Interviews

Interview de Christian-Pierre La Marca, violoncelliste

Christian-Pierre La Marca.  © Laurent SpellerAvec Cantus, son troisième disque chez Sony Classical, le violoncelliste Christian-Pierre La Marca place sa sensibilité musicale et sa maîtrise du son au service de pages de Bach, Fauré, Taverner et Piazzolla, parmi d'autres compositeurs. Thierry Escaich, Alexis Kossenko et Les Ambassadeurs, Patricia Petibon, Philippe Jaroussky et Adrien La Marca sont invités à participer à ce projet nourri de longue date par le jeune musicien.

 

Tutti-magazine : À propos de l'enregistrement de votre disque "Cantus", vous dites en substance dans le livret : "Ce fut une grande aventure réalisée avec beaucoup de bonheur et d'exigence"…

Christian-Pierre La Marca : Lorsqu'on enregistre, je crois que le bonheur se doit d'être présent. Mais l'interprète le partage avec bien d'autres sentiments. Par exemple, l'excitation liée au fait de pouvoir enregistrer quand il s'agit de l'aboutissement de nombreuses discussions et de problèmes résolus avec patience et parfois peine. Vient aussi forcément le difficile moment où vous êtes confronté à vous-même devant un micro qui donne à entendre chaque détail de votre jeu et vous pousse à la perfection. Lorsque je fais un disque mon envie est de toucher le Graal, de repousser la frontière de tous les possibles. Placer ainsi la barre très haut me pousse à livrer quelque chose de fort.
Je sais aussi que si j'enregistre sans bonheur, le résultat sera beaucoup moins porteur de vie. Or je ne désire aucunement aboutir à un résultat aseptisé. Je pars donc toujours du principe qu'il me faut travailler dans un contexte humain de qualité pour pouvoir donner le meilleur de moi-même. Certains moments à venir seront très difficiles. Lorsque je me retrouve face à moi et que j'enregistre, je passe toujours par des phases de quasi-désespoir où j'ai l'impression que je ne parviendrai jamais à vaincre les difficultés qui se présentent. Sans doute de nombreux artistes connaissent-ils ce moment où l'on a envie d'exprimer une dimension sans pouvoir y parvenir ! Il faut parfois ne pas trop s'acharner et savoir se calmer. C'est aussi en cela que se situe pour moi le bonheur d'avoir fait ce disque car j'étais entouré par des gens que j'aime. Lorsque le moral flanchait, ils étaient présents à côté de moi.

Vous avez enregistré dans deux lieux différents : en juillet dernier à la Salle Colonne, et environ 2 mois après à l'église d'Auvers-sur-Oise. Au-delà du contraste désiré était-il facile de maintenir la continuité de l'inspiration, la complémentarité de son, et de préserver la fluidité du déroulement de votre programme ?

Ces questions se sont bien sûr posées. Enregistrer dans deux lieux différents était nécessaire en raison de la présence de l'orgue. L'instrument d'Auvers-sur-Oise est absolument magnifique et sa sonorité est extraordinaire. Qui plus est, de ce lieu émanait une haute source d'inspiration pour la musique que nous devions enregistrer… Personnellement, je trouve l'alternance des lieux de captation assez réussie sur le disque car, justement, la différence d'acoustique n'est pas trop marquée et l'auditeur n'a jamais la sensation d'être perdu dans une réverbération d'église non contrôlée. Nous n'avons pas enregistré les mêmes formations dans les deux lieux car il ne s'agissait pas non plus du même répertoire. À Auvers-sur-Oise, j'avais l'impression de me retrouver comme dans un cocon avec les deux chanteurs et Thierry Escaich. Cette formation était assez familiale, quasi artisanale, et la lumière qui filtrait par les vitraux a accompagné les sessions en nous inspirant. Je suis fasciné par la peinture de Van Gogh. Aussi, me retrouver dans son église ajoutait aux sensations. Faire naître ce projet de disque si important pour moi dans cette église apportait une dimension très symbolique. Pourtant, rien de tout cela n'était prémédité. Tout est venu à moi.
Pour enregistrer avec l'autre formation, Les Ambassadeurs, nous avions besoin d'espace et la Salle Colonne offrait une superbe acoustique. Nous nous y sommes vraiment bien sentis pour travailler. De fait, les deux lieux, chacun avec leur qualité et leur ambiance, étaient très complémentaires.

 

Christian-Pierre La Marca enregistre à l'église d'Auvers-sur-Oise.

Parlez-nous de votre collaboration avec Les Ambassadeurs…

Christian-Pierre La Marca enregistre <i>Cantus</i> à la Salle Colonne en juillet 2015.Depuis assez longtemps, je suis fasciné par ce que Les Ambassadeurs proposent. Je connais Alexis Kossenko depuis au moins 15 ans. Dans la première production qui nous a rassemblés, il était flûtiste et c'était au Festival d'Aix-en-Provence. Je devais avoir 18 ans, nous étions solistes tous les deux, et nous avons fait ensuite pas mal de tournées ensemble. Notre amitié est partie de là et nous nous sommes toujours suivis musicalement sans toutefois retravailler ensemble. Alexis a dirigé un ensemble de chambre, puis il a monté Les Ambassadeurs. J'ai adoré le programme Rameau qu'il a enregistré avec Sabine Devieilhe. Je crois que lui et moi partageons la même exigence, et c'est elle qui nous rassemble. Alexis est capable de jouer d'une soixantaine de flûtes, de toutes origines et d'époques. Il possède une connaissance énorme des répertoires et des styles. Pour le leader d'un ensemble, ce sont de magnifiques atouts. En nous dirigeant, il m'a énormément guidé et m'a beaucoup appris. L'enregistrement de Cantus a été l'occasion d'un véritable échange.
Quant aux musiciens des Ambassadeurs, je les perçois un peu comme des caméléons. Bien sûr, il s'agit d'un ensemble spécialisé dans le répertoire baroque, mais pour interpréter Barber, les musiciens sont passés à des instruments modernes avec le même bonheur. Ils ont su apporter une sorte de pureté aux œuvres que nous avons enregistrées, sans toutefois tomber dans le pathos que je voulais absolument éviter.

Le fait que Les Ambassadeurs soit une formation habituée à accompagner la voix était-il un aspect important de cette collaboration ?

Pour ce disque, il était indispensable que les musiciens soient non seulement habitués à l'instrument "voix" mais aussi fassent preuve d'une vraie flexibilité. Lors des échanges purement instrumentaux, il m'est arrivé d'avoir l'impression que, tant Alexis que moi, dirigions l'ensemble pour le mener là où nous voulions aller, chacun pouvant tenir sa place.

 

Christian-Pierre La Marca enregistre son album <i>Cantus</i> avec l'ensemble Les Ambassadeurs dirigé par Alexis Kossenko à la Salle Colonne.

La voix semble vous inspirer beaucoup comme en témoigne votre premier disque chez Sony Classical, "L'Heure exquise", que vous avez enregistré avec Amandine Savary…

J'ai chanté assez longtemps dans des chœurs d'enfants. Le projet Cantus est né de la musique sacrée dans laquelle j'ai beaucoup baigné lorsque j'étais très jeune. J'ai grandi en conservant cette attirance pour ce style de musique en pensant que, par le répertoire sacré, les compositeurs parvenaient à exceller. Comme si une instance divine les inspirait et leur permettait de donner le meilleur d'eux-mêmes.
Par ailleurs, en tant que violoncelliste, j'ai toujours été fasciné par la voix et j'essaye toujours de faire chanter mon instrument. La voix est mon guide ultime car elle représente le modèle de son le plus naturel. Sans doute est-ce là une conséquence directe de l'enseignement que j'ai reçu. "Il faut chanter cette phrase" est un conseil que j'ai entendu très souvent. Mon extrême sensibilité au son a fait le reste. Pour l'instrument ou le chanteur, le son ou la voix sont semblables et signent la personnalité de l'interprète. Les chanteurs ont une colonne d'air à gérer. Face à son instrument, le violoncelliste gère son archet de la même façon. Le vibrato est une notion également assez semblable que partagent la voix et le son du violoncelle. La seule différence réside dans le texte pour le chanteur, quoique pour un musicien, la diction est en quelque sorte l'articulation. Lorsque j'ai enregistré L'Heure exquise, j'ai justement essayé de faire passer le message des mots agent des mélodies pour voix que je jouais au violoncelle. Pour cela il faut utiliser tous les moyens à sa disposition et mettre en valeur la musique au maximum. À propos des Suites de Bach que j'ai enregistrées ensuite, je suis certain qu'il existe aussi un rapport à la vocalité. Les Sarabandes, si elles ne chantent pas, sont rarement très belles car trop lisses.
Le rapport du chanteur à sa voix est aussi quelque chose qui me fascine. Le violoncelliste est en partie caché par son instrument, alors que le chanteur se retrouve complètement à nu et doit savoir gérer ses émotions.

 

Christian-Pierre La Marca et Thierry Escaich en concert.

Vous tirez donc votre inspiration du texte…

Absolument. Prenez La Passion selon Saint Matthieu, dans "Erbarme dich, Mein Got", les mots "Mein Got" reviennent à plusieurs reprises. Je ne pouvais absolument pas jouer cela legato mais, au contraire, respecter le côté syllabique du texte original. Je m'efforce de rendre cette articulation la plus poignante possible. J'ai mené toute une recherche dans cet axe, et la plupart des remarques d'Alexis sur l'analyse du texte ont été très pertinentes. Pour autant, dans la musique sacrée, le texte en latin peut devenir anecdotique ou échapper à la perception du public en raison des répétitions. La musique, pour moi, est là pour restituer le sens.
Cette préparation et ce travail sur le sens que la musique doit véhiculer me prennent beaucoup de temps car je m'efforce parallèlement de rester fidèle à l'architecture des phrases de la musique tout en étant vigilant à l'harmonie, aux tensions et aux détentes. Bien sûr, pour certaines œuvres contemporaines, mon approche pourra être différente, mais je n'ai aucun mal à m'adapter.

En quoi consistent les adaptations présentes dans le programme de votre album "Cantus" ?

Lorsque les gens reçoivent ce disque, avant de l'écouter, ils peuvent avoir l'impression qu'il s'agit d'un pot-pourri à base de transcriptions. Je le regrette car tel n'est absolument pas le cas. Par "adaptation" j'entends le fait de confier au violoncelle ce qui est à l'origine écrit pour la voix. Aucune pièce n'a été transposée et nous avons souhaité rester les plus fidèles possible au texte original. J'avais fait de même pour mon premier disque de mélodies en jouant la ligne de chant sans aucune retouche ou transposition.
Les seules pièces "transcrites" pour ensemble instrumental l'ont été par Samuel Strouk : le "Pie Jesu" du Requiem de Fauré a été adapté à la taille de la formation avec laquelle nous avons enregistré, ainsi que "Funeral Ikos" de Tavener et l' "Adagio" de Barber, qui sont à l'origine deux pièces vocales. Pour la pièce de Barber, la version pour quatuor à cordes se retrouve ici jouée par le violoncelle principal. Mais pour la transcription, nous ne sommes pas partis du quatuor mais de l' "Agnus Dei" pour chœur.

Nicolas Barholomée était votre directeur artistique. Comment avez-vous travaillé avec lui ?

C'est la première fois que je travaillais avec Nicolas Bartholomée et les gens de son équipe, Maximilien Ciup et Clément Rousset. Nicolas sait parfaitement ce qu'il pourra produire après l'enregistrement. Il positionne ses micros, on fait quelques essais, mais tout va finalement généralement assez vite car il connaît parfaitement son métier. Sur le plan de la direction artistique, il laisse le choix au musicien quant à ses options interprétatives. Sans doute certains artistes apprécient d'être pilotés quand d'autres préfèrent être libres. Quant à moi, tout dépend du répertoire. Par exemple, pour la création de Thierry Escaich, j'avais davantage besoin d'être guidé car la mise en place était très complexe. La présence d'une personne experte permet alors de gagner du temps. À certains moments, Nicolas sentait que nous avancions dans une bonne direction et nous encourageait alors à continuer. À d'autres, il laissait faire totalement. Mais je tiens à dire une chose : au final, je trouve la qualité sonore de ce disque remarquable. Pourtant, les différents lieux et les variations d'effectifs représentaient un véritable challenge sur le plan de l'équilibre.

 

Le Violoncelle de Christian-Pierre La Marca.

Thierry Escaich a composé la pièce "Enluminure" pour votre disque…

Thierry Escaich à l'orgue Bernard Hurvy de l'église d'Auvers-sur-Oise.

"Enluminure" est effectivement une commande pour le disque. Une pièce contemporaine me semblait idéale pour boucler le programme de façon cohérente : nous partions d'Allegri pour arriver à Escaich. Thierry est un ami et j'adore sa musique. Cela fait 10 ans que je la joue, et nous travaillons sur d'autres projets pour le futur. Depuis 6 ans, nous faisons beaucoup de concerts orgue/violoncelle ensemble. J'ai beaucoup défendu sa pièce "Cantus 1" pour violoncelle seul, qui est une magnifique pièce en forme de passacaille. Il souhaitait depuis longtemps travailler avec Patricia Petibon et, dans "Enluminure", cette présence vocale permet de jouer avec les extrêmes, de détacher un peu mieux le violoncelle tout en le rendant plus virtuose. La voix intervient par vague au dessus. La partie confiée à l'orgue est également très virtuose, mais Thierry maîtrise parfaitement l'instrument. Je lui ai laissé carte blanche sur ses choix et je trouve que sa composition est une très grande réussite.

 

Un certain nombre d'artistes ont été invités à participer à votre disque. Représentent-ils des choix personnels ?

Tous les artistes qui ont collaboré à ce disque sont des choix délibérés de ma part. Sans doute certaines personnes pensent-elles à des arrangements marketing, ou que la maison de disques a voulu en mettre plein la vue. Je peux répondre une seule chose : tous ces artistes représentent ma famille musicale. Comme je vous l'ai dit, Thierry Escaich est entré dans ma vie de musicien il y a longtemps. Patricia Petibon avait déjà participé à mon premier disque, nous avons fait pas mal de concerts ensemble, et j'ai eu le plaisir de jouer à ses côtés pour son album La Belle excentrique paru chez Deutsche Grammophon. De la même façon, je connais Philippe Jaroussky depuis longtemps, et nous avons aussi fait de nombreux concerts ensemble. Tous ces artistes sont réellement des amis auxquels je suis lié de façon très sincère. Par ailleurs, réunir ces artistes qui sont liés par contrat d'exclusivité à d'autres maisons de disques que la mienne s'est avéré très complexe. J'ai dû moi-même gérer un certain nombre de problématiques. Si je suis aujourd'hui si heureux que ce disque sorte comme je le souhaitais, c'est aussi parce que j'ai réussi à réunir tous ces musiciens autour de moi. Ce projet a mis 10 ans à se faire. Je le portais en moi avant même de signer chez Sony Classical…

 

Christian-Pierre La Marca photographié par Laurent Speller.  © Sony Classical

Vous présentez votre disque comme une invitation à l'introspection et à la méditation. Ces valeurs correspondent-elles à celles de votre instrument ?

Mon désir était de proposer une sélection de musiques qui vont à l'essentiel et qui touchent la sensibilité sans forcément avoir de lien avec un rapport divin. Pour autant, la musique sacrée a toujours été présente dans ma vie. Par sa force incroyable, elle m'a même aidé à traverser certaines périodes difficiles… J'aimerais que les gens qui écoutent ce programme s'approprient cette musique et qu'elle les incite à prendre de la hauteur sur eux-mêmes, sur la vie… J'ai également essayé au maximum d'ouvrir le programme et, parfois, de surprendre. Au concert comme au disque, il est du devoir du musicien de prendre les gens par la main pour les aider à découvrir d'autres choses.
Quant au violoncelle, c'est un instrument qui ne se limite pas à l'introspection. Il est même capable de nombreuses autres expressions. Je reconnais que le son de mon instrument, comme l'alto, favorise un état méditatif, mais tout est en réalité fonction de répertoire. Je vais très bientôt jouer le Concerto pour violoncelle de Dvorak et là, il ne s'agit absolument pas de la même histoire.

Vos trois premiers disques s'inscrivent dans l'esprit chambriste. Avez-vous envie d'enregistrer un jour des pièces romantiques avec orchestre symphonique ?

J'adorerais enregistrer avec un grand orchestre. Je n'ai pas encore arrêté de choix sur un concerto en particulier mais je pense que ce sera une étape importante. Mais enregistrer avec orchestre est devenu vraiment difficile car les contraintes économiques sont énormes et la rentabilité du disque est le plus souvent totalement hasardeuse. Jusque-là, j'ai pris le temps de me consacrer à des projets assez ouverts mais, de fait, j'aimerais revenir au répertoire. Je ne sais pas si je pourrai enregistrer un concerto avec orchestre prochainement, mais par l'orientation que je vais prendre, je ne désespère pas d'y parvenir.

Avec votre frère Adrien, vous partagez la direction artistique du Festival de Pommiers ?

Nous travaillons en ce moment sur la prochaine saison et je ne vous cache pas que c'est difficile. La plupart des festivals souffrent de coupes sombres dans leur financement. Cependant, en me retournant sur nos 2 ans d'existence, je suis surpris par tout ce que nous avons pu réaliser sans même nous en rendre compte.
Mon frère et moi n'avions aucunement prémédité la création de ce festival. Notre père avait initié ce projet quasi familial et comptait s'en charger pendant sa retraite. Malheureusement, il nous a quittés il y a 3 ans. Nous avons alors pensé que, sur la base des premières pierres qu'il avait posées, prendre la relève serait un moyen de lui rendre hommage chaque année, mais aussi de nous retrouver autour de ce projet qui était le sien. Ce sentiment nous semblait beau et assez profond. Nous nous sommes donc mis au travail, et je peux témoigner aujourd'hui que s'occuper d'un festival n'est pas une mince affaire. Grâce aux artistes de premier plan qui nous ont fait confiance, nous avons pu rapidement crédibiliser notre action. Pourtant, lorsque nous avons commencé, nous n'avions aucun moyen.
Pour autant, si l'aspect financier est important, je crois que l'essentiel réside dans la cohésion artistique de ce que nous proposons. Nous essayons aussi d'ouvrir au maximum notre festival. Par exemple, il y a toujours un dimanche matin très familial placé sous le signe de "J'aime pas le classique mais ça j'adore". Il s'agit du concept des compilations de Sony, mais retravaillé pour le concert. Ce concert attire énormément d'enfants et ensuite, ce qui est très important, ils viennent assister à d'autres concerts… Nous proposons aussi des résidences aux compositeurs. Cette année, Thierry Escaich sera présent pour le premier week-end, et le second sera celui de Philippe Hersant. C'est une chance de pouvoir montrer au public que la musique, c'est aussi des compositeurs bien vivants. Nous créons aussi des passerelles entre les genres et, avec "Les Clés du concert", le public est libre de poser les questions qu'il souhaite autour d'une thématique exposée par l'intervenant… De nombreux jeunes musiciens viennent jouer. Parfois, les mentors ne sont pas très loin. C'est un festival de jeunes.

 

Christian-Pierre La Marca.  © Anelore Rivera

Comment s'annonce votre avenir de musicien à moyen terme ?

Je viens de franchir une étape très importante dans ma vie d'interprète il y a une semaine en jouant Messagesquisse de Pierre Boulez à Mulhouse sous la direction de Cyril Diederich. Cette pièce est redoutable, sans doute parmi les œuvres les plus difficiles écrites pour le violoncelle. Je devais la travailler avec Boulez en janvier dernier, ce dont je me réjouissais énormément. Puis sa santé a décliné, et il nous a quittés… Mais il est difficile de dire combien je suis heureux d'avoir réussi à ajouter cette pièce à mon répertoire. Je compte bien la défendre dans le futur.
Une des prochaines étapes qui m'attendent est le Concerto pour violoncelle d'Henri Dutilleux, un des plus beaux concertos pour l'instrument.

 

Christian-Pierre La Marca photographié par Laurent Speller.  © Sony Classical

Pensez-vous votre carrière en termes d'œuvres ?

Les œuvres peuvent être des objectifs dès lors que j'ai vraiment envie de les jouer. Le Concerto de Dutilleux est une pièce que j'ai travaillée lorsque j'étais au Conservatoire. L'objectif est maintenant de parvenir à l'interpréter… Pour le reste, il est difficile de planifier une carrière car de nombreux paramètres entrent en ligne de compte et échappent à l'interprète, quel que soit son désir. Je suis musicien et mon métier est de faire de la musique. Je me recentre toujours sur ce que je suis capable de faire et sur mes envies. Face à certaines pièces, je ne me sens pas mûr ou je pense que d'autres musiciens ont fait si bien que je n'ai pas forcément envie d'y toucher. Pour Messagesquisse, c'était un point qui me tracassait car Jean-Guihen Queyras en a donné une très belle interprétation. J'étais entré en contact avec lui et il m'avait alors dit : "C'est la pièce la plus difficile que j'ai eue à jouer. J'ai mis 11 mois à l'apprendre à raison de 4 heures par jour. Malgré cela, je n'y arrivais pas…". De mon côté, j'avais seulement 3 mois pour la préparer et, croyez-moi, je me suis activé en investissant tout mon temps pour y parvenir. C'était un vrai défi pour moi.

Des concerts à nous annoncer ?

Je me réjouis de retourner en Australie avec mon Trio* où une très belle tournée nous attend dans ce pays que j'aime beaucoup. Parallèlement aux concerts avec ma formation, je jouerai également en récital. Nous participerons aussi à un festival en fin de tournée.
Au mois de novembre, je jouerai le Triple concerto pour piano, violon et violoncelle de Beethoven avec l'Orchestre National de France… Plusieurs salles parisiennes vont m'accueillir prochainement : Radio France, le Musée d'Orsay, le Musée du Louvre. Pour Pâques 2017, je suis invité au Festival d'Aix-en-Provence…
* Le Trio Dali est formé par la pianiste Amandine Savari, le violoniste Jack Liebeck et le violoncelliste Christian-Pierre La Marca.

Comment souhaitez-vous conclure cet entretien ?

Je mesure ma chance d'avoir pu réaliser un projet aussi complexe que Cantus. De même, j'ai cette chance d'avoir une vie de musicien équilibrée entre la pratique de la musique de chambre à haut niveau avec un ensemble et, parallèlement, le développement d'une carrière de soliste. C'est naturellement aussi beaucoup de travail. Pourtant, je regrette que la France aime à ce point étiqueter les artistes. Faire de la musique de chambre est parfois perçu comme une démarche "à l'ancienne" et, souvent aussi, comme une activité qui m’empêcherait de m'exprimer en soliste. Avoir du succès dans un répertoire vous enferme souvent sur ce qui est en découle. Comme si un musicien ne pouvait être ouvert à plusieurs répertoires, à divers langages musicaux, et se montrer parfaitement à l'aise tant dans une formation chambriste qu'en jouant en soliste avec un orchestre. Ces cases sont très présentes en France, bien plus que dans d'autres pays. Ne serait-ce pas un axe d'évolution intéressant que de mettre fin à ces a priori qui nous empêchent de nous exprimer ?


Propos recueillis par Philippe Banel
Le 17 mars 2016



Pour en savoir plus sur Christian-Pierre La Marca :

http://www.christianpierrelamarca.com/

 

 

Pour commander l'album <i>L'heure exquise</i> de Christian-Pierre La Marca et Amandine Savary paru chez Sony Classical, cliquer ICIPour commander le double-CD de l'intégrale des <i>Suite pour violoncelle</i> de Bach par Christian-Pierre La Marca paru chez Vogue, cliquer ICIPour commander l'album <i>Cantus</i> de Christian-Pierre La Marca paru chez Sony Classical, cliquer ICI

Mots-clés

Adrien La Marca
Alexis Kossenko
Christian-Pierre La Marca
Les Ambassadeurs
Nicolas Bartholomée
Patricia Petibon
Philippe Jaroussky
Thierry Escaich

Index des mots-clés

Vidéo

Christian-Pierre La Marca - Cantus

Imprimer cette page

Imprimer

Envoyer cette page à un(e) ami(e)

Envoyer

Tutti Ovation
Wozzeck mis en scène par Andreas Homoki - Tutti Ovation
Saul mis en scène par Barrie Kosky à Glyndebourne, Tutti Ovation
Adam's Passion d'Arvo Pärt mis en scène par Robert Wilson - Tutti Ovation
L'Elixir d'amour - Baden-Baden 2012 - Tutti Ovation
Les Maîtres chanteurs de Nuremberg - Salzbourg 2013 - Tutti Ovation

Se connecter

S'identifier

 

Mot de passe oublié ?

 

Vous n'êtes pas encore inscrit ?

Inscrivez-vous

Fermer

logoCe texte est la propriété de Tutti Magazine. Toute reproduction en tout ou partie est interdite quel que soit le support sans autorisation écrite de Tutti Magazine. Article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle.