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Interview de Anna Prohaska, soprano

 

Anna Prohaska.  © Harald Hoffmann/DG

 

 

Rencontrer Anna Prohaska, c'est se retrouver face à une artiste dont la riche teneur des propos se conjugue à un charme naturel et à une vitalité réjouissante. De passage à Paris pour parler de son album Enchanted Forest, enregistré avec Jonathan Cohen et son ensemble Arcangelo, sorti sous label Archiv Produktion, la jeune soprano évoque pour Tutti-magazine son premier disque Sirène inédit en France, mais aussi la naissance de sa passion pour la musique, son expérience de la scène, sa vision d'artiste ancrée dans la réalité du marché et ses désirs…

 

 

Tutti-magazine : Vous êtes née dans une famille de musiciens. Ce contexte a-t-il influencé votre vocation ?

Anna Prohaska : Cette influence a été très importante. Bien sûr, il y a eu des périodes comme l'adolescence où j'ai eu envie de rompre avec le contexte familial pour faire quelque chose de totalement différent. Je me sentais alors attirée par l'histoire de l'Art, sans doute parce que certains membres de ma famille sont historiens de l'Art. De toute façon, je ne pouvais pas m'éloigner d'une forme artistique. Je me suis ensuite demandée si j'allais me consacrer à l'écriture… À cette période, je devais avoir 14 ou 15 ans, un ami de la famille, le chef d'orchestre Eberhard Kloke, m'a prise sous son aile et m'a tout appris. C'est avec lui que j'ai débuté le chant. Il a représenté en quelque sorte cette influence extérieure qui m'était nécessaire car, adolescence oblige, je ne pouvais accepter celle de ma famille. Cet homme m'a fait comprendre que je pouvais aussi être musicienne mais également en faire mon métier. À la maison, mes parents appréciaient surtout l'opéra mais, grâce à lui, j'ai découvert que la musique ne se limitait pas à cette forme et j'ai commencé à apprécier aussi le répertoire de concert, la musique ancienne, la musique moderne… J'ai réalisé ensuite que cette double influence musicale - celle de mes parents et celle de cet ami - m'avait éveillée de façon assez complète.

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Pensez-vous aujourd'hui que votre intérêt pour l'Art en général trouve dans le chant une possibilité d'exploration suffisamment large ?

Le contrat que j'ai signé avec Universal Music Classics me permet d'explorer d'autres axes d'expression artistique, en particulier celles liées à la promotion comme la photographie et les films*, ainsi que d'autres disciplines que je n'aurais jamais pu aborder autrement. J'ai aussi eu l'occasion de participer à des productions qui utilisaient la vidéo, comme de jouer dans un spectacle de danse d'une compagnie germano-italienne. Je ne suis pas une grande danseuse mais j'ai également été intégrée à la chorégraphie construite sur du Bach… Tous ces croisements avec d'autres disciplines artistiques sont très importants pour moi.
* La chaîne Arte a réalisé un portrait d'Anna Prohaska : Les Airs merveilleux d'Anna Prohaska.

Après avoir quitté votre famille de musiciens, avez-vous retrouvé cette ambiance familiale au Staatsoper unter den Linden en tant que membre de son ensemble permanent ?

C'est exactement ce que j'ai trouvé dans cette compagnie dès que j'y suis entrée. Cet engagement a représenté une grande chance car il m'a permis de participer à une tournée au Japon dès la première année alors que je n'avais que 23 ans. Tous les membres de la troupe étaient là, soit quelque 500 personnes, et cette tournée m'a permis de rencontrer tout le monde : musiciens de l'orchestre, chanteurs, techniciens, maquilleurs… C'est ce qui m'a permis de nouer des liens avec tous ces gens. Depuis cette époque, je suis toujours aussi heureuse de retrouver le Staatsoper unter der Linden. Désormais, mes engagements me conduisent le plus souvent assez loin et je peux très bien passer 2 mois à la Scala de Milan ou à Los Angeles. Alors, lorsque je reviens à Berlin j'ai l'impression de rentrer à la maison car je connais tout le monde dans cette maison d'opéra. Elle constitue d'ailleurs toujours pour moi un environnement idéal pour explorer de nouveaux rôles tant je me sens protégée par cette structure. Mais cette sécurité se double d'une exposition également très importante car le théâtre accueille aussi bien Daniel Barenboim que d'autres grands chefs et metteurs en scène. Le public et la presse sont de plus très attentifs aux activités du théâtre. Tout cela fait que je retrouve toujours avec plaisir ce lieu.

 

Anna Prohaska interprète le rôle de Sophie dans <i>Le Chevalier à la rose</i> au Staatsoper Unter den Linde. © Monika Riitershaus

 

Anna Prohaska habillée par Christian Lacroix pour le rôle de Poppée dans <i>Agrippina</i> au Staatsoper Unter den Linde.  © Monika Riitershaus

Quels rôles avez-vous travaillé au Staatsoper unter den Linden ?

C'est assez amusant car j'ai grandi au sein des productions. Dans Le Chevalier à la rose, j'ai d'abord chanté le rôle de la modiste qui chante "Le chapeau Pamela…" puis, en décembre dernier, celui de Sophie dans la même mise en scène. De la même façon, dans Les Noces de Figaro, j'ai d'abord chanté le rôle de Barbarina, puis celui de Susanna, etc. Cette façon d'aborder un opéra s'est révélée très intéressante car elle m'a aussi permis de me confronter à des situations de stress. Me retrouver sur cette grande scène à 23 ans au côté de René Pape sous la direction de Barenboim est vraiment impressionnant. Croyez-moi, tenir un petit cygne dans ses mains dans Parsifal et s'inquiéter pour les trois seules phrases que vous aurez à chanter car il faut qu'elles soient parfaites est une sacrée expérience ! Chanter Susanna dans Les Noces c'est rester 4 heures en scène et, paradoxalement, je me suis sentie moins nerveuse que pour Barbarina. Sans doute avais-je grandi entre les deux grâce à ces étapes que constituent les rôles et les expériences. Bien sûr, chanter Susanna m'a rendue nerveuse, mais pour Barbarina, j’étais morte de trac !

Le travail théâtral lié à l'opéra vous intéresse-t-il ?

À un point extrêmement important. Travailler avec des metteurs en scène tels Michael Thalheimer, Katie Mitchell et bien d'autres m'a fait prendre conscience que le jeu théâtral représente pour moi 50 % lorsque j'incarne un personnage d'opéra. Cela ne sous-entend absolument pas que le chant doit en être moins parfait et je suis très stricte envers moi-même. Lorsque je n'atteins pas une note correctement ou lorsque je ne parviens pas à maintenir une phrase sur une seule respiration, cela m'énerve et j'y pense longtemps. Mais être sur scène demande à se plonger dans votre personnage pour vous identifier à lui. et cela même si vous chantez un opéra obscur que vous n'aimez pas vraiment ou une musique qui ne vous enthousiasme pas tant que ça. Dans ce cas, il faut apprendre à l'aimer sans quoi vous ne pourrez jamais communiquer au public l'énergie nécessaire.

 

Anna Prohaska interprète la suite de <i>Lulu</i> d'Alban Berg sous la direction de Claudio Abbado en mars 2010 à Lucerne.

Lorsque vous chantez en concert, tentez-vous de conserver une certaine approche théâtrale ?

Certainement, mais je veille à être très prudente et à ne pas faire comme certains chanteurs qui, en récital, en font trop avec leurs mains et gesticulent bien trop tout en affichant des expressions outrées. Je suis toujours embarrassée lorsque j'observe cela chez moi. Comprenez-moi bien, je ne parle pas de technique car chaque chanteur développe la sienne, mais lorsque je suis spectatrice, j'aime qu'un artiste soit serein, posé. Je pense par exemple à Sandrine Piau que j'adore, ou Gerald Finley, car ils font preuve d'une merveilleuse discipline dans la façon dont ils se tiennent pour chanter en récital. Ils parviennent à sortir des sons extraordinaires sans les accompagner d'un maniérisme parasite. C'est un des objectifs que je voudrais atteindre car je suis très consciente de certains de mes gestes que je voudrais mieux gérer. Au fil des ans, je souhaiterais qu'il y en ait de moins en moins…

Anna Prohaska.  © Patrick Walter/Deutsche Grammophon

Les critiques saluent la façon dont vous articulez les mots dans votre chant. Est-ce une chose importante pour vous ?

Absolument, et je crois que cette exigence me vient de mon père, qui la tient de mon grand-père. Mon grand-père était chef d'orchestre en Autriche mais je n'ai jamais pu travailler avec lui car il est mort lorsque j'avais 6 ans. Mais j'ai appris cela grâce à mon père qui était chanteur avant de se consacrer à la mise en scène d'opéras. Mon père avait travaillé avec son propre père les lieder de Brahms, Schubert ou Schumann en apportant un soin particulier à la prononciation du texte. Je crois que c'est au travers des lieder que l'on trouve les plus beaux textes allemands de Goethe et de Schiller, parmi d'autres. Cela n'aurait aucun sens de proposer un récital de 45' ou de 90' sans que le public venu vous entendre comprenne quoi que ce soit de ce que vous chantez. Cela est particulièrement important lorsqu'on chante en plusieurs langues, ce que je fais souvent lorsque je compose un programme. Rien ne me fait alors plus plaisir que d'être comprise par un Tchèque, un Polonais ou un Français lorsque je chante dans sa langue. Si le reste de l'audience est composé d'Allemands ou d'Anglais, je chante pour cette personne, et dans sa langue.

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En 2011, vous signez avec Deutsche Grammophon et vous enregistrez Sirène. Ce premier disque est réservé au marché allemand. Que vous inspire cette segmentation du marché ?

Je dois reconnaître, d'un côté, que j'étais un peu déçue devant la façon dont mon premier disque a été distribué si tardivement dans certains pays, et parfois même pas du tout dans d'autres. De l'autre, je dois convenir qu'un récital chant et piano ne peut être un hit auprès des publics. Mais je pense qu'on ne devrait pas seulement réfléchir en termes de chiffres mais aussi prendre en compte la qualité à laquelle certains sont sensibles. J'ai reçu un grand nombre d'excellentes réactions à la sortie de Sirène car les gens aimaient ce programme, et je pense qu'il est un peu triste de le laisser derrière une porte close. D'autant que, si le disque n'est pas distribué en France, le titre "Sirène" est bien français, et cette langue est celle des arias parmi les plus importants parmi les mélodies que j'ai choisies : la Chanson des sirènes et la Berceuse de la sirène composées par Honneger sur un texte écrit d'après Andersen.Le chef d'orchestre Jonathan Cohen. © Marco Borggreve

Votre second disque Enchanted Forest est accompagné par l'ensemble Arcangelo dirigé par Jonathan Cohen. Que pouvez-vous dire de cette collaboration ?

C'est assez surprenant car Jonathan et moi avons ressenti une immédiate sympathie lors de notre première rencontre. Nous partageons le même sens de l'humour et une même approche dans la façon de phraser la musique. Cette entente est primordiale dès le départ car, par la suite, cela dispense de tout expliquer et, à l'inverse, de pouvoir communiquer en se passant des mots. Nous nous sommes rencontrés à la Philharmonie de Berlin. Jonathan m'accompagnait au clavecin et, durant 3 heures, nous avons parcouru tous les deux le répertoire. Très tôt m'est venue l'idée de faire un disque avec lui. Si cette relation fonctionne si bien, je crois aussi que c'est parce qu'il est originaire de Manchester, comme ma mère, et que l'expression de leurs sentiments est assez similaire, en tout cas très différente de la façon dont s'expriment les Anglais du Sud de l'Angleterre. Ils sont chaleureux, manient un humour assez noir et se montrent plus humains et plus ouverts

Le programme de Enchanted Forest a été donné en concert à Munich, Essen, Francfort, Berlin, Vienne et Londres. Votre vision de cette "forêt enchantée" a-t-elle évolué au fil de ces concerts ?

Oh, absolument ! Dans un monde idéal, on enregistrerait toujours un disque à la fin d'une tournée. C'est en tout cas ce que j'aimerais pouvoir planifier dans le futur afin de pouvoir m'échauffer sur plusieurs concerts avant l'enregistrement. Cet échauffement pourrait se faire n'importe où et en dehors de toute considération de marché. En Pologne, par exemple ! C'est ainsi que procède Magdalena Kožená qui commence par partir en tournée en République Tchèque avec le programme de son disque, et qui l'enregistre ensuite, avant de s'engager dans une grande tournée en Europe de l'Ouest. C'est ainsi que je souhaite travailler pour mon prochain disque car j'ai pu constater que la meilleure compréhension que je puisse avoir de la musique s'opère durant les concerts. Lorsque nous avons enregistré Enchanted Forest dans la St John-at-Hackney Church de Londres en avril 2012, une belle énergie était présente mais, bien sûr, nous étions au début d'une relation et encore dans la phase de découverte. C'est différent de ce que peuvent apporter six concerts, par exemple. Je me souviens en particulier de Berlin, chez moi, où nous avons donné ce programme. Tous mes fans étaient présents et cette soirée a été inoubliable. L'enregistrement qui a été réalisé un an auparavant ne pouvait naturellement pas porter en lui cette expérience… Cependant, je ne rencontre pas de difficulté particulière à recréer une énergie en studio car je suis toujours un peu fébrile quoi que je fasse ou chante, et jamais vraiment détendue en raison de mon exigence à obtenir le meilleur résultat. Le public n'est pas là, mais il y a des micros ! Lorsqu'ils sont sur "On", ils suffisent à provoquer en moi une forme de stress assez comparable à celui éprouvé devant des spectateurs.

 

Anna Prohaska interprète Iseut la blonde dans <i>Le Vin herbé</i> sur la scène du Staatsoper Unter den Linde en mai 2013. © Hermann und Clärchen Baus

 

Anna Prohaska. Photo : Harald Hoffmann/Deutsche Grammophon

Cette saison, vous chantez Iseut dans Le Vin herbé de Martin mis en scène par Katie Mitchell à l'Opéra au Staatsoper Berlin. Quels sentiments vous inspirent cette œuvre et cette mise en scène ?

Il était très difficile d'imaginer comment nous allions aborder cet oratorio de Frank Martin. Nous sommes douze chanteurs à former le chœur et à en sortir pour chanter notre rôle. Ce chœur, un peu à la façon du théâtre grec antique, exprime le commentaire. Lorsque je chante le personnage d'Iseut la blonde, je me dissocie de mes collègues pour incarner le personnage. J'avais déjà travaillé avec Katie Mitchell sur Al Gran sole carico d'amore de Luigi Nono et je pense qu'elle était la personne idéale pour mettre en scène Le Vin herbé. Dans chacune de ses mises en scène, elle partage le plateau en différents segments et parvient à créer à un effet surprenant qui apparente son travail au théâtre de Brecht. Cet oratorio compte énormément pour moi car j'adore le mythe de Tristan et Iseut et la saga qui entoure leur relation. L'œuvre de Martin me donne l'occasion d'interpréter le personnage d'Iseut. Or je sais très bien que je ne pourrai jamais chanter le Tristan et Isolde de Wagner tout simplement parce que cet opéra n'est pas écrit pour mon type de voix. C'est un peu comme si je vous disais que je ne chanterai jamais Philippe II dans Don Carlos ! Or, Le Vin herbé m'apporte un soupçon de ce que peut être le Liebestod de Wagner et je suis réellement très émue lorsque je suis en scène. Iseut me renvoie à ma propre vie, à des situations personnelles. Lors de la dernière représentation, j'étais en larmes. Je serai très heureuse de retrouver cette production en avril 2014. On parle même d'une possible tournée…

Votre album Sirène propose plusieurs arias en français. Souhaitez-vous approfondir le répertoire français dans le futur ?

Je l'envisage même très sérieusement. Comme vous l'aurez compris avec la sortie de mon deuxième disque, je suis en ce moment tout à mon amour pour la musique baroque et je tiens à poursuivre mon exploration avec Jonathan Cohen qui est la personne la plus indiquée pour cela. J'aimerais pouvoir explorer la musique de Rameau et de Charpentier et celle des compositeurs français de la période baroque. Je crois que cela convient bien à ma voix. J'ai certes besoin d'acquérir des notions de styles et d'apprendre les ornements, mais je crois que ce répertoire est celui qui me va le mieux. À vrai dire, je ne vois pas pourquoi je contraindrais ma voix à chanter un répertoire d'une autre période dans laquelle je ne trouve pas la même aisance. J'adore l'opérette et le bel canto mais tant de merveilleux chanteurs chantent déjà ces répertoires, et de si belle façon ! Mon cœur et mon âme sont en affinité avec la musique baroque ainsi que la musique moderne. Il y a tant de pièces classiques du XXe siècle que je voudrais aborder, comme celles de Dutilleux. Un des rôles auxquels je rêve est Mélisande dans Pelléas de Debussy. J'ai chanté pour la première fois Mélisande à Berlin dans une production d'étudiants. C'était mon tout premier rôle d'opéra et une magnifique expérience. J'ai appris ce rôle à cette époque et, depuis, je le garde dans un coin de ma mémoire, prêt à le laisser s'exprimer le moment venu.

 

Scènes tirées du clip du <i>Lamento della Ninfa</i> de Claudio Monteverdi réalisé par Andreas Morell.

 

Scène tirée du clip de l'<i>Alma opressa</i> de Vivaldi réalisé par Andreas Morell.

Pour la promotion de Enchanted Island, deux clips ont été réalisés par Andreas Morell*. Pour Alma opressa de Vivaldi, l'action prend place dans une gare et se déroule aujourd'hui. Cette vidéo vous ressemble-t-elle ?

Si l'on doit retrouver quelque chose de moi dans cette vidéo, ce sera alors un des aspects les plus fous de ma personnalité ! Cependant ce clip est bien en accord avec ce que j'aime et ce que mon imagination peut produire. Je suis une grande fan de fresques historiques et de ce qui s'y rapporte, comme les séries télé de la BBC, les films qui se déroulent au Moyen Âge, à l'époque élisabéthaine aussi bien que sous l'Empire Romain ou dans la Grèce antique. Alors, pour ce tournage, il était absolument délicieux de me glisser dans cette robe élisabéthaine pour me retrouver plongée dans notre monde contemporain, assise dans une gare. Le tournage a même été assez drôle car on m'a demandé de chanter réellement en même temps que l'enregistrement afin d'obtenir un réalisme des mouvements de bouche et de gorge. Cela permettrait d'éviter ce côté "poisson dans un aquarium" souvent indissociable d'un play-back. J'avais de petits écouteurs aux oreilles et cela m'a aidé à plonger totalement dans la mélodie et à chanter sans économie. La puissance de ma voix devait être assez forte pour ressortir parmi les sons de la gare de telle sorte que les passants, de vrais usagers qui prenaient leur train ou en sortait, s'arrêtaient pour observer cette scène si étrange !
* Retrouvez les clips réalisés par Andreas Morell à la fin de cette interview, Alma opressa de Vivaldi, suivi de Lamento della ninfa de Monteverdi, tous deux tirés de l'album Enchanted Forest paru chez Archiv Produktion.

 

Anna Prohaska interprète Poppée dans <i>Agrippina</i> de Georg Friedrich Haendel mis en scène par Vincent Boussard au Staatsoper Unter den Linde.  © Monika Riitershaus

 

Anna Prohaska (Anne Trulove) et Florian Hoffmann (Tom Rakewell) dans <i>The Rake's Progress</i> au Staatsoper Unter den Linde en 2010. © Ruth Walz

Quelle est votre approche des groupes sociaux et des médias Internet par rapport à votre carrière ?

Je m'implique pas mal dans ce mode de communication et je crois même que, sur le plan privé, je fais partie de la première génération qui s'est intéressée à Facebook car je me suis inscrite dès la première ou seconde année de l'arrivée de ce média en Allemagne. Sur le plan public, je possède une page qui représente pour moi le moyen le plus simple de communiquer car - j'ai honte de l'avouer - je n'ai pas encore de site Internet pour le moment ! Je voudrais qu'il soit vraiment réussi et je n'ai pas encore trouvé la personne souhaitée pour le réaliser. Je dois dire aussi que je suis très occupée à chanter et à répéter, or je suis consciente qu'il faut du temps pour réaliser un site de qualité. Pour le moment, j'utilise donc ma page Facebook pour afficher mes dates de concerts et spectacles ainsi que pour entretenir des liens avec les gens qui apprécient ce que je fais. Je suis attentive à leur opinion car elle est intéressante. En revanche, je ne suis pas sur Twitter, car je n'aime pas trop ce concept de phrases courtes qui ne permettent pas de dire grand-chose.

 

Anna Prohaska photographiée par Patrick Walter pour la sortie de <i>Enchanted Forest</i>.  © Deutsche Grammophon

 

Vos disques montrent une attention particulière accordée au look, au vêtement et au physique. Cet aspect est-il important pour vous ?

Pour être franche, je ne suis pas fan de shopping. Je me vois mal passer des heures et des heures à faire les magasins. Il faut plutôt qu'on me prenne par la main et qu'on m'entraîne… Lorsque j'ai besoin d'une nouvelle robe de concert, cela pose généralement un problème. Mais, paradoxalement, lorsque j'ai une nouvelle robe, cela me rend très heureuse car j'aime vraiment les tenues que je porte. Cependant, je précise que je n'apprécie pas trop ces robes assez folles genre "gâteau d'anniversaire" à chichis. J'ai, en fait, des goûts assez précis. Mon côté un peu gothique est un héritage de mes années d'adolescence. De même, j'aime les costumes et les accessoires historiques, et il est assez difficile de trouver des tenues en accord avec tout cela. Aussi, pour qu'une robe corresponde à ce que j'aime et qu'elle m'aille, il est souvent nécessaire de la faire faire sur mesure. Il m'arrive parfois tout de même de tomber sur un modèle qui me plaît dans un magasin. C'est ainsi que j'ai trouvé ce que je cherchais pour Les Illuminations de Britten que j'ai chantées avec le Bayerischer Rundfunk : une robe qui brille de mille feux, comme celle que portait Marilyn Monroe pour chanter "Happy Birthday Mr. President".

Que pouvez-vous dire de votre look sur les couvertures de vos deux disques ?

Pour la couverture de Enchanted Forest le visuel peut faire penser à Kate Busch avec ces cheveux sauvages et ce côté un peu mythique. J'aime me cacher derrière une façade, y compris lorsque je chante en concert. Pour mon premier disque j'étais une petite sirène, pour le second, je suis une nymphe de la forêt. J'ai besoin de ce recul qui me rend plus confiante. Il est plus facile de jouer lorsqu'on est caché derrière un masque que de s'asseoir face à quelqu'un et de s'exprimer tel quel. C'est la raison pour laquelle j'aime construire une image et c'est pour la même raison que j'aime me déguiser et, au final, être sur une scène de théâtre. Pour être une actrice-chanteuse je crois qu'il faut aimer changer de peau et de comportement. La sirène et la nymphe des couvertures de mes disques répondent à cette envie de présenter un autre visage.

 

Anna Prohaska, entourée du chœur Adoro et du Deutsches Kammerorchester, enregistre des chants de Noël pour Deutsche Grammophon. © Burkhard Scheibe/DG

 

Anna Prohaska.  © Harald Hoffmann/DG

Quels nouveaux rôles travaillez-vous en ce moment ?

Je travaille davantage mon répertoire de concert et en particulier la Messe en ut mineur de Mozart que je chanterai à l'église Saint-Pierre de Salzbourg début août avec Gustavo Dudamel et le Simón Bolívar Symphony Orchestra. En ce moment je considère que c'est la plus belle œuvre du monde, ce que je vous dirai à propos de n’importe quelle pièce de Mozart à chaque fois que vous me poserez la question ! Je chanterai également Pamina à Berlin dans une vieille production de La Flûte enchantée dans laquelle j'ai tout d'abord chanté Papagena. Puis je répéterai un certain nombre de rôles dont Susanna dans Les Noces et Sophie dans Le Chevalier pour la seconde fois en 2 ans. En 2014, je ferai mes débuts à Covent Garden dans Dialogues des carmélites qui est une œuvre que j'aime profondément. Je chanterai le rôle de sœur Constance dans la production de Robert Carsen. J'ai déjà travaillé avec lui dans Don Giovanni à La Scala.

Travaillez-vous le français avec un coach ?

Oui, à Berlin, j'ai une coach qui est aussi chanteuse au Staatsoper. Je travaille aussi avec un très bon ami, le baryton Edwin Crossley-Mercer, qui chante souvent ici, à Paris.

Viendrez-vous bientôt chanter en France ?

Eh bien je dois vous dire que je suis très impatiente de faire mes débuts au Palais Garnier en 2014 dans L'Enlèvement au sérail sous la direction de Philippe Jordan. Et, l'été prochain, ce sera mon premier opéra à Aix ! J'espère qu'en passant 9 mois chez vous, je vais enfin réussir à apprendre le français. Mais je compte bien prendre des cours auparavant pour démarrer sur de bonnes bases et me préparer à la rapidité avec laquelle les Français s'expriment…



Propos recueillis par Philippe Banel
Le 11 juin 2013

 

 

 

Pour en savoir plus sur Anna Prohaska :
www.facebook.com/AnnaProhaska

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Anna Prohaska - Enchanted Forest

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