoyer au compositeur. En particulier, nous peaufinions la partie électronique de l'adaptation que nous voulions faire valider… Arvo Pärt a donné son accord et nous avons alors pu caler l'enregistrement du disque. Celui-ci s'est fait en plusieurs phases dans la mesure où je joue seule la majorité des pièces. Quant à Fratres, il a fallu rassembler à nouveau les instrumentistes en vue de l'enregistrement définitif.
L'accord d'Arvo Pärt quant à l'utilisation de votre adaptation de "Fratres" était-il incontournable pour que le disque existe ?
Un refus de sa part m'aurait en tout cas tourmentée car, si l'album aurait pu se faire sans cette pièce, elle a été pour moi le moteur de tout le reste. Je souhaitais consacrer ce nouveau disque aux compositeurs de l'Europe du Nord qui m'inspirent mais je n'avais pas d'idée très précise du programme, à l'exception de Fratres qui s'est imposé dès le départ. Je me suis compliqué la vie car ce n'est pas une pièce pour violoncelle seul ! Mais j'étais certaine de ce choix, et sans pour autant être une spécialiste de la musique électronique, j'imaginais ce que des sonorités synthétiques pourraient lui apporter…
Comment la pièce d'Arvo Pärt est-elle entrée dans votre vie ?
Il existe plusieurs versions de Fratres dont une avec instrument soliste - violon, alto ou violoncelle - construite en variations, avec orchestre et percussions, ou piano. C'est la version pour violon et orchestre que j'ai entendue pour la première fois à la radio alors que j'avais 16 ans. La façon dont j'ai reçu cette musique à la première écoute a été un choc assez indescriptible. Elle m'a hantée pendant plusieurs jours. Puis la vie a passé, j'ai fait mes études à Paris et suis passée à d'autres choses jusqu'à ce que cette pièce réapparaisse. Mon approche était jusque-là uniquement émotionnelle et j'ai alors commencé à m'y intéresser de très près, ainsi qu'à l'œuvre monumentale d'Arvo Pärt. Son univers m'a même obsédée à un certain moment. De fait, Fratres m'a portée pour l'élaboration du disque.
Votre affinité avec les compositeurs d'Europe du Nord est-elle exclusivement musicale ?
À la base de cette attirance, il y a beaucoup d'irrationnel. Avant même de commencer le violoncelle, à 4 ou 5 ans, j'étais fascinée par les contrées nordiques, les glaciers. Je suis née en Bourgogne, et dès qu'il y avait de la neige, je pouvais rester des heures à la fenêtre pour la regarder tomber. J'étais déjà sensible au silence ouaté lié à la neige. Cet univers n'avait rien à voir avec la musique mais il constituait un refuge silencieux dont j'avais besoin, et nourrissait mes rêves. À 6 ans, lorsque la musique est entrée dans ma vie, j'ai très vite essayé de reproduire le son du blizzard sur mon violoncelle en passant l'archet sur le chevalet…
Puis, au fil de mes expériences professionnelles, l'affinité avec la musique des compositeurs nordiques s'est affirmée. En particulier celle de Jean Sibelius, et plus tard le Concerto pour violon de Peteris Vasks que j'ai découvert et joué avec un immense plaisir avec l'ensemble Les Dissonances et David Grimal. Cette œuvre m'a aussi beaucoup marquée… D'instinct, ces expériences musicales se sont imposées à moi lorsque j'ai construit le programme du disque. Quant aux autres pièces, il s'agit de découvertes totales. Le répertoire du violoncelle est composé de nombreuses œuvres contemporaines. Or je n'étais pas du tout spécialisée dans ce répertoire. D'où cette découverte nécessaire en écoutant, en lisant des partitions et en me renseignant. Et puis j'ai choisi d'inclure dans mon programme les pièces qui me parlaient autant que le Thème & variations de Sibelius, une œuvre de jeunesse rarement jouée et la seule pièce du XIXe siècle figurant sur le disque, et les compositions de Vasks et Pärt que j'avais déjà sélectionnées. La construction a été longue car je voulais éviter à tout prix des choix stratégiques et, de fait, ces choix du cœur m'ont amenée vers des compositeurs encore assez confidentiels en France, pour la plupart. J'ai également passé commande à un jeune compositeur danois, Nicklas Schmidt, rencontré en 2015 lors d'un festival au Danemark. Ouvrir ce disque à la création, qui plus est celle d'un jeune compositeur, était important pour moi… Je n'avais pas encore beaucoup joué ces nouvelles pièces en concert et, en les entendant dans ma tête, je me suis efforcée d'aboutir à une cohérence que j'espère réussie. J'ai ensuite eu la possibilité de rôder ces musiques sur scène et cela m'a permis d'aborder l'enregistrement, riche de différentes expériences.
Dans le livret du disque, vous avez écrit "le programme m'est apparu, venu de loin et pourtant familier, comme la résurgence d'une mémoire souterraine". Votre précédent disque en duo avec le pianiste Ferenc Vizi porte le titre "Romance oubliée". Le passé et la mémoire semblent être des thèmes qui vous inspirent…
Il faut croire que oui. L'idée de résurgence est en tout cas très présente lorsque je découvre une musique ou que je la joue. Cela n'a rien à voir avec un sentiment de nostalgie facile vers lequel je me tourne systématiquement, mais plutôt une affinité avec les fraternités mystérieuses qu'il est possible de ressentir en écoutant certaines musiques. Je ressens alors qu'elles me relient à un passé lointain dont on n'a pas de réelle conscience. Le titre de mon premier disque, Romance oubliée, était celui de la pièce homonyme de Liszt qui avait été choisi en accord avec la nostalgie assez présente qui émanait du programme. Concernant Boréales, les musiques proposées sont modernes puisqu'il nous faut les définir ainsi, mais aussi plus intemporelles dans leur émanation. La musique d'Arvo Pärt nous donne le sentiment d'aoir pu être composée il y a des siècles, malgré une modernité absolue que l'on reçoit tout autant. C'est très troublant ! Et les autres pièces du disque possèdent aussi cette aura, chacune à leur manière. Toutes portent cette subtile intemporalité que je ne trouve pas nécessairement dans toute la production contemporaine. Alors suis-je attirée par une forme de passé ? Sans doute, mais davantage par un temps qui n'existe pas.
De quelle façon la musique vous parle-t-elle ?
Cela peut être très différent selon les musiques. Toutes celles choisies pour Boréales m'ont permis de partir dans un imaginaire qui m'habite depuis mon plus jeune âge. Ces pièces m'ont ainsi reconnectée à une façon très instinctive d'aborder la musique. Souvent, la musique dite "contemporaine" fait un peu peur, aux musiciens comme au public. Mais avec les pièces de ce programme, je n'ai jamais été face à une quelconque crainte, un peu comme si ces musiques et moi étions déjà en affinité. Quant aux retours de concerts et, maintenant, du disque, ils m'ont permis de savoir que l'auditeur fait la même expérience. Cela me rend très heureuse car, si le répertoire est susceptible de faire peur au premier abord, dès que la musique parle, l'appréhension s'efface. Certaines réactions sont parfois identiques à ce que je peux moi-même ressentir lorsque je joue. Il arrive aussi qu'elles me renvoient à mes propres sensations, lorsque je les ai découvertes. Dès lors, je pense que ces musiques permettent de façon assez universelle de transporter l'auditeur dans un univers proche du rêve éveillé.
Le fait est que j'ai pris beaucoup de temps pour préparer ce second album, bien plus que pour n'importe quel projet, mais ce temps m'a permis de m'immerger très profondément dans chacune des œuvres et m'a beaucoup apporté. Peut-être alors que cette longue infusion se ressent dans mon interprétation, et accentue la dimension onirique qui traverse ces musiques.
Vous avez enregistré "Fratres" avec le pianiste Gaspard Dehaene et le Quatuor Lumos auxquels se sont adjoints le violoncelliste Gauthier Broutin et Julien Podolak, qui a conçu l'adaptation acoustique et les sonorités électroniques que vous souhaitiez puis mixé le tout. Pouvez-vous nous parler de ces interprètes ?
La réunion de ces talents s'est faite en plusieurs étapes. Tout d'abord, il m'a fallu trouver un musicien ingénieur du son avec des connaissances en électronique, mais aussi ouvert à un tel projet et à même d'écrire les arrangements. J'ai alors fait la connaissance de Julien Podolak et nous avons beaucoup échangé afin de parvenir à rendre par les mots les couleurs sonores que j'avais en tête. Tout a ainsi commencé par une recherche sur ce que pouvait apporter l'électronique, et par un gros travail sur une partition qui paraît assez simple au premier abord mais dont il faut respecter la puissante construction. Notre but était de célébrer l'essence de Fratres et non de dénaturer cette pièce.
Julien a ensuite arrangé la partie de piano initiale pour la confier à un quintette à deux violoncelles et piano. Cette formation nous permettait une grande diversité de textures et les deux violoncelles, de doubler une sonorité ou, au contraire, de multiplier les timbres. Le piano apportait la dimension polyphonique initiale, mais aussi une forme de minéralité en réponse aux cordes.
Une fois la partition prête, j'ai fait appel à ces six musiciens qui sont d'abord des amis. Pour la plupart, nous avons fait nos études ensemble. Je connais Gaspard depuis très longtemps, et Gauthier Broutin est un collègue que j'apprécie beaucoup. Les violoncellistes se soutiennent généralement bien entre eux ! Quant au Quatuor Lumos, des instrumentistes qui sont eux aussi des amis, il était important de faire appel à un ensemble constitué afin de pouvoir avancer plus vite. J'étais ravie de pouvoir réunir tous ces musiciens et je leur suis reconnaissante de s'être investis autant dans mon projet.
Pour "Boréales" vous avez retrouvé l'ingénieure du son et directrice artistique Cécile Lenoir qui était déjà à vos côtés pour "Romance oubliée"…
Cécile Lenoir a également beaucoup porté le projet. J'étais tellement heureuse de notre collaboration sur mon premier disque que je ne me voyais pas faire appel à quelqu'un d'autre. Par bonheur, Cécile qui travaille sur de nombreux projets discographiques, était disponible. Nous avions créé une forme d'intimité cinq ans auparavant et je trouvais important de la retrouver, ayant moi-même évolué. Boréales est essentiellement constitué de pièces solistes. Je devais donc passer quatre jours en tête à tête et à huis clos avec quelqu'un. Devant un micro, l'interprète se sent un peu vulnérable, ce qui peut être positif. Mais, à côté, le rapport avec l'ingénieur du son doit être sain et loyal. Avec Cécile, c'est simplement formidable car elle sait faire preuve à la fois d'une infinie douceur et d'une grande exigence. De fait, les sessions d'enregistrement ont été très énergisantes et j'ai été portée par une vraie sérénité.
Il est vrai que nous avions pris le parti d'avoir du temps, mais cette option s'est avérée très précieuse car nous avons enregistré dans une petite chapelle parisienne extrêmement bruyante, à côté d'un hôpital et d'une école. Dès le premier jour nous avons noté les heures de récréations afin de nous organiser au mieux en fonction des pièces ! Ce précieux temps m'a aussi permis de beaucoup écouter les prises et de retenir déjà quelques choix de filages, notamment. En revanche Fratres a été enregistré un mois plus tard en une seule demi-journée. L'ambiance humaine était excellente, mais c'était définitivement plus sportif !
Quatre années séparent votre premier disque chez 1001 Notes, "Romance oubliée", de "Boréales", sorti en novembre dernier. Comment percevez-vous votre évolution d'instrumentiste et d'interprète entre ces deux étapes ?
Je pense avoir gagné en compréhension de ce dont j'ai vraiment besoin pour m'animer et m'exprimer. En me concentrant davantage sur certains projets, j'en laisse nécessairement d'autres de côté. Boréales était un projet que je qualifierais de viscéral et sur lequel je me suis concentrée exclusivement à certaines périodes. Je n'aurais peut-être pas eu ce comportement auparavant. Par ailleurs, je pense m'appliquer avec plus de soin à mener les projets qui me tiennent à cœur, comme la musique de chambre et le groupe constitué peu de temps après le premier disque, Smoking Josephine. En quelques années, ce projet s'épanouit parallèlement à mon besoin de construction qui m'éloigne de plus en plus d'une forme d'éparpillement. Ce choix de vie n'est pas nécessairement très stratégique à première vue, au sens où certains projets restent dans l'ombre parfois longtemps avant d'émerger, mais je fais ce que j'aime et ne pense pas pouvoir évoluer autrement.
Le lancement de l'album "Boréales" a eu lieu à Caen le 17 novembre, et un récital a suivi à Versailles le 8 janvier. Comment ce programme original a-t-il été reçu par le public ?
Les témoignages de personnes anonymes sont particulièrement nombreux, ce qui ne m'était encore jamais arrivé à ce point. Une vidéo de Fratres est visible sur YouTube ainsi que sur mon site, et les retours m'étonnent beaucoup. De même, les messages que je reçois via Facebook de gens que je ne connais pas me permettent de dire que le public est sensible à cette musique. Que ce soit à la fin des concerts, ou venant de personnes qui ont acheté le disque, je n'ai jamais connu de telles manifestations parfois très touchantes. Cela me rassure et me fait très plaisir car, si j'étais moi-même convaincue du bien-fondé du programme pendant l'élaboration de l'album, on me disait parfois que ce ne serait pas très vendeur et sans doute difficile d'approche… Tous ces témoignages d'après-concerts m'incitent à continuer sur cette lancée car ils expriment une vraie ferveur. Cette ferveur intérieure liée à l'écoute du public, je la ressens lorsque je joue ce programme pourtant long d'une heure et demie, dans la version violoncelle et électronique que nous avons imaginée peu après l'enregistrement.
En effet, des interludes électroniques crées par Julien viennent se glisser entre certaines pièces, et je joue sans discontinuer. En point d'orgue de ce voyage, Fratres vient alors réunir le violoncelle et l'électronique. Il n'y a donc pas de place pour les applaudissements. Pourtant, les gens ne décrochent pas, et même se laissent porter par ces musiques qui, en dépit des possibles appréhensions, ne méritent pas l'austérité qu'on leur prête.
Quel rapport physique entretenez-vous avec votre instrument ?
À la manière d'un couple dont les rapports changent en fonction des situations, le rapport que j'ai avec mon instrument peut varier selon les jours et les répertoires. Mais, à la base de ce rapport, il y a la compatibilité physique. Cela s'exprime aussi par la position que je trouve bien plus naturelle que pour le violon ou d'autres instruments. Tous les violoncellistes vous diront aimer ce rapport fusionnel avec leur instrument. Bien sûr, le jeu est souvent très physique et certaines œuvres peuvent pousser l'instrumentiste dans ses derniers retranchements. De telles situations invitent à la remise en question. Ceci dit, j'apprécie qu'il y ait parfois une sorte de résistance - soit je résiste à mon instrument, soit il me résiste - car cela peut donner quelque chose d'intéressant sur le plan musical. Je ne suis pas pour gommer toutes les tensions afin de faciliter le jeu. Bien sûr, pour travailler et durer, mieux vaut veiller à ne pas être tendu en permanence. Mais, par exemple, dans le programme de Boréales, certaines pièces sont très conflictuelles et demandent un investissement physique important. En concert, j'ai eu besoin de temps pour parvenir à un rapport équilibré avec l'instrument. Ce programme m'a beaucoup appris sur l'aspect physique de la pratique instrumentale en me demandant d'aller chercher en moi certaines aptitudes qui ne font pas partie des qualités premières avec lesquelles j'ai l'habitude de travailler instinctivement. Selon les pièces, j'ai donc appris à adapter mon jeu à certaines problématiques ou, au contraire, à aller droit au but tout en gardant à l'esprit qu'il faudra aller jusqu'au bout de la pièce. Par ailleurs, rien n'est jamais gagné et la pratique du récital solo me rend très humble car, qu'il s'agisse de Bach ou des compositeurs de l'Europe du Nord que j'affectionne, le meilleur comme le pire peuvent arriver et ce n'est jamais la même chose d'un récital à l'autre. Bien sûr, aucun concert ne se répète à l'identique, mais le récital solo, qui plus est avec un programme de pièces virtuoses et très exigeantes, accentue ce ressenti.
Vous jouez un violoncelle conçu pour vous en 2014 par le luthier suédois Peter Westerlund…
Effectivement, j'avais jusqu'alors la chance de jouer sur un très bel instrument qui m'était prêté. Moi-même, je ne possédais pas de violoncelle qui me convienne tout à fait, et, lorsque le prêt a logiquement pris fin, je me suis mise en quête d'un nouvel instrument. La lutherie moderne française propose un grand nombre de magnifiques instruments mais j'ai été cherché le mien en Suède ! Le fait est que j'avais entendu parler de Peter Westerlund et remarqué un de ses violoncelles mais, surtout, je savais pouvoir trouver chez lui une certaine approche de travail sur le vernis. J'aime les instruments modernes lorsqu'ils ressemblent à des instruments très anciens de type vénitien, avec un vernis sombre et chaud, et des craquelures. Je ne trouvais pas mon bonheur en France, raison pour laquelle je me suis adressée à ce luthier suédois. J'ai eu beaucoup de chance car Peter Westerlund est généralement très occupé, mais il a construit mon violoncelle en un été. J'ai ainsi suivi son évolution et suis allée le chercher au mois de novembre 2014.
Je ne doute pas que je pourrais trouver d'autres violoncelles avec lesquels je pourrais parfaitement m'exprimer. Cependant, faire construire son instrument est une démarche assez particulière dans la mesure où l'on assiste à sa naissance et qu'il est possible de suivre sa croissance. Un instrument évolue toujours, et en particulier dans ses premières années. C'est une très belle expérience d'y participer, en évoluant soi-même au fil de cette relation. Tout en sachant qu'il aura certainement plusieurs vies après moi !
Je garde d'ailleurs contact avec le luthier que je considère comme son "Cello Dad", et lui envoie des enregistrements de temps en temps. Je sais qu'il aime suivre la vie des instruments qu'il crée et je ne désespère pas de lui montrer un jour mon violoncelle après quelques années d'évolution. D'autant que j'adore la Suède et que j'adorerais y retourner… Quoi qu'il en soit, j'aime mon violoncelle qui est un modèle Montagnana avec de bonnes hanches. Cet instrument fait preuve d'une remarquable projection et possède un timbre boisé, avec une sorte de souffle rappelant certains instruments italiens. Après avoir joué des instruments plus nerveux, il m'a ouvert d'autres portes dans le travail de la matière en profondeur, sans pour autant se cabrer. Je dois dire aussi qu'un jeune et talentueux luthier, Sylvain Tournaire, rencontré peu après avoir rapporté l'instrument de Suède, parvient à faire de formidables réglages. Et lui est à Paris !
Parlez-nous de l'ensemble Smoking Josephine, dont vous faites partie aux côtés de Geneviève Laurenceau, Olivia Hugues ou Fanny Robilliard, Marie Chilemme et Laurene Durantel…
Cet ensemble tient une place centrale dans mon emploi du temps de violoncelliste. Tout est parti de l'impulsion de la violoniste Geneviève Laurenceau qui avait ce désir de monter un quintette avec contrebasse, et de le faire avec des femmes. Je pense qu'elle avait déjà quelques noms en tête et elle nous a rassemblées. À l'époque, nous nous connaissions déjà toutes, mais plus ou moins bien. Aujourd'hui, une vraie connivence a pris place entre nous. Notre but n'est pas de bousculer quoi que ce soit sur le fond ou sur la forme. Cependant, nous avons une façon bien à nous de nous retrouver et de travailler dans la mesure où Fabien Touchard et Nicolas Worms, deux compositeurs-arrangeurs très doués, font du sur-mesure pour notre ensemble, à partir d'œuvres qui ne sont pas écrites initialement pour cette formation. Dès lors, chaque instrumentiste a la possibilité de s'exprimer sur sa partie. Il est passionnant de prendre part à ce travail de haute couture totalement inédit, et de rechercher des pièces selon les thèmes de nos programmes. Lorsque nous choisissons des œuvres écrites pour orchestre ou piano solo et qu'elles sont adaptées pour notre formation, elles deviennent en quelque sorte uniques. Nous nous sommes également attaquées au tango, avec des arrangements inédits et des créations réalisées pour nous par Gustavo Beytelmann. Par ailleurs, nous sommes cinq femmes avec, pour chacune, une vie artistique extérieure à l'ensemble. Du reste, nous devons nous appuyer sur une solide organisation car il n'est pas toujours simple de nous réunir.
Notre prochain concert sera à Paris, au Bal Blomet, le 14 février. Nous donnerons notre premier programme Amours toujours que nous partirons enregistrer dès le lendemain à la Cité de la Musique de Soissons. Le disque doit sortir chez Naïve à la rentrée 2019.
Quels rendez-vous pouvez-vous annoncer…
Après l'enregistrement, suivront quelques concerts avec Smoking Josephine puis nous nous retrouverons pendant les mois d'été. D'autres concerts seront sans doute prévus pour accompagner la sortie du disque… Je compte également soutenir activement le programme Boréales dans sa version violoncelle et électronique jouée en live. Après une petite pause, je le reprendrai plusieurs fois avec Julien Podolak entre mai et août.
J'ai toujours préféré les petits comités en toutes circonstances, et mes choix professionnels s'en ressentent. Pour autant, je sors d'une magnifique tournée avec Les Dissonances, une formation avec laquelle une belle relation se poursuit sur la durée, et qui m'apporte énormément. J'aime aussi jouer avec orchestre, mais ma préférence va au récital et à la musique de chambre. Qu'il s'agisse d'un groupe constitué ou de collaborations ponctuelles avec des musiciens que j'aime, je ne pourrais pas m'en passer. J'aimerais aussi fonder un quatuor à cordes, riche de toutes mes expériences de ces dernières années. C'est d'ailleurs en cours. Je crois que cette période de ma vie est idéale pour redécouvrir ce genre absolu que représente la musique de chambre…
Propos recueillis par Philippe Banel
Le 18 janvier 2019
Pour en savoir plus sur l'actualité de Hermine Horiot :
www.herminehoriot.fr