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Interview de Chantal Thomas, décoratrice

Chantal Thomas.  © Matthieu Csech

 

Après Platée, Les Sept Péchés capitaux, Ariane à Naxos, L’Élixir d’amour, Giulio Cesare et La Fille du régiment à l'Opéra de Paris, la décoratrice Chantal Thomas signe les décors de la nouvelle production de l'opéra de Bellini Les Puritains, mis en scène par Laurent Pelly à l'Opéra Bastille. Elle nous parle de son approche du décor d'opéra, de sa façon de travailler, de son inspiration qui a donné naissance à cette belle structure métallique montée sur une tournette qui participe à la narration des Puritains, ainsi que de sa collaboration de longue date avec Laurent Pelly à l'origine d'une cinquantaine de spectacles…

 

La scène de l'Opéra Bastille accueille l'opéra de Bellini Les Puritains pour 9 représentations, du 25 novembre au 19 décembre, placées sous la direction de Michele Mariotti. Cette nouvelle production mise en scène par Laurent Pelly sera filmée en Haute Définition par François Roussillon pour une distribution en direct le 9 décembre par Fra Cinéma dans les cinémas UGC dans le cadre de Viva l'Opéra !, et dans de nombreuses autres salles en France et à l'étranger. Pour cette captation, la distribution annoncée est la suivante : Maria Agresta (Elvira), Mariusz Kwiecien (Sir Riccardo Forth), Michele Pertusi (Sir Giorgio), Dmitry Korchak (Lord Arturo Talbot), Wojtek Smilek (Lord Gualtiero Valton), Luca Lombardo (Sir Bruno Roberton) et Andreea Soare (Enrichetta di Francia).
Consultez la liste des salles ICI


Tutti-magazine : Quelles ont été vos sources d'inspiration pour votre décor des Puritains à l'Opéra Bastille ?

Chantal Thomas : Avec Laurent Pelly, nous avions monté en 2011 la pièce de théâtre de Victor Hugo Mille francs de récompense à l'Odéon et le décor utilisait déjà les lignes et les arêtes d'une maison pour signifier l'espace. Laurent désirait pouvoir un jour pousser ce concept plus loin, de façon plus étonnante et à une échelle plus grande. Les Puritains a été l'occasion d'utiliser au maximum cette technique très graphique dans un théâtre qui nous permettait de le faire, car ce travail n'aurait pas nécessairement pu être mené ailleurs… Nous sommes partis sur l'idée d'un château qui soit beau et visible de tous les angles. J'ai alors beaucoup consulté de photos et d'images de châteaux anglais et écossais avant de faire une sorte de collage de ce que pourrait être ce château rêvé. Cette construction imaginée pour Les Puritains tient à la fois d'un château fort avec sa herse, ses créneaux et son espèce de terrasse, et d'un château à la fois plus sophistiqué et plus riche avec une galerie à arcades et un espace d'apparat.

 

<i>Les Puritains</i> à l'Opéra Bastille. Décor de Chantal Thomas.  © Christian Leiber

 

Michele Pertusi (Sir Giorgio, de dos) et Mariusz Kwiecien (Sir Riccardo Forth) dans <i>Les Puritains</i> mis en scène par Laurent Pelly. Décor de Chantal Thomas.  © E. Bauer

Travaillez-vous sur informatique en 3D pour concevoir un tel décor ?

Non, je n'en ai pas besoin. Je fais beaucoup de dessin mais, très rapidement, je travaille sur une maquette de petit format. Cela permet d'avancer rapidement et de voir comment cela fonctionne dans l'espace. J'aime travailler en trois dimensions dès le départ. L'étape suivante est une maquette à plus grande échelle qui deviendra la référence de travail pour tous ceux qui participeront à l'élaboration du décor.

Sur quelle base travaillez-vous avec le metteur en scène ?

Les dessins permettent de suggérer au metteur en scène à quoi peut ressembler l'idée du décor. Cela prend moins de temps qu'une maquette et cette étape m'aide également à mettre mes idées en place. Je lui montre aussi les documents que j'ai pu rassembler afin de bien valider ce sur quoi nous sommes d'accord.

Quand commencez-vous à travailler sur un décor par rapport à la première d'un spectacle ?

Le processus de création qui consiste à passer de l'idée au papier, puis des maquettes à la réalisation du décor grandeur nature, débute deux ans avant par toute la recherche de documentation à laquelle je me livre. À l'Opéra de Paris, on nous demande de rendre la maquette très longtemps à l'avance. L'idéal serait presque 18 mois mais, dans la pratique, on compte un peu plus d'un an. À titre d'exemple, pour Les Puritains, la maquette a été rendue en avril 2012 pour une première sur scène le 25 novembre 2013.

 

<i>Les Puritains</i> à l'Opéra Bastille. Croquis de Chantal Thomas pour le chemin de ronde (en haut), maquette en cours (dessous). À droite : Construction du décor dans les ateliers de l'Opéra national de Paris. © E. Bauer

À quel moment la musique entre-t-elle en ligne de compte lorsque vous imaginez un décor ?

J'aime la musique et mon point de départ est l'écoute de l'opéra. En aucun cas je ne pourrais me contenter de lire le livret, dont je me sers évidemment en écoutant la musique. La musique donne le rythme du décor. C'est en particulier le cas avec la tournette* utilisée dans Les Puritains qui est en quelque sorte une métaphore de l'esprit tourmenté d'Elvira pris dans une tourmente de folie.
* Sur une scène de théâtre, la tournette désigne le plateau que fait tourner un mécanisme. Lorsque ce plateau est encastré dans le plancher de la scène, il s'agit d'une scène tournante.

 

Construction du décor de Chantal Thomas pour <i>Les Puritains</i> dans les ateliers de l'Opéra national de Paris.  © E. Bauer

De quelle façon travaillez-vous avec les ateliers de décors de l'Opéra de Paris ?

Je commence par présenter aux équipes une pré-maquette. Pour cette étape intermédiaire j'élabore une maquette au centième qui mesure en gros 30 centimètres. Pour Les Puritains, j'avais besoin de transparence et j'ai utilisé du carton et des impressions sur rhodoïd afin de donner une idée assez précise de ce à quoi ça allait ressembler. À ce stade, les ateliers disent ce qui est possible ou pas. C'est très important pour moi car cela m'évite de me lancer dans une maquette définitive qui serait irréalisable au final. Cette impossibilité peut tout aussi bien venir du matériau, de la manière de construire, du plateau lui-même ou du budget que je ne connais pas toujours d'avance, ce qui est une chance ! Par exemple, si j'ai besoin d'une tournette, c'est à ce stade que je saurai de quelle tournette le théâtre dispose. On pourrait en construire une, mais autant connaître la taille de celle qui existe déjà et l'utiliser… J'aime beaucoup cette première rencontre car elle permet de valider certaines choses et d'impliquer en amont tous ceux qui devront s'investir dans la participation au projet.
Au stade de la remise de la maquette définitive, les discussions sont beaucoup plus élaborées et techniques. On décortique chaque élément et on envisage alors la façon dont on va pouvoir le construire. Si un élément est susceptible de ne pas tenir debout, les ateliers s'efforcent de trouver des solutions qui s'approchent le plus possible de mon idée de départ. Je dois dire qu'ils sont formidables car ils essayent toujours de satisfaire les demandes du décorateur et font leur maximum pour trouver des solutions.

Vous avez donc l'impression d'être comprise à l'Opéra de Paris…

C'est une maison formidable pour un décorateur car les équipes sont non seulement très performantes sur le plan technique, mais elles réalisent à chaque fois des prototypes. En effet, aucun décor ne ressemble au précédent et ne relève du même cahier des charges. De la même façon, le matériau utilisé n'est jamais le même et des recherches préalables sont nécessaires à chaque fois qu'on commence à travailler sur un nouveau décor.

Michael Fabiano (Alfredo) et Brenda Rae (Violetta) dans <i>La Traviata</i> à l'Opéra de Santa Fé. Décor de Chantal Thomas.  © Ken Howard

Vous collaborez avec de nombreuses maisons d'opéras de par le monde : Royal Opera House, Metropolitan Opera, Théâtre du Châtelet, Amsterdam, Santa Fé… La qualité du travail varie-t-elle ?

La qualité, au final, n'est pas différente, mais la manière de travailler l'est peut-être. Je me sens sans doute plus en confiance à l'Opéra de Paris parce que j'y ai fait d'autres décors, et que je commence à connaître les équipes. Nous sommes dans une connaissance mutuelle de ce que nous savons faire et de ce que nous voulons faire. À Covent Garden, la qualité de travail est également excellente. Il y a notamment un atelier d'accessoires exceptionnel qui a magnifiquement réalisé des choses pour moi. Mais chaque lieu, il est vrai possède son ambiance, et les fonctionnements ne sont pas les mêmes. De même, les personnes n'ont pas nécessairement les mêmes rôles d'un théâtre à l'autre. Cela demande de s'adapter et de savoir à quel interlocuteur il faut s'adresser selon la situation. C'est d'ailleurs une chose intéressante pour moi de comprendre comment fonctionne l'organigramme d'une maison, de même que savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas…

Scène de <i>Manon</i> au Metropolitan Opera en 2012 avec Anna Netrebko (Manon) et Piotr Beczala (Des Grieux). Décor de Chantal Thomas.  © Ken Howard/Metropolitan Opera

Au stade de l'idée d'un décor, pensez-vous déjà à une lumière ?

Je vois en lumière dès le départ. Le travail en 3 dimensions fait qu'il est difficile de ne pas tenir compte des ombres et des lumières, des modelés. Sans lumière pour le mettre en valeur, le décor des Puritains ne ressemblerait pas à grand-chose. D'où l'importance d'un dialogue avec l'éclairagiste. Pour l'opéra de Bellini, j'ai travaillé avec Joël Adam, et il y a entre nous une connivence qui remonte à plusieurs années. Mais je peux très bien m'entendre aussi avec d'autres éclairagistes.

Vous êtes-vous déjà sentie trahie par des éclairages de scène ?

Trahie non, mais plutôt frustrée. Par exemple, si l'on a élaboré une couleur très précisément et que l'on a passé beaucoup de temps à trouver le bon ton et qu'il n'en reste plus rien. Ou bien il peut arriver que certains axes de lumière qu'on pensait meilleurs pour éclairer le décor ne soient pas suffisamment mis en valeur. Mais, à un moment ou à un autre, chacun doit pouvoir s'approprier le spectacle. L'éclairagiste arrive après moi…

 

Quelle est la latitude de modifications une fois que le décor est en place ?

Ce qui est construit est en partie figé mais pas complètement. Il est toujours possible de couper un morceau de décor qui nous embête ou d'en ajouter un si on a les moyens et le temps. Mais on se livre rarement à des changements profonds dans la mesure où tout a été validé en amont. En travaillant avec des maquettes relativement poussées, on évite tout de même les mauvaises surprises. L'expérience apprend aussi à juger de la taille d'un décor dans un lieu. Je n'ai personnellement jamais été confrontée à une situation où l'on élimine franchement toute une partie des décors, mais je dois dire que Laurent Pelly est un metteur en scène qui sait très bien les utiliser. Je crée des décors pour lui, et celui des Puritains notamment, que je ne ferais pas pour d'autres qui ne sauraient peut-être pas l'utiliser avec la même habileté que lui. L'envie du metteur en scène me stimule et m'oriente parfois à faire des choses un peu osées qui lui correspondent et ne correspondraient pas à un autre metteur en scène.

 

Maquette de Chantal Thomas réalisée pour <i>Le Menteur</i> de Goldoni mis en scène par Laurent Pelly à Toulouse en 2008.  ©  Chantal Thomas

Vous travaillez à la fois pour le théâtre et maintenant, davantage pour l'opéra. Votre approche est-elle semblable dans les deux formes d'expression ?

Pas tout à fait, car les chœurs constituent un élément important de l'opéra dont on doit tenir compte. Les chœurs représentent une grande quantité de chanteurs qu'on doit mettre en valeur également et qui doit pouvoir se déplacer. Dans un décor créé pour l'opéra, on essaye également de tenir compte des problèmes de son. L'exemple des Puritains n'est pas représentatif car il s'agit d'un espace totalement vide. C'est la raison pour laquelle nous avons ajouté des pendrillons sur les côtés. Ils permettent de ramener le son vers la salle. Nous avons aussi avancé quelques éléments vers la fosse pour que les chanteurs soient plus proches du chef. Ceci étant, on n'a pas l'impression que les voix se perdent. Mais il est vrai que je suis parfois face à des chanteurs qui s'inquiètent devant un décor et qui craignent que leur voix ne soit pas bien diffusée. C'est un point que nous essayons de vérifier avec le chef.

Les productions sont de plus en plus souvent reprises d'un théâtre à l'autre avec le même décor. Est-ce une bonne chose ou vous arrive-t-il d'avoir la sensation de recommencer le même travail ?

Je ressens les deux en même temps : le plaisir de constater que la production fonctionne et celui de la montrer dans différents endroits et, parfois, une certaine lassitude de refaire la même chose. Mais je me situe davantage dans la joie de constater que le spectacle fonctionne, car il est également frustrant de penser qu'une production n'est visible qu'à un seul endroit pour un nombre limité de représentations. En outre, il arrive qu'un spectacle rende mieux dans un autre théâtre que celui de la création. Les Puritains, au départ, devait être une coproduction. Mais tel n'est pas le cas. J'espère que la vie de ce spectacle dépassera la programmation initiale…

<i>Les Contes d'Hoffmann</i> à Barcelone. Croquis de recherches de Chantal Thomas pour l'Acte III et photo de production (© A Bofill). Filmé en novembre 2013, cet opéra est disponible en DVD chez Erato.

Dans le cas d'une coproduction pensez-vous dès le départ à l'adaptation du décor à diverses scènes ?

Dans le cas de coproductions, je fais dès le départ des plans qui correspondent aux deux, trois ou quatre théâtres qui accueilleront le spectacle. Par exemple, pour Les Contes d'Hoffmann qui est repris à l'Opéra de Lyon du 14 au 30 décembre, il s'agit d'une coproduction entre Lyon, le Gran Teatre del Liceu de Barcelone et le San Francisco Opera, et j'ai tout de suite travaillé sur les plans correspondant aux trois lieux. Ce décor, selon les plateaux, est plus ou moins ouvert mais l'adaptation ne demande aucune construction spécifique. En revanche, l'an prochain nous ferons une coproduction entre le San Francisco Opera et The Santa Fe Opera pour laquelle toute une partie du décor est construite en deux versions dont l'une est plus haute que l'autre. Les mêmes ateliers de construction travaillent sur les différentes versions d'un décor, qu'il s'agisse de créer une version adaptable ou des versions différentes.

Chantal Thomas et Laurent Pelly, sur un élément de décor de la production de <i>Robert le Diable</i> au ROH de Londres.  D.R.

Depuis 1988, vous avez signé les décors d'une cinquantaine de productions mises en scène par Laurent Pelly. Comment fonctionne votre tandem ?

Nous travaillons dans une confiance réciproque et nous savons l'un et l'autre quelles sont nos aptitudes. Nos univers sont assez proches et nous nous nourrissons mutuellement par le partage d'idées et la discussion. J'essaye toujours de faire découvrir à Laurent des choses nouvelles que j'ai pu voir, des peintures qu'il ne connaît pas. Nous nous offrons d'ailleurs beaucoup de livres… Il sait à quoi je peux lui être utile et cette confiance qu'il me porte va jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à la mise en scène. J'ose lui dire des choses que je n'oserais peut-être pas dire à un metteur en scène que je connais moins. Bien sûr, lorsque je m'exprime, c'est toujours avec réserve et dans l'idée de la réussite du spectacle. Nous travaillons depuis des années avec cette même qualité de soutien mutuel.

Notez-vous une évolution esthétique de cette collaboration ?

Bien sûr, nous évoluons avec le temps et en fonction de l'air ambiant. Il est impossible de se soustraire aux influences du monde et des esthétiques qui s'expriment autour du nous, que ce soit pour s'en départir soit, inconsciemment, en être influencé. Par ailleurs, notre univers est assez éclectique. Preuve en est la variété des productions sur lesquelles nous travaillons. Nous essayons toujours de nous remettre en question, voire parfois de nous imposer des contraintes dans le but de bouger. Le décor des Puritains constitue par exemple une contrainte que Laurent s'est imposée car on voit absolument tout à travers. Rien ne peut être laissé au hasard et chaque choriste peut-être vu. Aucun chanteur ne peut se dissimuler quelque part !

Des artistes se trouvent-ils mal à l'aise par rapport à cette visibilité totale ?

Je ne les ai pas questionnés, mais personne n'est venu me trouver pour me parler d'un problème lié à la visibilité. Dès le premier jour, j'ai demandé au chef si ce "gros tas de ferraille" ne lui faisait pas trop peur, et il m'a répondu : "Pas du tout, j'adore le métal !". Je vous avoue que j'avais très peur qu'il trouve que le plateau était un espace scénique totalement vide et que cela posait un problème par rapport à la diffusion des voix. Mais Michele Mariotti s'est toujours montré extrêmement bienveillant, ce qui a été très agréable. Il a simplement demandé à rapprocher les chanteurs, ce qui est tout à fait légitime et représente une demande courante. Il est vrai que ce décor des Puritains n'a rien d'une conque !

 

Décor de Chantal Thomas pour <i>La Fille du régiment</i> à Barcelone en 2010.  D.R.

Qu'est-ce qu'un décor d'opéra réussi ?

Un décor d'opéra réussi est un décor qui n'empêche pas d'écouter la musique et qui permet de bien voir les chanteurs. Les interprètes sont tout de même les acteurs du spectacle, davantage que le décor. Du reste, je n'aime pas que le décor prenne le pas sur le reste. Je pense que sur Les Puritains, décor, lumière et costumes sont autant valorisés les uns par rapport aux autres et que chaque domaine met en valeur les autres domaines. Bien sûr, à certains moments, Laurent a voulu donner la parole au décor. Du fait qu'il bouge, il devient partie prenante de la narration, un peu comme un personnage. Pour revenir à l'idée d'un décor réussi, j'ajouterais qu'il doit donner une image mentale de l'œuvre. Dans Les Puritains, il représente l'esprit d'Elvira, à la fois complètement bousculé et enfermé dans sa cage. La transparence permet de voir toute cette folie. Ce décor centré sur l'héroïne correspond bien à ce que nous voulions dire sur elle…
Le décor doit éveiller quelque chose enfoui dans l'esprit de chacun et permettre de nous raccorder à des œuvres dont les livrets sont parfois un peu ténus. Le décor aide à nous sensibiliser à l'histoire. Dans un univers totalement différent L'Élixir d'amour que nous avons monté à l'Opéra Bastille a évoqué pour beaucoup de personnes une idée de ce qu'était la campagne, même s'ils n'y avaient pas vécu. Ils le rattachaient à une sorte d'imagerie alors que rien ne le laissait penser. Je me souviens qu'ils étaient très émus et l'expérience de construire ce décor ici a été vraiment charmante tant tout le monde y voyait comme un bain de fraîcheur.

Concevoir des décors pour la scène, est-ce suffisant pour satisfaire votre besoin de création ?

Je n'ai pas d'œuvre personnelle. Tout d'abord, je n'ai pas le temps, mais je ne me revendique pas non plus comme une artiste avec un grand "A". Je me place à la fois au service du metteur en scène, de l'œuvre, que ce soit du théâtre ou de l'opéra, et du spectateur. Je joue un rôle qui me permet de catalyser plusieurs points de l'œuvre qui me satisfont totalement. Je ne suis pas du tout une artiste frustrée, et créer des décors me suffit totalement. Non seulement j'y trouve mon compte, mais j'apprécie aussi ce rapport avec les gens qui s'occupent de la fabrication. Je ne confie pas un projet aux équipes pour m'en laver les mains ensuite mais pour être partie prenante de chaque étape jusqu'à la finalisation.

Peu de femmes sont décoratrices de théâtre…

Il est vrai que j'ai longtemps été un peu seule, mais les choses changent. Je pense même qu'il va y avoir de plus en plus de femmes dans ce métier car les écoles d'Art et de scénographie sont maintenant essentiellement fréquentées par des filles. On trouve d'ores et déjà beaucoup de femmes dans le domaine de la peinture, de la sculpture. Peut-être plus que dans la serrurerie et la menuiserie, mais on commence à voir certaines filles s'intéresser à ces métiers. De même, sur le plateau, on trouve maintenant des filles machinistes et électriciennes. Cette mixité apporte réellement quelque chose.

 

Maquette de Chantal Thomas pour <i>Perplexe</i> mis en scène par Frédéric Bélier-Garcia.  © Chantal Thomas

Sur quelles productions allez-vous travailler dans les mois qui viennent ?

Je suis en train de faire une maquette pour L'Étoile de Chabrier qui sera monté dans un an à Amsterdam. Nous préparons aussi un Don Pasquale à Santa Fé pour l'été 2014. Pour cette production, la maquette est déjà rendue et la construction du décor va débuter. Je travaille généralement sur deux ou trois projets en même temps, chacun à un stade différent. Ainsi, à partir du 4 décembre, une pièce de théâtre pour laquelle j'ai créé les décors va débuter au Théâtre du Rond-Point. Il s'agit de Perplexe, mis en scène par Frédéric Bélier-Garcia. Cette pièce a été écrite par un auteur contemporain allemand, Marius von Mayenbourg, qui est le dramaturge d'Ostermeier à la Schaubühne de Berlin. C'est une pièce que je qualifierais d'assez loufoque. C'est très drôle…



Propos recueillis par Philippe Banel
Le 26 novembre 2013

 

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Chantal Thomas
Laurent Pelly
Les Puritains
Opéra national de Paris

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