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Interview de Aurélien Dougé, danseur et chorégraphe

Aurélien Dougé.  © Julien BenhamouCe sont les photos réalisées par le photographe Julien Benhamou qui nous ont incité à rencontrer Aurélien Dougé, danseur et chorégraphe, avec lequel il construit un univers visuel original d'une beauté surprenante. Aurélien Dougé danse dans le Ballet du Grand Théâtre de Genève jusqu'à la fin de cette saison. Il a choisi ensuite de se consacrer pleinement à une expression personnelle qu'il va développer au sein de sa compagnie Inkörper Company. Un tournant décisif qu'il nous explique à la suite d'une séance photo…

 

Tutti-magazine : Vous êtes actuellement danseur au Ballet du Grand Théâtre de Genève. Quelle place occupez-vous au sein de cette compagnie ?

Aurélien Dougé : Le Ballet du Grand Théâtre de Genève est une structure sans hiérarchie officielle. Nous sommes 22 danseurs - 11 filles et 11 garçons - tous solistes et membres du corps de ballet en même temps. Nous nous consacrons uniquement aux créations que les chorégraphes font exclusivement pour nous et nous ne dansons jamais de ballets préexistants. Ce sont ces pièces qui nous permettent de tourner dans le monde entier dans la mesure où nous sommes les seuls à les avoir à notre répertoire.
Ma place au sein du ballet dépend, comme pour les autres danseurs, des chorégraphes qui viennent travailler avec la compagnie. C'est à eux seuls que reviennent ces choix. Le danseur se trouve donc face à un challenge lorsque le chorégraphe arrive : pour faire en sorte de danser, il doit se montrer tout en restant intègre vis-à-vis de lui-même.

 

Ballet du Grand Théâtre de Genève : Aurélien Dougé et Fernanda Barbosa dans <i>Glory</i>.  © Gregory Batardon

Vous ne dansez pas de répertoire classique ?

Non, mais nous pouvons être amenés à danser des ballets que je qualifierais de "néoclassiques contemporains" qui demandent une très bonne base classique. Tous les danseurs du ballet sont d'ailleurs issus de la danse classique et notre entraînement quotidien est classique. Dans notre répertoire, je pense que les ballets les plus classiques doivent être ceux de Benjamin Millepied et de Ken Ossola, un chorégraphe qui vient de chez Kylian et avec lequel nous travaillons en ce moment. Ces créations ont une base très classique et esthétique et accordent une grande importance aux lignes.

Le ballet participe-t-il aux opéras du Grand Théâtre de Genève ?

Pas du tout, ce sont des danseurs free lance qui dansent dans les opéras. L'emploi du temps de la troupe est très chargé et nous faisons de nombreuses tournées, ce qui ne nous permet pas de participer aux spectacles lyriques. Je crois que la compagnie a cependant participé il y a environ quatre ans, avant mon arrivée, à l'opéra Orphée et Eurydice. La mise en scène et la chorégraphie étaient réalisées par Mats Ek. Ceci dit, si l'organisation du ballet est indépendante de celle de l'opéra, nous travaillons dans les mêmes locaux. Tout est rassemblé au Grand Théâtre de Genève, sauf l'atelier de costumes.

Quel regard portez-vous sur votre compagnie ?

Ce groupe est très sympathique et nous nous entendons tous très bien. L'ambiance de travail est donc particulièrement agréable, ce qui constitue indéniablement un grand avantage au quotidien. Philippe Cohen, le Directeur du ballet, donne à chacun la possibilité de s'exprimer. Il se montre toujours disponible à la discussion et considère de façon très humaine les problèmes auxquels nous pouvons être confrontés.
Sur le plan du travail, nous sommes amenés à faire beaucoup de créations. Ce nombre d'œuvres fait qu'au moment où un chorégraphe crée avec nous, il ne dispose pas nécessairement de tout le temps nécessaire à approfondir son travail. Aussi, pour ma part, je regrette qu'il n'y ait pas plus d'échanges avec les chorégraphes. Ils arrivent à Genève et ils ont un mois ou un mois et demi maximum pour monter une pièce de quatre-vingts minutes. Du coup, le rapport est axé sur la création à tout prix et il n'y a pas de temps pour la recherche. Le chorégraphe arrive en studio avec une idée en tête et il faut avancer… Voilà ce qui peut manquer dans ce type de structure, sans pour autant que cela s'apparente à une quelconque frustration. J'ai travaillé dans des compagnies qui étaient plus axées sur la recherche. C'est simplement un autre mode de travail…

 

Aurélien Dougé et Isabelle Schramm, danseurs du Ballet du Grand Théâtre de Genève dans <i>Glory</i> d'Andonis Foniadakis.  © Gregory Batardon

Vous avez 27 ans, et vous quitterez bientôt la compagnie. Pour quelle raison ?

J'ai toujours fait de la création en marge de mon activité principale de danseur. Mes études de danse au CNSM de Lyon m'ont apporté cette ouverture car, bien qu'inscrit en option "Classique", je faisais tout autant de danse contemporaine. Ma dernière année dans le jeune ballet m'a permis de travailler avec les danseurs qui font du contemporain, de participer à des ateliers de composition et à des échanges avec les Beaux-arts de Lyon. Dans ce cadre, j'ai participé à des expérimentations photo, et j’ai toujours été partant pour des cartes blanches ou des performances. Je me suis en fait toujours situé dans un contexte de créativité et de recherche à côté de mon activité de danseur. C'est une chose qui est en moi. En outre, j'adore collaborer avec les artistes. Cette dimension d'échange est particulièrement importante dans la manière dont j'envisage la chorégraphie…


Plus les années avançaient, plus je me consacrais à la recherche. J'avais l'impression que tout ce que je vivais m'apportait matière à créer autre chose. Si, aujourd'hui, je désire retrouver mon indépendance, c'est simplement que je me sens prêt et que deux projets sur lesquels je travaille depuis longtemps se mettent en place. J'ai également pris conscience d'être maintenant plus intéressé par la création et les rencontres qui en découlent que par la pure interprétation. J'ai passé trois superbes années à Genève mais tout me pousse à penser que le moment est venu de me diriger vers une création personnelle. Ce n'est pas tant une question d'âge que d'envie.

Vous allez quitter un groupe lié par la danse et l'amitié pour vous retrouver indépendant… Comment vous préparez-vous à ce changement ?

Je suis quelqu'un d'assez solitaire et autonome, mais je n'envisage pas pour autant ce nouveau départ comme une plongée dans la solitude. Bien au contraire. Voilà un an et demi que je travaille à sortir de l'interprétation pour aller vers la création. Artistes, compositeurs, costumiers, partenaires de production et de diffusion ou réalisateurs de captations : je n'ai jamais autant rencontré de personnes qu'en cette période ! C'est ainsi que j'ai fait la connaissance du photographe Julien Benhamou lors d'une soirée. J'ai senti une certaine osmose entre nous, et une semaine plus tard nous nous retrouvions dans un studio photo pour commencer à expérimenter… À la base de ces rencontres, il y a une sorte de feeling qui me guide. Quoi qu'il en soit je ne me vois pas comme un créateur dans son coin. Je me trouve devant plusieurs portes et à moi de les ouvrir, de présenter mes projets et de convaincre pour qu'on me suive.

 

Aurélien Dougé photographié dans le cadre du projet <i>Blessed Unrest</i>.  © Julien Benhamou/Inkörper Company

Vous allez créer Inkörper Company. Comment cette structure va-elle être organisée ?

Aurélien Dougé, danseur et chorégraphe.  © Julien BenhamouJ'ai commencé à travailler sur mes projets personnels en 2010 à Lyon. C'était alors mon point d'attache. Mais, en France, il est très difficile pour un jeune auteur de trouver des partenaires financiers et une aide à la diffusion. Les gens sont tellement sollicités que les e-mails restent souvent sans réponse… À Genève, en trois ans, j'ai pu en revanche construire tout un réseau. C'est plus petit, les gens répondent aux messages et il est plus facile de les rencontrer. De telle sorte que je vais créer ma structure - Inkörper Company - en Suisse. J'intégrerai ensuite à cette structure les projets personnels que j'ai développés personnellement auparavant. Inkörper Company sera une association et fonctionnera avec des artistes, des techniciens et des penseurs qui me rejoindront en fonction des projets et pourront se renouveler ou, au contraire, collaborer régulièrement.

Quelle direction artistique imprimerez-vous à votre compagnie ?

Je travaille sur la place, les usages et les représentations du corps dans la société contemporaine. Le livre de David Le Breton Anthropologie du corps et modernité est ma Bible. J'y reviens constamment tant cet ouvrage constitue pour moi une véritable source d'inspiration. Je défends parallèlement une expression esthétique et poétique héritée de mon parcours de danseur classique. Une certaine forme de beauté est indissociable des projets que je construis. Naturellement, ce qui est beau et ce qui ne l'est pas est une notion très subjective. Mieux vaut-il alors parler d'un univers esthétique et poétique.
La création, telle que je l'envisage, ne tend pas à démontrer quoi que ce soit. Une idée très claire préside à tout ce que je fais - installation, chorégraphie ou photos - mais elle est et reste personnelle. Ce que je produis est très ouvert et permet au public de développer sa propre vision par rapport à ce que je lui propose. Lorsque je suis spectateur, j'apprécie de pouvoir voyager, d'être capté par une esthétique et d'être libre de comprendre ce que je vois en utilisant un niveau de lecture qui me correspond. Je ne me situe pas dans la contemplation mais plutôt dans la construction d'images fortes auxquelles on repense après les avoir vues. J'aime beaucoup lorsque la fin d'un de mes spectacles est suivie par quelques secondes de silence, car c'est le moment où le spectateur quitte le monde dans lequel je l'ai entraîné et revient à la réalité. C'est, pour moi, un moment fort du spectacle !

 

Aurélien Dougé dans <i>DarkRise</i>.  © Julien Benhamou/Inkörper Company

 

Aurélien Dougé danse sa chorégraphie <i>DarkRise</i>.  © Julien Benhamou/Inkörper Company

Vous souhaitez vous adresser à un large public.
Quels moyens utilisez-vous ?

Le spectacle est un tout et ne se limite pas à la danse ou à des mouvements dans l'espace. Il y a aussi la musique et, par exemple, j'utilise beaucoup les matières en rapport avec le corps. C'est par un ensemble de choses que je souhaite m'adresser au public, par un univers qui incite au voyage. Ce n'est donc pas tant le langage chorégraphique qui permet la compréhension mais l'ensemble de la construction visuelle et auditive. Il n'y a nul besoin de clés pour comprendre ce que je présente et mes spectacles s'adressent au plus grand nombre. Le spectateur peut facilement s'approprier l'esthétique que je lui propose.
J'ai également l'ambition de sortir du cadre des théâtres pour présenter mes projets dans les lieux les plus divers que j'aménage pour les accueillir. Par exemple, DarkRise*, le solo que j'ai dansé il y a deux ans et que je vais bientôt reprendre dans une version plus longue, a été présenté dans le village où je suis né dans une salle des fêtes équipée d'un petit théâtre et d'un unique projecteur. Pas de tapis de scène, pas de coulisses. C'était un challenge de créer un univers dans ces conditions et de parvenir à faire voyager des spectateurs qui ne sont pas sensibilisés à ce qui est artistique et qui n'ont pour ainsi dire jamais vu de danse. Eh bien, de nombreux spectateurs qui arrivaient dans la salle ne la reconnaissaient plus, et ils ont très bien accueilli ce que je leur proposais.
* Voir un extrait du solo-performance d'Aurélien Dougé DarkRise à la fin de cette interview.

Comment avez-vous impliqué le public dans DarkRise…

DarkRise est un spectacle très personnel que j'ai développé autour de l'idée d'un corps traversé par la maladie. J'ai perdu ma tante dans des conditions difficiles et ce solo est en quelque sorte un hommage que je lui rends. Dans ce spectacle, je cherche à ce que le public soit également investi et à casser ce mur qui sépare les spectateurs de la scène. J'ai ainsi eu l'idée de faire distribuer des lampes torches aux spectateurs à l'entrée de la salle. Ils sont ensuite invités à se servir des lampes lorsque mon personnage apprend qu'il est malade… J'utilise sur scène une structure faite de ballons gonflés à l'hélium et qui contiennent du talc. Ces ballons symbolisent les métastases du cancer qui rongent le corps petit à petit. Une aiguille est collée à ma peau et me permet d'éclater les ballons. Cela produit des nuages de poussière qui finissent par masquer certaines parties du corps. À ce moment je suis en pleine improvisation sur scène et je crève les ballons alors que mon corps, très relâché, exécute une succession de chutes. Dans cette situation, le personnage que je danse est aussi mal à l'aise que les spectateurs qui ne savent trop s'ils doivent m'éclairer ou pas. Je sais parfaitement que, lorsque le public est engagé dans une telle action, cela crée un malaise, mais cet engagement crée un sentiment de partage assez unique.

Votre corps, construit par la danse et musclé, ne projette-t-il pas l'image inverse de la déchéance physique que vous désirez exprimer ?

J'exprime cette déchéance par la danse, le mouvement et cette succession de chutes. J'ai la chance d'avoir un corps musclé et hyperlaxe qui me permet d'exprimer une gestuelle extrême. Je peux, par exemple, donner l'image d'un homme totalement désarticulé qui peut être particulièrement dérangeante. Mon langage visuel participe également pleinement à exprimer ce que je souhaite. Les matières et les sons m'aident dans ce sens, et c'est l'ensemble qui participe à donner une autre vision de mon corps. Il y a derrière ce genre de présentation des heures de recherche solitaire en studio.

Quelle image vous renvoie votre propre corps ?

Vous répondre n'est pas facile. Il est cependant certain que je possède un corps de danseur. Mes jambes sont faites pour la danse classique au point qu'on a souvent vu en moi un potentiel au niveau de ces jambes sans s'intéresser à ce que je pouvais proposer moi-même. Au fil des auditions, je vivais assez mal ces jugements portés sur mes belles jambes, comme si cette partie de mon corps me représentait entièrement. C'est d'ailleurs une discussion que j'ai eue avec Philippe Cohen. J'ai passé cinq fois l'audition pour entrer au Ballet de Genève et il a reconnu s'être arrêté à mes jambes jusqu'au jour où il m'a engagé. Je pense que, de cette difficulté dont j'étais sans doute aussi responsable, est né mon rapport avec le corps et ma recherche sur la place du corps dans la société. Ce corps qui nous représente et que, la plupart du temps, nous oublions totalement. Cette contradiction, et diverses expériences de vie, sont à la base de ma recherche et de l'importance de la forme donnée au corps dans ce que je propose.

 

Photo de Julien Benhamou pour le projet <i>Blessed Unrest</i>.  © Julien Benhamou/Inkörper Company

Plaire au public est-il important pour vous ?

Le chorégraphe et danseur Aurélien Dougé.  © Julien Benhamou/Inkörper CompanyJe n'ai jamais cherché à plaire, pas plus en créant qu'en tant qu'interprète, ce qui m'a d'ailleurs peut-être handicapé dans l'évolution de ma carrière. Je n'ai jamais voulu devenir soliste, me faire un nom ou faire des compromis pour me donner la possibilité de danser. Ce qui m'intéresse, c'est le rapport humain et de rester intègre vis-à-vis de moi-même. C'est sans doute un peu utopique, mais j'aimerais m'y tenir… En ce qui concerne le public, je souhaite emmener le spectateur dans mon univers, au-delà de plaire ou de ne pas plaire.

À quels genres de musiques êtes-vous sensible?

J'écoute presque tout, mais j'aime beaucoup le Baroque et tout autant la musique électronique. En fait, je suis attiré par des univers très différents comme les nappes sonores, la musique répétitive, Steve Reich… La musique que j'écoute est généralement celle que j'utilise dans mes projets. Je collabore actuellement avec le compositeur Julien Tarride qui travaille sur l'électroacoustique et les nappes. Il s'intéresse à la façon d'installer une ambiance sonore dans une pièce et à la manière dont le son se propage. Pour moi, cela est passionnant car il s'agit de créer un mouvement sonore qui est relayé par un mouvement physique et de jouer dans l'espace sur leur interaction. On peut aussi imaginer que, de sa place, le spectateur va tout à coup se sentir voyager avec le son et ne plus rester passif sur le plan auditif… La musique occupe une place importante dans mes spectacles. Je peux l'utiliser sous forme de juxtaposition de morceaux ou d'œuvres complètes. Cependant, je déteste couper une musique ou faire un montage au-dessus car je pense que ce n'est ni respecter l'œuvre ni respecter ceux qui l'ont écrite. Là encore, en travaillant avec des compositeurs, c'est une vraie collaboration que je recherche. L'idée de commander une musique sans cet échange ne m'intéresse pas.

Vous travaillez également avec le photographe Julien Benhamou. Comment la photo s'insère-t-elle dans votre démarche ?

La photo répond à mon envie d'utiliser différents formats et différents médiums pour m'exprimer. Le point central est le corps et je peux l'utiliser aussi bien pour une création scénique, pour des photos, de la vidéo ou une performance. Tout passe par la chorégraphie mais je peux m'exprimer autant par un corps en mouvement qu'un corps figé sur une photo. Si j'analyse la façon dont je travaille mes créations vivantes, je les imagine comme un enchaînement d'images qui défilent et finissent par constituer un spectacle. Ma démarche, quel que soit le format, est toujours visuelle. La photo permet en outre de toucher des gens différents sur des lieux différents. Une exposition peut aussi accompagner une performance. En tant que jeune créateur, je crois qu'il est nécessaire de chercher toutes les solutions qui permettent de produire et diffuser une création avec le moins possible de financement, voire sans aucun financement. Il faut être productif et original. Ceci dit, les contraintes ne me font pas peur et je dirais même qu'elles me poussent à être créatif. J'ai vécu un an en Laponie suédoise sous une température de -40°. Il faisait nuit pendant 6 mois et jour les 6 mois suivants. Or je n'ai jamais autant créé que dans ces conditions. Malgré les difficultés qui se présentent à moi, le chemin sur lequel j'avance est infiniment stimulant. Le travail que je mène avec Julien Benhamou s'inscrit dans cette progression.

 

Aurélien Dougé photographié par Julien Benhamou dans le cadre du projet <i>Blessed Unrest</i>.  © Julien Benhamou/Inkörper Company

Vous travaillez actuellement sur un projet nommé Blessed Unrest. De quoi s'agit-il ?

<i>Blessed Unrest</i>.  © Julien Benhamou/Inkörper CompanyJulien Benhamou et moi avons fait plusieurs séries de photos. Cela fait deux ans que nous travaillons ensemble et il s'agit ici aussi d'une véritable collaboration. Julien, lui, avait l'habitude de photographier des spectacles à l'Opéra national de Paris et de faire des portraits qui mettent en valeur les gens. Moi, j'aime quand la photo peut être regardée sous plusieurs angles et que l'on s'interroge même sur le bon sens. Je me souviens de notre première séance de travail en studio. Lorsque je lui disais que j'adorais une photo, lui ne la trouvait pas du tout à son goût. Il aimait les belles lignes et moi, je cherchais le mouvement dans le statisme en tournant la photo pour voir si elle était plus intéressante à l'envers ! C'est de cette différence de perception qu'est née notre association. Nous faisons aussi bien des séances en extérieur qu'en studio et nous avançons progressivement. Nous avons nommé ce projet Blessed Unrest. Cela pourrait aboutir à une exposition, un book. La collection de photos commence à être conséquente et nous réfléchissons à des possibilités de diffusion. Pour l'instant, Julien me photographie seul mais nous avons comme projet de faire intervenir d'autres personnes pour évoluer.

Quels projets allez-vous développer après avoir quitté le Ballet du Grand Théâtre de Genève ?

Je vais présenter deux spectacles à Lyon dans le cadre de la Biennale Off, les 13 et 14 septembre 2014 au Croiseur. Je vais tout d'abord reprendre mon solo-performance DarkRise que je vais étoffer d'une vingtaine de minutes par rapport à la version créée il y a deux ans, ce qui aboutira à un spectacle de quarante minutes. Parallèlement, je présenterai un autre projet que j'ai appelé Tool. Installation N°xxx, qui est basé sur la représentation du corps de la femme dans le discours commercial contemporain. Trois interprètes vont participer à cette installation conçue sur la musique de Julien Tarride. Elle peut prendre place dans n'importe quel lieu, aussi bien dans la rue que dans un endroit désaffecté. J'aménage alors la chorégraphie des danseuses en fonction des différents impératifs. Ce projet vise à aller à la rencontre des gens. Dans certains lieux, nous utiliserons un Acousmonium. Il s'agit d'un système qui emploie entre 12 et 32 enceintes. Chaque haut-parleur diffuse un message, ce qui permet au son de se déplacer dans l'espace. Le public se tient au milieu de l'espace sonore et la danse se déroule au centre. Je travaille en ce moment à d'autres installations possibles de ce projet, dont certaines devraient surprendre…

Par quels Arts vous sentez-vous inspiré ?

La danse et la musique font partie de ma vie. J'adore l'opéra et les mises en scène d'opéras. J'aimerais d'ailleurs beaucoup, un jour, pouvoir participer à un ouvrage lyrique, par exemple Les Contes d'Hoffmann, que j'adore, ou Didon et Énée, dont la musique me parle beaucoup. Un gros challenge serait alors de faire bouger les chœurs et de faire prendre conscience à des non-danseurs de l'importance de leur place dans l'espace.
J'aime aussi la sculpture, en particulier Rodin, pour sa représentation du corps… Au niveau de l'Art contemporain, je suis plutôt attiré par les installations et le côté ludique qu'on y trouve. J'ai grandi aux côtés de jeunes artistes qui m'ont familiarisé avec leurs modes d'expression. Aujourd'hui, je tente d'intégrer ce qu'ils m'ont appris dans mes propres créations.

Après avoir quitté la compagnie, allez-vous continuer à prendre des cours ?

<i>Blessed Unrest</i>, par Julien Benhamou et Aurélien Dougé.  © Julien Benhamou/Inkörper Company

Bien sûr, je continuerai à prendre des cours de classique. J'adore cet entraînement. Je dois aussi conserver ma forme physique pour pouvoir danser moi-même. Mais mon but est avant tout de créer. Or j'ai besoin de prendre une distance avec ce que je crée. Le seul moyen est donc de faire danser les autres, ce que va me permettre pour la première fois le projet Tool. Installation N°xxx.

Idéalement, comment voyez-vous votre évolution de créateur ?

J'investis tellement d'énergie dans les projets que je porte que j'ai du mal à me projeter. Par ailleurs, je fonctionne par étapes. J'investis en ce moment mon temps dans la création, la recherche de collaborations, et surtout à trouver des partenaires. Mon désir, au moment où je vous parle, c'est de persuader quelques partenaires de me suivre afin que mes projets puissent être diffusés. Je suis conscient que, plus je serai suivi et soutenu, plus je pourrai réfléchir à des formats de création plus importants.
Si je peux émettre un autre souhait, j'aimerais que mes créations puissent voyager. La danse a ceci d'extraordinaire qu'elle est une expression universelle. Créer pour d'autres compagnies serait, dans ce sens, une véritable évolution…


Propos recueillis par Philippe Banel
Le 5 janvier 2014

Pour en savoir plus sur Aurélien Dougé et Inkörper Company :
www.inkorpercompany.com

Pour en savoir plus sur Julien Benhamou :
http://www.julienbenhamou.com/

 

Mots-clés

Aurélien Dougé
Ballet du Grand Théâtre de Genève
Julien Benhamou

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