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Interview de Bruno Fontaine, compositeur et pianiste

Bruno Fontaine. © Caroline Doutre

Compositeur, arrangeur et surdoué de l'improvisation, le pianiste Bruno Fontaine est au centre de nombreux courants d'expression musicale dans lesquels il s'exprime avec autant de plaisir et de talent. Nous le rencontrons à l'occasion de la sortie de ses deux derniers disques, Ragtime et La France par chœur, édités respectivement chez Aparté et Vogue. Entretien à son image : spontané, généreux et sincère.












Tutti-magazine : La France par chœur, paru chez Vogue, propose un programme d'Histoire en chansons de la fin du Moyen âge à la Seconde guerre mondiale. Comment avez-vous organisé votre sélection au sein d'un catalogue pléthorique ?

Bruno Fontaine : Olivier Cochet* a commencé à me parler de ce projet en novembre dernier et on m'a tout d'abord soumis une première liste d'une cinquantaine de chansons. J'avoue que, dans ce choix, il y avait un certain nombre de pièces que je ne connaissais absolument pas… Entre les chansons que le chef du chœur Arsys Bourgogne Pierre Cao avait déjà sélectionnées en fonction de leur intérêt vocal et celles que nous avons éliminées, le choix définitif s'est fait assez facilement et même rapidement pour parvenir à une petite vingtaine de pièces…
Cliquer pour commander le CD <i>La France par Chœur</i> édité chez Vogue…Ce qui m'a beaucoup motivé dès le départ dans ce projet est qu'il m'offrait de balayer un spectre d'époques extrêmement large.
* Olivier Cochet est Directeur Classique et Jazz chez Sony Music Entertainment.

Avez-vous éliminé les chansons que vous trouviez faibles sur le plan musical ?

Pas vraiment, car nous avons aussi conservé des mélodies que je qualifierais de "faiblardes". C'est plutôt lorsque je ne voyais pas ce que je pourrais bien faire d'une chanson que nous la mettions de côté. En revanche, j'ai conservé des mélodies que le chœur ne voulait pas garder parce qu'elles me parlaient et m'intéressaient. Je me souviens ainsi que certaines chansons ont pu susciter en moi des idées fugitives que j'ai notées sur un coin de papier.

À ce stade du projet, le chœur Arsys Bourgogne ne pouvait pourtant pas savoir ce que vous alliez faire de ces chansons…

Effectivement, le chœur n'en avait pas la moindre idée car j'avais quartier libre. J'ai tout d'abord été invité à passer une journée avec Arsys Bourgogne dans le très bel hôtel particulier de Vézelay qui abrite la formation. Là, nous avons fait un survol des titres retenus et commencé à envisager les variations du nombre de chanteurs en fonction des mélodies. Je suis ensuite reparti chez moi pour commencer à écrire. Là, personne ne savait ce que j'allais faire…

 

Le chœur Arsys Bourgogne. © François Zuidberg

Comment avez-vous ensuite travaillé avec le chœur ?

J'ai commencé à écrire juste avant Noël et il m’a fallu travailler assez vite car nous devions commencer à enregistrer début février. Or il fallait laisser au chœur le temps de travailler. J'envoyais donc au fur et à mesure à Arsys les arrangements que j'écrivais.

La rapidité vous convient-elle comme rythme de travail ?

L'écriture de la musique est un gros travail. Pourtant, il est fréquent de devoir écrire dans des délais très resserrés. Je suis quelqu'un d'assez organisé car je ne tiens pas à me créer trop de frayeurs et je me fixe généralement une date butoir à partir de laquelle je dois commencer à travailler sur un projet. Mais je dois dire qu'une bonne partie de mon travail se fait de manière quasi inconsciente, avant même que de commencer à écrire. C'est à des moments et dans des lieux qui n'ont absolument rien à voir avec la composition musicale que les idées me viennent : dans le métro, sur mon vélo… Souvent, curieusement, lorsque je suis en mouvement. J'utilise alors mon iPhone pour prendre des notes ou enregistrer ce que je chantonne…

Les chansons françaises pour chœur sont accompagnées par trois instruments - piano, violoncelle et clarinette - ainsi que des percussions. Pourquoi ces instruments en particulier ?

Le fait est que nous avions un budget à respecter et que je ne pouvais pas utiliser cinq ou six musiciens. Le piano s'imposait comme une évidence, de même que les percussions qui, dès le départ, nous semblaient pouvoir apporter quelque chose d'intéressant. Pour ce qui est de la clarinette et du violoncelle, qu'on retrouve de façon marquée au fil de ma carrière d'arrangeur, j'entretiens un véritable rapport amoureux avec ces instruments. D'abord parce que, dans les deux cas, je trouve qu'ils sont riches d'une palette d'expressions absolument incroyable. La clarinette me fascine par sa capacité à bouleverser ou à exprimer la joie aussi bien que son côté virtuose. Écrire pour clarinette et violoncelle, c'est l'assurance d'avoir à sa disposition un éventail très large de possibilités. De plus, pour ce disque, j'ai fait appel à Ophélie Gaillard pour le violoncelle et Bruno Martinez, qui est la clarinette basse solo dans l'orchestre de l'Opéra national de Paris. Ce sont deux musiciens hors pair.

 

Bruno Fontaine enregistre <i>La France par chœur</i> à l'Ircam. D.R.

Saviez-vous dès le départ que vous pourriez enregistrer avec ces deux musiciens solistes ?

Pas du tout, et il était même peu probable qu'Ophélie Gaillard puisse se libérer à la date de nos sessions d'enregistrement. Quant à Bruno Martinez, il se trouve que nous avions travaillé ensemble un peu avant sur l'album Gréco chante Brel… L'utilisation de tel ou tel musicien est en définitive assez drôle car elle répond à la fois aux souvenirs que l'on garde d'une collaboration, à une relation construite sur les expériences musicales et, bien sûr, à la disponibilité des interprètes.

L'utilisation que vous faites des choristes d'Arsys Bourgogne s'apparente-t-elle à celle d'instrumentistes ?

Dans la manière dont j'ai conçu mes arrangements, j'ai véritablement vu les choristes comme des instrumentistes. Je me suis ainsi permis d'écrire parfois d'une façon extrêmement divisée avec de nombreux frottements. Ceci étant, j'ai été très vigilant aux impératifs de respiration des chanteurs. Finalement, écrire pour les voix est assez proche de la composition pour les instruments à vent. Par exemple, lorsque vous écrivez pour un pupitre de bois dans un contexte symphonique, les musiciens ne peuvent pas jouer sans discontinuer, et vous devez prévoir que l'un puisse prendre le relais de l'autre. Si vous regardez la partition du Lever du jour dans Daphnis et Chloé, vous vous apercevez que Ravel a accompli un travail de dentelle absolument extraordinaire et que tout le monde prend le relais de tout le monde. Quant à Arsys Bourgogne qui est constitué de seize chanteurs dans son effectif le plus important pour le disque, il faut considérer chaque chanteur comme un soliste très sollicité, en particulier quand l'arrangement d'une chanson repose sur quatre voix.

 

Le chœur Arsys Bourgogne pendant l'enregistrement du disque <i>La France par Chœur</i> à l'Ircam. D.R.

Selon les chansons, vous utilisez ainsi 4, 6, 8, 10 ou 16 voix. Comment avez-vous exploité ces variations d'effectifs ?

Une alternance était souhaitée au départ, mais elle n'était ni définie ni spécialement demandée. Toutefois, il était évident que pour La Menace des Francs de Berlioz, je ne pouvais qu'employer l'effectif maximum, c'est-à-dire les seize voix. Ensuite, de manière assez étonnante, j'ai surtout été guidé dans mes décisions par les paroles des chansons. Du reste, ces paroles ont parfois été coupées dans la mesure où il était impossible d'enregistrer les quinze couplets de certaines chansons. De même, nous avons rapidement pris conscience que de nombreux textes étaient très belliqueux et sanglants, à tel point que je me souviens, pour le Chant du départ, avoir sélectionné les strophes les moins agressives. Cela m'a permis de faire intervenir des solistes femmes avec une vraie cohérence quant à l'idée exprimée par le texte. L'agressivité, édulcorée dans les textes, se retrouve en revanche dans certaines orchestrations, par exemple dans les frottements, ce que je pense plus intéressant. La plupart de ces mélodies ont par ailleurs une vraie richesse. En travaillant sur les chansons, je pense souvent que la mélodie la plus simple peut parfois donner lieu à un traitement des plus sophistiqués. J'aime en tout cas l'idée de pouvoir anoblir par un traitement des mélodies parfois taxées de musique simpliste.

 

Vous semblez peu amateur de musique martiale…

Le maître mot qui a présidé à cet enregistrement était d'adoucir le côté trop martial de certaines pièces comme Le Chant du départ. Je déteste la musique militaire… Pourtant, en arrivant chez Sony pour vous rencontrer, j'écoutais une marche tirée de Pomp and Circumstance d'Elgar, et je peux vous assurer que cette musique peut provoquer en moi de véritables frissons. Disons que je ne suis pas très fan des mélodies "va-t-en-guerre". Ceci étant, en travaillant sur ce projet, nous nous sommes posé la question de la sortie du disque. Il devait être disponible en mars, peu avant les élections municipales, et nous nous demandions si notre travail n'allait pas être récupéré par des sensibilités qui l'auraient dévié de notre intention de départ. Ces textes sont tout de même très puissamment focalisés sur la gloire de la France et certains thèmes frisent même la purification ethnique.

Vous êtes-vous imposé une limite dans votre travail d'arrangement pour éviter qu'il ne prenne le dessus sur la mélodie originale ?

Je travaille sans limites, sinon celles de ce que j'ai envie d'entendre. J'ai essayé d'être le plus créatif possible et, pour être honnête, je pense que l'écriture s'est avérée plus compliquée et plus délicate que ce à quoi Arsys s'attendait. Non que le chœur n'était pas capable de chanter mes arrangements, car c'est une excellente formation, mais je crois que les chanteurs ont été quelque peu surpris par le traitement musical que j'ai proposé. Je crois par ailleurs que, si jamais je dépasse un peu les bornes, si je franchis certaines limites, je m'en aperçois assez vite. Sur ce projet, il m'est arrivé de partir dans une direction et de me dire, au bout de trois pages d'arrangements, que je ne pouvais pas continuer dans ce sens. Je me souviens très bien avoir éprouvé une sensation de hors sujet, d'être à côté. Il s'agissait d'une idée qui paraissait drôle au départ et qui est rapidement devenue trop étrange pour être bonne.

 

Bruno Rastier dirige le chœur Arsys Bourgogne pour l'enregistrement du disque <i>La France par chœur</i> à l'Ircam. D.R.

 

Bruno Rastier. © Jean-Pierre Carrel

Comment avez-vous collaboré avec le chef de chœur Bruno Rastier ?

Au départ, il était prévu que Pierre Cao, le chef d'Arsys Bourgogne, dirige le chœur pour ce projet. Mais il a attrapé une très mauvaise grippe et, à quinze jours de l'enregistrement, il a compris qu'il ne pourrait pas diriger la formation qu'il avait pourtant préparée jusque-là. Bruno Rastier, qui est son assistant et dirige aussi le chœur de manière régulière, a en quelque sorte repris le projet au vol. À un moment, nous nous sommes demandés si je n'allais pas moi-même diriger les choristes, mais cela aurait alors posé le problème de devoir me remplacer au piano. Or j'avais réalisé les arrangements et j'avais à cœur de les jouer moi-même… Nous avons donc travaillé avec Bruno dans l'urgence et nous avons consacré trois ou quatre jours aux répétitions. Cette situation était assez délicate pour lui car, avant la maladie de Pierre, Bruno n'avait aucune raison de travailler les arrangements que j'envoyais au fur et à mesure à Arsys.

Où et quand avez-vous enregistré ? Dans quelle ambiance ?

Nous nous sommes retrouvés début février dans un endroit où je n'avais jamais travaillé mais que j'ai très vite adoré : l'Ircam*. La salle où nous avons enregistré est totalement modulable et il est possible d'ajuster la réverbération… Le fait d'enregistrer dans cet endroit à la fois très isolé et au cœur de Paris m'a beaucoup plu. Nous avons réalisé cet enregistrement sur quatre jours, ce qui est peu. Le rythme était donc assez soutenu et l'ambiance studieuse mais aussi légèrement tendue du fait de l'efficacité dont il fallait faire preuve. De plus nous avons été confrontés à une situation dont j'avais déjà fait l'expérience auparavant : les chanteurs se fatiguent ! Les instrumentistes aussi, mais ils peuvent davantage tirer sur la corde. La voix, quant à elle, ne permet pas cela et nous avons eu deux ou trois soirées un peu compliquées. Lorsque la voix est fatiguée, le seul remède est le repos. Notre planning était sans doute trop optimiste à ce niveau.
* Voir la vidéo à la fin de l'interview.

En travaillant sur des arrangements pour chœur, avez-vous eu la sensation de marcher sur les pas de votre père qui dirigeait des groupes vocaux ?

Bien sûr, car j'ai commencé à écrire mes premiers arrangements à l'âge de 7 ou 8 ans pour les chorales de mon père. Travailler sur ce disque était à la fois troublant et très émouvant. Durant mon enfance et mon adolescence j'accompagnais souvent les chorales, je jouais de l'orgue à la messe, j'improvisais et gagnais mon argent de poche en jouant pour les mariages et les enterrements à la basilique d'Épinal. De cette période est né mon rapport avec les chorales qui est une force incroyable dans la constitution de mon ADN musical. Cependant, depuis cette époque, je n'avais plus eu l'occasion de retrouver ni cette ambiance particulière ni l'écriture pour chœur dans le cadre d'un projet complet comme celui-ci. J'ai donc vécu cette France par chœur comme un grand retour en arrière.33T original du <i>Déserteur</i> de Boris Viasn.

Le programme du CD propose trois improvisations au piano et se termine par celle sur le Déserteur de Boris Vian. Avez-vous souhaité faire passer par le traitement et votre jeu le texte qui n'était pas exprimé ?

Dans le cas précis du Déserteur, tout à fait. Mais tel n'est pas le cas pour les autres improvisations. Pour la première, sur l'Alléluia des Mazarinades, j'avais envie de faire quelque chose de percussif, un peu à la manière de Prokofiev. Pour celle basée sur Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine, le but avoué était de faire une espèce de standard de jazz et de détourner totalement la chanson d'origine. Pour Le Déserteur, l'idée était bien sûr d'improviser autour de la mélodie, mais le texte n'a pas quitté une seule seconde mon esprit. Cette chanson de Boris Vian se trouvait sur un 33T que possédaient mes parents et je me souviens parfaitement de la photo de la couverture qui montrait Boris Vian portant une espèce de saharienne à côté d'une sorte de vieille torpédo. Je ne sais pas trop pourquoi, j'écoutais ce disque en boucle. Peut-être parce que la voix si spéciale de Boris Vian me fascinait. Il y avait aussi de superbes arrangements d'Alain Goraguer. Cette dernière piste du disque La France par chœur est de fait un petit clin d'œil à un passé lointain…

À quel stade des sessions d'enregistrement avez-vous joué ces trois improvisations ?

Olivier Cochet aimait bien l'idée d'improvisations susceptibles d'apporter une respiration au disque et il m'a proposé cela un soir. J'ai bien sûr accueilli cette idée avec joie et, le lendemain matin, je suis donc arrivé avant les chanteurs. Nicolas Bartholomée, le Directeur artistique de l'enregistrement, a fait tourner ses machines et nous avons enregistré une prise unique de chaque improvisation. Ce sont ces prises spontanées qui ponctuent maintenant le disque.

Envisagez-vous de proposer La France par chœur en concert ?

Des concerts nous confronteraient nécessairement à des problématiques économiques compliqués. De plus Arsys Bourgogne cherche actuellement un nouveau directeur musical, ce qui n'aide pas à mettre sur pied un tel projet. Reste que ce disque pourrait constituer un très beau programme de concert auquel je participerais volontiers.

 

Bruno Fontaine à l'Hôtel de l'Industrie pour l'enregistrement de <i>Ragtime</i> en 2013.  © Caroline Doutre

Dans le livret de votre disque Ragtime, paru quelques mois avant chez Aparté, vous dites que le ragtime vous a accompagné depuis l'enfance. Comment s'est produite la rencontre avec cette musique ?

Cliquer pour commander le CD <i>Ragtime</i> de Bruno Fontaine édité chez Aparté…Là encore, je retrouve mon père car, s'il dirigeait effectivement des chorales, il animait aussi un groupe vocal consacré aux Negro-spirituals qui était accompagné par un trio de jazz. Le pianiste de ce trio, René Perrout, était mon parrain. Cet homme merveilleux était un amateur mais il jouait de magnifique façon. Lorsque j'étais enfant - j'ai commencé le piano à trois ans et demi -, j'assistais le samedi soir à la répétition du groupe de mon père et je voyais cet homme qui jouait du Fats Waller, du Jelly Roll Morton, mais aussi des ragtimes. Cette musique m'a alors très vite parlé. C'est à l'âge de 6 ou 8 ans, alors que je suivais un cursus d'études musicales classiques, que mon père m'a lancé sur les pistes de l'improvisation. Je me souviens qu'il me retirait la partition de piano et me disait : "Maintenant, il faut que tu joues quelque chose…". En même temps que je travaillais les Inventions de Bach ou Mikrokosmos de Bartok, le recueil Scott Joplin n'était jamais loin…

Vous dites encore que, enfant, vous ressentiez le désir d'enregistrer Handful of Keys de Fats Waller. Vous étiez donc déjà intéressé par les enregistrements, par le fait de laisser une trace ?

C'était un rêve de gamin. J'avais les disques de Fats Waller et les partitions, et devais me dire qu'un jour, moi aussi, je jouerais ça. Ce qui est amusant est que ce répertoire me semblait alors plus tentant à enregistrer que les Sonates de Beethoven. Cette musique devait exercer sur moi un côté un peu plus mystérieux, un peu plus magique et, effectivement, j'ai joué Handful of Keys un grand nombre de fois. Lorsque j'ai eu l'opportunité de travailler sur le projet Ragtime, il était évident que j'y intégrerais deux morceaux de Fats Waller. Quelque part, là encore, il s'agissait en quelque sorte d'un retour aux sources.

Vous avez enregistré Ragtime sur un piano Yamaha CFX qui semble vous avoir totalement conquis…

Pour Bruno Fontaine, le Yamaha CFX 6.272.700 était le piano idéal pour l'enregistrement de <i>Ragtime</i>.  © Caroline DoutreLe piano sur lequel j'ai enregistré l'album Ragtime était particulièrement formidable, c'est vrai, mais je pense que Yamaha est aujourd'hui capable de concurrencer Steinway. Je ne suis du reste pas seul à le penser. Cette marque a passé une étape supérieure dans l'excellence du piano… J'ai joué pour la première fois sur un CFX Yamaha il y a environ deux ans, pour un concert au Conservatoire de Puteaux, et j'ai trouvé cet instrument véritablement incroyable. La sensation est du reste assez bizarre car vous jouez d’un piano et, tout à coup, vous vous dites que ce piano est idéal pour vous ! Depuis, tous les CFX sur lesquels j'ai eu l'occasion de jouer avaient une qualité incroyable. Je reste cependant tout à fait attaché à Steinway pour quantité d'autres choses. J'ai tendance à penser que lorsqu'un Steinway est exceptionnel, il n'y a peut-être pas de meilleur piano. Mais, face à un Steinway que je qualifierais de plus "normal", il me paraît légitime de se demander si d'autres pianos ne font pas aussi bien. En tout cas, dès le début du projet Ragtime, je savais que je jouerais sur un CFX. D'une part, ce piano me semblait posséder le brillant nécessaire pour cette musique, d'autre part je savais que j'allais apporter mon grain de sel sur ces morceaux et que j'aurais besoin de l'excellent "sustain" qu'offre le CFX. Je souhaitais aussi que les basses soient très profondes. C'est ainsi que le choix a été fait.

Votre volonté était d'arranger ces ragtimes à la manière de pièces de concert. Les avez-vous joués en public depuis la parution du disque ?

Les mains de Bruno Fontaine par Caroline Doutre.  D.R.Bien sûr, et c'est même ce que je m'apprête à jouer dès demain aux Flâneries musicales de Reims. Je jouerai un programme de ragtimes pour finir avec ma version de la Rhapsody in Blue pour piano seul…
J'ai choisi le terme "ragtimes de concert" car je voulais leur donner le parfum des pièces de concert ou des paraphrases de la fin du XIXe siècle, dans la grande tradition de la musique romantique. C'est la raison pour laquelle j'ai remis ces pièces à plat, ajouté un grand nombre d'introductions et incorporé des citations par-ci par-là. La thématique des pièces originales demeure mais j'y ai apporté des choses qui ne sont pas dans les morceaux originaux. Par exemple, dans Grace and Beauty, j'ai imaginé une grande reprise du thème en forme de valse viennoise et virtuose. Je me suis beaucoup amusé à faire tout cela… Puis, je me suis aussi demandé pour quelle raison on n'écrirait pas de ragtimes aujourd'hui ? Pour ma part, j'avais déjà composé il y a quelques années Rag, Lag and more Rag pour le générique de L'Atelier d'Alain Resnais, un film de François Thomas consacré aux collaborateurs du cinéaste. Alain Resnais était un fou de la musique américaine de la fin du XIXe et j'avais trouvé amusant que la signature musicale d'un documentaire sur lui soit un ragtime. Cette idée lui avait beaucoup plu. J'avais écrit ce thème pour orchestre et je l'ai bien sûr arrangé pour le disque.

En quoi Ragtime Nightmares de Tom Turpin peut-il représenter un cauchemar pour les pianistes ?

À la base, Ragtime Nightmares est effectivement assez virtuose, mais je me suis amusé à le rendre encore plus difficile en incluant des citations. J'ai même pris le "cauchemar" du titre au pied de la lettre en incluant dans les moments de transition le thème de La Mort aux trousses écrit par Bernard Herrmann pour le film d'Hitchcock. Cauchemar pour Cauchemar, autant aller trouver une inspiration chez le maître du suspens !

 

Bruno Fontaine à l'Hôtel de l'Industrie.  © Caroline Doutre

La fin de l'enregistrement du disque Ragtime à l'Hôtel de l'Industrie semble avoir été un moment chargé de nostalgie toute fraîche…

Ragtime a été enregistré sur quatre jours et ces sessions ont été très agréables car elles se sont déroulées le week-end du 1er mai, en plein Saint-Germain des prés, seuls avec les touristes… Nous avions plutôt bien tenu le rythme du planning d'enregistrement et j'avais mis en boîte le plus gros en trois jours, de telle sorte qu'il nous restait encore une journée. C'était terrible car je ne pouvais pas me résoudre à m'arrêter ! La fin d'un projet induit généralement une sorte de blues qui s'installe très vite. Ensuite, je vous l'ai dit, j'adorais ce piano et je sentais que je commençais à pouvoir en faire ce que je voulais. J'ai alors dit à Nicolas Bartholomée que nous pouvions enregistrer des morceaux supplémentaires, tels ceux qu'on trouve maintenant en bonus pour la musique téléchargée sur Internet. C'est ainsi que, sur iTunes et Qobuz, la version Deluxe de Ragtime propose sept pistes en bonus dont trois que j'ai nommées First of May Ragimpro 1, 2 et 3 ! La dernière pièce que j'ai enregistrée, et qui n'était absolument pas prévue, est une sorte d'extravaganza sur Colliwog's Cakewalk de Debussy. J'ai utilisé ce morceau tel un standard de jazz pour en faire ma propre version. Sur le disque, nous l'avons placé à la suite de l'original de Debussy.

Bruno Fontaine en studio pendant l'enregistrement de l'album <i>Gréco chante Brel</i>.

Doit-on déduire que vous vous sentez particulièrement à l'aise en studio ?

J'adore ça, contrairement à certains de mes collègues qui peuvent être paralysés à l'idée de graver quelque chose. Enregistrer me donne une liberté incroyable ! Si une prise ne m'avait pas satisfait , je ne l'aurais pas gardée pour le disque, or il n'y a pas plus grande liberté que celle-là. Je pourrais passer ma vie à enregistrer. Je pense que cela s'explique par le fait d'avoir beaucoup fréquenté les studios en tant qu'arrangeur pour les chanteurs et en tant que compositeur de musiques de films. Cela m'a donné une grande habitude du studio et l'aisance qui me permet de m'y amuser. La préparation de ce disque a été une période vraiment agréable. J'étais excité comme une puce et j'ai trouvé des idées jusqu'au jour de l'enregistrement…

Avec plus de temps vous auriez donc sans doute trouvé d'autres choses…

Je pense. D'ailleurs, je vous ai parlé de ma version de la Rhapsody in Blue que je vais jouer demain. Il s'agit d'un arrangement assez cossu dans la mesure où j'ai voulu tout y mettre, et même davantage. Je joue cette pièce en concert depuis 20 ans, pourtant, je vais pouvoir appliquer de nouvelles idées toutes fraîches demain soir en concert ! Je trouve ça vraiment stimulant. C'est une des merveilles que nous offre la musique que de pouvoir envisager la même œuvre sous un autre angle et d'essayer de ne pas tomber dans une sorte de routine interprétative.Nicolas Bartholomée pendant l'enregistrement de <i>La France par chœur</i>.  D.R.

Nicolas Bartholomée était directeur artistique/ingénieur du son pour ces deux disques. Comment travaillez-vous avec lui ?

Nicolas et moi nous connaissons depuis longtemps et nous avons fait pas mal de disques ensemble, dont une intégrale Fauré avec Ophélie Gaillard et un disque d'impros il y a une dizaine d'années… Nicolas est un vrai génie de la prise de son qui se montre on ne peut plus pointu sur le plan technique, et il est aussi un vrai musicien. Nous parlions tout à l'heure du fait de se sentir à l'aise en studio… Je peux vous dire que, sans Nicolas, La France par chœur n'aurait pas pu se faire. Par manque de temps, à peu près aux deux tiers du projet, Bruno Rastier et moi-même n'allions même plus écouter les prises. Si Nicolas nous disait "OK, j'ai ce qu'il me faut !", on avançait… Cette situation n'est bien sûr pas idéale, mais le fait de pouvoir compter sur quelqu'un comme Nicolas Bartholomée décharge les interprètes d'un poids incroyable car ils savent qu'il ne les laissera pas faire quelque chose qui n'est pas dirigé au plus niveau de qualité. De même, il est incroyablement précieux de disposer de son oreille avertie. Un interprète est parfois tellement ancré dans son propre univers qu'il a tendance à se cogner au mur. C'est pourquoi il a besoin de cette respiration apportée par quelqu'un d'extérieur qui l'oriente et, parfois même, peut provoquer une remise en question salutaire. Tout cela est infiniment précieux, et j'adore travailler avec Nicolas.

 

Laurent Petitgirard (au piano) et Bruno Fontaine lors d'une répétition avec l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg. D.R.

Sur ces deux disques, vous avez effectué ce qu'on appelle des "arrangements". En quoi le travail d'un arrangeur diffère-t-il de celui d'un compositeur ?

J'ai toujours considéré mon rôle d'arrangeur comme beaucoup plus proche du travail d'un compositeur que de celui d'un arrangeur plus traditionnel. En général, je pars de quelque chose, je le démonte et le tords dans tous les sens. Je peux même aller vers des réflexions du genre : "Cette musique est écrite sur un tempo rapide, mais que donnerait-elle si on la jouait lentement ?", et vice-versa ! Je vais toujours assez loin dans la réflexion et dans le choix de la direction que je souhaite faire prendre à l'œuvre. Par rapport à cette conception de l'arrangement, la seule différence que je vois avec la composition est que, dans le premier cas, un élément préexiste alors que, dans le second, on part d'une page blanche.

 

Bruno Fontaine lors d'un récital Shostakovich à Neuilly. D.R.

L'improvisation est discrètement présente sur vos deux disques. Quelle place, selon vous, devrait occuper cette discipline dans la formation d'un pianiste classique ?

Il se trouve que je rentre du Concours International Richard Lupien de Montréal, qui est un concours de piano traditionnel. Pour la première fois, parallèlement au concours principal, les organisateurs proposaient un concours d'improvisation. Il ne s'agissait pas du tout d'improvisation jazz mais d'une improvisation qu'on peut qualifier de "classique". Par exemple, les candidats devaient improviser des variations sur un thème donné, se livrer à des digressions à la manière de certains compositeurs, etc. J'étais membre du jury et cette initiative s'est montrée fort intéressante. Nous nous sommes aperçus à cette occasion que l'improvisation était en train de revenir en force. On l'a quelque fois considérée comme une activité mineure voire facile. Pourtant, improviser est tout sauf facile, en tout cas quand on aborde cette discipline d'une manière intéressante et intelligente…
Ceci dit, j'ai tendance à penser que tout le monde ne sait pas et ne peut pas improviser. Je dirais même qu'un don intervient de façon très importante dans l'improvisation. Dans mon entourage, de fantastiques musiciens sont absolument incapables de jouer une musique non écrite… Toutefois, je pense aussi que tout musicien devrait être confronté à un moment ou à un autre à la possibilité d'improviser. Dans cette optique, il faudrait qu'au moins, on le propose à chacun. Ensuite, cela plaira ou pas, le musicien saura ou ne saura pas s'y prendre. Pourquoi ne pas envisager une certaine forme de cours ? Cette opportunité de s'essayer à l'improvisation me paraît très importante pour tout musicien, et pas seulement pour les pianistes. Chaque musicien devrait pouvoir être confronté à cette possibilité de pouvoir créer son propre langage musical.

Dans votre apprentissage, la possibilité d'improviser s'est présentée très tôt…

Effectivement, l'improvisation m'est venue de façon si instinctive qu'il m'est parfois difficile d'en parler. Pourtant, j'ai attendu assez longtemps avant de faire de vrais concerts d'improvisation en public. Auparavant, j'improvisais en petit comité… Lors de ce concours à Montréal, je me suis entretenu avec la pianiste d'origine vénézuélienne Gabriela Montero, qui fait aussi beaucoup d'improvisation. Elle était également dans le jury. Eh bien, il se trouve que, pour elle aussi, la pratique de l'improvisation totale devant un public est une chose relativement récente.

Qu'appelez-vous "improvisation totale" ?

Il m'est arrivé de faire des concerts dans lesquels je proposais une première partie avec Le Carnaval de Schumann et, une seconde partie que j'avais intitulée Un autre Carnaval, où j'improvisais une suite de quarante minutes. Je vous jure qu'au moment où j'entrais sur scène, je n'avais pas la moindre idée de ce que j'allais jouer… Récemment, j'ai joué les Préludes & Fugues de Shostakovich et j'avais prévu de proposer un bis en improvisant. Je voulais produire un thème à la fois construit sur les quatre lettres de BACH et le motif DSCH qu'a utilisé Shostakovich dans sa musique. J'ai inscrit cela sur un petit bout de papier que j'ai montré au public, mais c'est bien là tout ce que je peux concevoir en termes de préparation. L'improvisation totale est assez vertigineuse. C'est une mise en danger qui déclenche une forte dose d'adrénaline et aboutit, lorsque tout se déroule bien, à une forme de mise à nu de l'interprète. Je garde en mémoire d’incroyables souvenirs de concerts d'improvisation car, à cette mise en danger, se conjugue une façon assez grisante de se placer en permanente anticipation par rapport à ce que vous allez jouer. Votre pensée musicale doit toujours se positionner une à deux secondes avant le jeu. Cette expérience est extraordinaire et j'adore la pratiquer.

 

Bruno Fontaine (à gauche) et Jean-François Zygel réunis pour un match d'improvisation à Royan. D.R.

Jean-François Zygel, parlant d'improvisation, l'assimile à une forme de composition qui devrait être considérée comme telle. Qu'en pensez-vous ?

Non seulement je le pense, mais je le revendique ! Pour moi, l'improvisation est une forme de composition instantanée. Nous nous produisons d'ailleurs assez souvent ensemble avec Jean-François. L'été dernier nous avons même proposé un concert assez incroyable au Tennis Club de Royan. Nous avions installé les deux Steinway de concert de part et d'autre du filet et nous nous sommes beaucoup amusés…

Vous a-t-on déjà demandé de relever une improvisation que vous avez enregistrée pour en faire une partition ?

C'est une des pires choses qu'on puisse me demander et je me suis effectivement déjà livré une fois à ce travail dans des circonstances bien particulières. C'était absolument épouvantable tant j'avais l'impression de devenir un médecin légiste qui analyse ce qu'il entend !

Bruno Fontaine reçoit le Grand Prix Sacem 2013 de la musique pour l'image sur la scène de l'Olympia. © Lionel Pagès

Entre vos différentes activités de pianiste, chef d'orchestre, compositeur et arrangeur, et directeur musical de spectacles, y a-t-il une hiérarchie ?

Il n'y a pas de hiérarchie au moment où j'accepte un travail particulier et que je m'y consacre. Tout ce que j'ai fait dans ma vie, je l'ai accompli avec le même enthousiasme et le même sérieux. Mais, avançant en âge, l'intérêt que je conçois pour ce qu'on me propose n'est pas nécessairement le même et c'est la teneur de cet intérêt qui est susceptible de me guider dans mes choix. Sur le moment, j'ai plaisir à m'investir entièrement quel que soit le projet mais, avec le recul, ce qu'il en reste n'est pas identique… Par exemple je joue souvent en ce moment un programme composé de quelques Préludes & Fugues du Clavecin bien tempéré, des douze premiers Préludes & Fugues de Shostakovich et de la Fugue inachevée de L'Art de la fugue. Ce programme long et difficile représente sans doute ce qui me comble le plus actuellement. Mais j'ai aussi adoré faire les deux disques dont nous avons parlé… Au point où j'en suis dans ma vie et de ce qu'on appelle une "carrière", j'ai la chance de pouvoir refuser ce qui ne me plaît pas.

On vous a remis le Grand Prix Sacem 2013 de la musique pour l'image le 25 novembre dernier à l'Olympia. Que symbolise pour vous cette reconnaissance ?

Je ne peux nier que cela fait plaisir, d'autant que mon nom a été cité à la suite d'une liste de personnalités particulièrement recommandables. Un tel prix est important car il émane d'un organisme qui est très important pour nous, compositeurs. La Sacem est la plus belle société d'auteurs au monde et elle s'occupe de ses compositeurs d'une manière assez formidable… Ce Grand Prix Sacem est également important car il symbolise une reconnaissance par mes pairs, dont plusieurs sont compositeurs.

 

 

Bruno Fontaine et Sonia Wieder-Atherton en concert à Kiev. D.R.

 

Quels vont être vos principaux rendez-vous musicaux de la saison prochaine ?

De nombreux projets m'attendent pour la saison prochaine. Dans l'immédiat, je dois tout d'abord commencer à écrire des arrangements symphoniques pour Émilie Simon. Ce concert sera présenté le 23 août à 19h45 dans le cadre du Festival Rock en Seine au Parc de Saint-Cloud. Ces arrangements seront joués par l'Orchestre national d'île-de-France, avec lequel j'entretiens un partenariat depuis pas mal de temps. Cette formation est ouverte à de nombreux styles musicaux, et j'ai en particulier travaillé avec elle pour un concert de Paolo Conté. Je dois orchestrer une dizaine de chansons pour Émilie Simon, ce qui m'occupera environ seize heures par jour pendant trois semaines…
Toujours pour l'Orchestre national d'Île-de-France, mais pour le Printemps 2015, j'écrirai des arrangements symphoniques destinés à accompagner le clarinettiste Klezmer Yom dans une suite de quarante minutes qu'il a composée pour son trio de jazz et lui. Ce concert sera donné le 13 mars 2015 à L'Onde de Vélizy-Villacoublay. Je devrais aussi composer la musique d'un film mais le projet n'est pas encore suffisamment verrouillé pour pouvoir vous en dire plus…
Deux projets discographiques verront également le jour la saison prochaine sous le label Aparté : l'un autour de Beethoven et l'autre axé sur la chanson et le piano… Il y aura aussi, bien sûr, des concerts, des masterclasses d'improvisation que je donnerai à Montréal, ainsi qu'un atelier pour lequel je me réjouis beaucoup et qui portera sur l'écriture et l'arrangement des chansons. Je l'animerai du 2 au 13 septembre avec la chanteuse Juliette dans le cadre de l'Académie Musicale de Villecroze. Nous avions déjà fait tous les deux cette expérience il y a deux ans et nous nous étions régalés. Cette perspective de passer ainsi dix jours dans un endroit de rêve avec, je l'espère, des stagiaires intéressants, me séduit beaucoup…
Enfin, j'ai enregistré avec la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton un disque sur Nina Simone. Cet OVNI musical sortira chez Naïve et nous créerons le spectacle autour de cet enregistrement aux Bouffes du Nord le 29 septembre. Le disque sera lancé à cette occasion…



Propos recueillis par Philippe Banel
Le 20 juin 2014

Pour en savoir plus sur Bruno Fontaine :
www.bruno-fontaine-piano.com

 

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La France par chœur
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